Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à saluer votre arrivée au ministère de l'agriculture. Vous saurez, j'en suis sûre, relayer efficacement votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, qui a effectué un remarquable travail, dont le projet de budget que nous examinons aujourd'hui est le fruit.
L'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité fait apparaître d'indéniables avancées, qui prouvent la réelle ambition du Gouvernement dans la conduite d'une politique agricole qui se déploie, par ailleurs, en totale cohérence avec les financements européens.
A l'instar du débat qui entoure actuellement la préparation d'une future loi de modernisation agricole, ce projet de budget vise à relever les défis décisifs qui s'imposent aujourd'hui au monde agricole, dont certains revêtent un certain caractère de nouveauté : je pense, par exemple, aux préoccupations environnementales et sanitaires, qui concernent désormais l'ensemble de notre agriculture. D'autres défis, beaucoup plus anciens, n'en sont pas moins actuels, à l'image de celui de la protection des revenus agricoles face aux aléas climatiques, dont la sécheresse de 2003 a rappelé l'impérieuse nécessité.
C'est précisément ce sujet qui constituera le coeur de mon intervention, alors que, d'une part, le lancement du dispositif d'assurance récolte prévu dans ce projet de budget est très attendu par un monde agricole qui se montre prêt, dans l'ensemble, à tenter l'expérience, et que, d'autre part, de nombreuses questions restent encore en suspens.
A cet égard, je tiens d'ores et déjà à saluer la volonté du Gouvernement de permettre un amorçage du dispositif d'assurance récolte, grâce à la constitution d'une provision de 10 millions d'euros.
En effet, nous n'en sommes qu'au début d'un processus qui vise à installer non pas, bien sûr, un nouveau système d'indemnisation public à caractère redistributif, à l'instar du FNCGA, mais bien un mécanisme assuranciel multirisque dans lequel l'Etat prendrait à sa charge une partie des cotisations.
Il s'agit notamment, suivant les préconisations de notre collègue député Christian Ménard, d'orienter in fine les choix de production via les primes assises sur le « prix du risque » et d'encourager la prise de décisions de production plus rationnelles.
Sans entrer dans le détail du système actuellement en gestation à travers la négociation qui associe les pouvoirs publics, les organisations professionnelles agricoles et les assureurs et qui s'appuie sur les dispositions en vigueur depuis la parution du décret du 19 juillet 2004, permettez-moi, monsieur le ministre, de soulever plusieurs questions relatives à ce projet. Je suis sûre que vous saurez y apporter des réponses concrètes le moment venu.
Tout d'abord, il sera nécessaire d'abonder, en cours d'exercice, la dotation de 10 millions d'euros prévue dans ce projet de budget pour amorcer véritablement les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devront s'efforcer de proposer au plus grand nombre possible d'exploitants agricoles. L'un des atouts de ce projet est de permettre une très large adhésion à une offre multiproduits adaptée aux besoins de tous et qui aura vocation à se substituer progressivement au FNGCA, qui s'est révélé insuffisant.
Votre prédécesseur avait d'ailleurs évoqué cette possibilité d'abonder, en tant que de besoin, par le biais de la prochaine loi de finances rectificative, les crédits provisionnels que nous allons voter.
En outre, il avait prévu de limiter le champ d'application du dispositif d'assurance récolte aux seules cultures de vente, de rendre l'application du système progressive sur cinq ans sans qu'elle soit immédiatement obligatoire, de plafonner la participation budgétaire de l'Etat à 130 millions d'euros, enfin de mettre en place une franchise à hauteur de 25 % des pertes, seule à même de contenir le niveau des primes et donc de favoriser la mutualisation future du système, qui est une autre condition incontournable du succès de ce dernier.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez nous éclairer sur ce que vous comptez proposer en 2005, à la suite de votre prédécesseur, en ce qui concerne ces différents points.
Enfin, je souhaite vous exposer l'une des principales préoccupations des assureurs aujourd'hui. M. Gaymard avait indiqué que la question-clé de la réassurance de l'Etat ne serait posée qu'en 2007. Or, monsieur le ministre, cette couverture des gros sinistres, du type de la sécheresse de 2003, est indispensable à la mise en place d'un système de couverture accessible à tous les agriculteurs.
Croyez bien que tous les acteurs demeurent particulièrement attentifs à cette avancée d'importance primordiale, qui consisterait à intégrer purement et simplement un véritable système de réassurance d'Etat au sein du dispositif d'assurance récolte. Je crois possible et utile d'évoquer cette question dès aujourd'hui et d'en faire l'un des axes principaux des réflexions qui seront menées en 2005.
En conclusion, je pense que nous sommes bien parvenus à un tournant sur ce sujet et qu'il faut croire au lancement de cette assurance récolte, à condition que celle-ci bénéficie d'emblée d'une image crédible aux yeux de tous les acteurs.
Par ailleurs, je veux souligner combien ce projet de budget, notamment par cette première mesure d'amorçage de l'assurance récolte, permet de manifester le soutien de la nation au monde agricole, qui connaît de profondes mutations depuis plusieurs décennies, en particulier avec la réforme de la PAC et les négociations commerciales multilatérales.
Ces mutations ont surtout pour conséquence une diminution importante des protections et des aides directes et une libéralisation des marchés, qui laissent bien des exploitants agricoles désemparés. C'est dire, monsieur le ministre, combien les mesures que vous présentez aujourd'hui et l'évolution affichée au travers de votre projet de budget apparaissent salutaires et doivent être prolongées.