Intervention de Jean Boyer

Réunion du 7 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales suite

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Monsieur le ministre, je souhaite tout d'abord vous souhaiter pleine réussite dans vos nouvelles fonctions. Le 30 novembre dernier, vous avez remarquablement situé votre future mission, ainsi que l'exceptionnelle dimension des chantiers que vous aurez à conduire, en particulier celui de la loi de modernisation agricole. Les agriculteurs de France sont très sensibles à cette conception.

Chaque année, l'étude de ce budget de l'agriculture mobilise nos attentions, car nous savons tous la place que celle-ci a tenue hier, tient aujourd'hui et devra tenir demain.

Vous savez aussi qu'elle vit, depuis plusieurs décennies, des mutations successives. Nos agriculteurs doivent être prêts à y faire face et savoir réagir en permanence.

Nous savons tous que le temps où elle devait seulement nourrir le monde est révolu. Aujourd'hui, sa mission initiale est certes conservée, mais elle est aussi élargie à des actions qui contribuent à une amélioration de la qualité de la vie, y compris sur le plan alimentaire.

A présent, l'agriculteur est un chef d'entreprise. Il doit connaître précisément les décisions prises à Berlin, à Luxembourg ou à Cancun. L'agriculture française est liée au contexte mondial, dans lequel la France doit garder une place déterminante.

Nous avons la chance que l'actuelle génération d'agriculteurs soit active et performante. Son état d'esprit est sans cesse en évolution. Notre agriculture doit anticiper non seulement les besoins, mais également les aspirations de la société. Si un agriculteur est un producteur, il doit aussi être, de plus en plus, un gestionnaire avisé et perspicace.

Nos agriculteurs sont trop souvent noyés sous un flot de circulaires trop rigides, dont l'application sur le terrain manque parfois de bon sens. L'objet de certains contrôles - cela date non pas d'aujourd'hui, mais de plusieurs décennies - est plutôt de poser des obstacles que d'apporter des solutions. Ce n'est pas raisonnable ! Etre agriculteur en 2004 requiert de l'exigence. Il faut y croire et ne pas se décourager.

Elu d'un département de moyenne montagne, j'ai eu à connaître régulièrement des handicaps liés à la topographie, au parcellaire diffus, au potentiel productif limité et au climat plus rude, qui crée des contraintes supplémentaires. Cette agriculture-là ne demande pas des privilèges ; elle souhaite simplement une approche de parité.

En 1950, mon département comptait 24 000 exploitations agricoles. Elles ne sont plus aujourd'hui que 4 500. Dans certains villages du Massif central, le problème est non plus de trouver des terres disponibles, mais de vivre dans un village où l'agriculteur n'est pas et ne sera pas le dernier habitant permanent.

En l'absence de toute vie sociale possible, il est tenté de ne plus habiter sur place et, par conséquent, d'exploiter à distance. C'est très regrettable !

La France, comme d'autres pays européens, a connu ce que l'on appelle des friches industrielles. Aujourd'hui, certaines zones agricoles françaises sont en friches, de très nombreux bâtiments d'exploitations sont totalement abandonnés. Un volet « habitat » s'impose si l'on ne veut pas que les villages se vident de leurs hommes.

Rappeler les priorités, c'est vous dire, monsieur le ministre, la nécessité d'améliorer la dotation jeunes agriculteurs afin d'inciter à s'engager dans ce métier. Penser - peut-être avec un peu d'égoïsme ou de sensibilité au pays - à une revalorisation plus importante dans les zones dites de revitalisation rurale est vraiment nécessaire.

Si la prime à l'herbe a été très sensiblement améliorée, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels mérite d'être de nouveau actualisée afin d'atteindre les indispensables engagements qui ont été pris.

En outre, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, suscite une certaine inquiétude. Cette dernière concerne plus particulièrement le calendrier de paiement pour 2004, qui risque de ne pas être respecté. La situation financière de certains éleveurs risque d'être fortement fragilisée, les empêchant de procéder, cet automne, au règlement des factures. N'oublions pas non plus que le versement en deux paiements de cette prime sur une année civile risque de poser des problèmes sur le plan fiscal.

Je complète mon propos en me félicitant que, depuis le 1er janvier 2004, le paiement de la retraite agricole s'effectue mensuellement. Mais cette mensualisation pose un problème. J'ai, à plusieurs reprises, appelé l'attention du secrétaire d'Etat au budget et celle de votre prédécesseur Hervé Gaymard, monsieur le ministre. En 2004, un agriculteur percevra quatorze mois de retraite et, s'il a la chance d'avoir encore son épouse, il bénéficiera de quatre mois supplémentaires. Les revenus qu'il touchera durant ces quatre mois supplémentaires risquent d'être le véritable détonateur d'un assujettissement à l'impôt sur le revenu ou d'un changement de tranche. C'est très important et les agriculteurs attendent une réponse, monsieur le ministre.

Nous avons apprécié l'effort qui a été réalisé récemment en faveur des bâtiments d'élevage, particulièrement en zone de montagne, où des surcoûts sont inévitables.

La production laitière en zone de montagne est également confrontée à des surcoûts, la densité de collecte étant très faible par rapport à la moyenne nationale. Elle est parfois assurée dans des conditions difficiles. Il faudra envisager très rapidement, comme par le passé, une compensation de ces surcoûts, afin de maintenir la vocation laitière de ces zones de montagne.

En effet, pour la première fois depuis de nombreuses années - c'est un phénomène très surprenant, mais réel -, des jeunes arrêtent la production laitière. Le lait était le salaire du paysan. Mais, aujourd'hui, produire du lait demande de l'exigence et cette activité a des répercussions tant humaines que sociales. La traite devant être effectuée tous les jours, elle ne laisse que peu disponibilités à l'agriculteur et ne lui permet pas de prendre des vacances comme la plupart des Français.

Monsieur le ministre, dans nos zones de montagne, l'élevage est indiscutablement une pièce maîtresse, indispensable à la survie d'une activité économique complémentaire aux aspirations touristiques et environnementales.

Les installations doivent reposer sur des bases solides, garantes de la pérennité de cette agriculture en mutation permanente.

Monsieur le ministre nous avons conscience que votre mission est lourde. Votre prédécesseur avait démontré, outre son exceptionnelle capacité de travail, une compétence et une conviction qui avaient rallié la confiance d'une grande partie des agriculteurs de notre pays.

Nous savons, au regard de vos actions précédentes, qui ont été appréciées, que vous irez dans le même sens.

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