Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, gros temps pour la pêche et les pêcheurs ! C'est ainsi que je souhaite intituler mon intervention, qui portera uniquement sur le budget de la pêche pour 2005.
En effet, c'est un secteur important d'activités économiques pour notre pays. Je le résumerai en quelques chiffres : 5 675 navires, pour une puissance de quelque 900 000 kilowatts et un tonnage de plus de 600 000 tonnes. La majorité de ces navires pratiquent la pêche artisanale et hauturière, ainsi que la pêche côtière.
En termes financiers, cela représente 964 millions d'euros en produits frais et 77 millions d'euros en produits congelés. Je n'oublie pas, bien évidemment, la conchyliculture, qui représente environ 20 000 emplois.
Elue bretonne, je rappelle que la Bretagne concentre 40 % de la puissance des navires, près de 29 % des effectifs, que l'on estime aujourd'hui à 26 000 marins en France.
Ce secteur d'activités cumule difficultés et incertitudes ; j'en citerai quelques-unes.
Tout d'abord, le prix du gazole augmente d'une façon vertigineuse : le carburant représente 25 % des coûts d'exploitation des entreprises de pêche et l'augmentation de 0, 15 euro entraîne une réduction de 4 % à 16 % du revenu des marins pêcheurs.
Ensuite, la fin des aides européennes est programmée pour la fin de l'année 2004 s'agissant de la construction, et pour la fin de l'année 2006 en ce qui concerne la modernisation.
Enfin, la maîtrise de la ressource est indispensable au développement durable et à l'avenir de la filière.
J'ajouterai le lourd tribut que payent les marins à un métier difficile, exigeant et dangereux. Je rappellerai à cet égard le drame cruel du Bugaled Breizh qui a endeuillé le monde de la pêche en général, et la Bretagne en particulier. J'insiste sur le désarroi des familles face à une énigme qui n'est toujours pas résolue à ce jour.
C'est dans un tel contexte que nous débattons aujourd'hui du budget de la pêche. Je reviendrai sur plusieurs aspects de ce budget.
La baisse globale des crédits de la pêche agrégat « gestion durable des pêches maritimes et de l'aquaculture », à hauteur de 5, 7 %, n'échappe pas à la logique générale de baisse des budgets de l'Etat. A la page 5 du rapport écrit de M. Alain Gérard, il est indiqué : « les crédits (...) sont en diminution non négligeable. » Notre rapporteur pour avis reconnaît donc clairement cette situation !
Le même constat est dressé en ce qui concerne les crédits de I'OFIMER : « 8, 5 millions d'euros ont été affectés à cet organisme en 2005, soit une dotation en recul de 15, 2 %. » Et le rapport d'ajouter : « Votre commission insiste cette année encore, sur l'importance des missions de I'OFIMER et la nécessité d'assurer en conséquence la pérennité de son financement. »
Je ne pourrai pas mieux dire ! Je me contenterai de rappeler les missions de l'OFIMER, un outil essentiel qui permet la promotion et la valorisation des produits, l'information du consommateur, le soutien à l'amélioration de la qualité, c'est-à-dire, globalement, l'organisation des marchés.
Je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de faire le parallèle, certes dans un autre domaine, avec la situation du Conservatoire du littoral : on loue l'intérêt de cet organisme, sans lui donner les moyens nécessaires. Cette attitude consistant à masquer les réalités crues des baisses budgétaires par des propos flatteurs et enjôleurs serait-elle systématique ?
J'évoquerai maintenant quelques autres aspects du sujet.
S'agissant du fonds pour aléas, je disais, au début de mon intervention, que les marins avaient été frappés de plein fouet par l'augmentation du gazole. Cela m'amène à relayer une demande récurrente des professionnels sur la gestion des aléas par la constitution d'un fonds. D'ailleurs, pourquoi ne pas renouveler, à l'échelon européen, une demande d'organisation commune sur ce dossier ?
Pour ce qui est du dispositif des « Sofipêches », qui a été mis en place par la loi du 18 novembre 1997, son objet était d'aider à la modernisation des navires, laquelle conditionne la sécurité. Où en est-on aujourd'hui de la modification de ce dispositif ? Des interrogations subsistent, en effet, sur l'après 2006.
Certes, la maîtrise des constructions est liée à la préservation de la ressource. L'un des moyens pour y parvenir est l'instauration des totaux admissibles de captures et des quotas. Mais cela peut aussi passer par les périodes de repos biologique, à condition d'indemniser les pêcheurs. Nous connaissons les désaccords récurrents qui existent entre les professionnels et les scientifiques à ce sujet. Des progrès ont été réalisés ces derniers temps grâce à la signature de la charte entre l'IFREMER, le milieu maritime et l'Etat. C'est un premier pas. La confiance est encore à gagner.
Cette maîtrise passe aussi par les contrôles. Ces derniers sont indispensables et les crédits figurant sur cette ligne connaissent une augmentation, ce dont nous nous réjouissons. Mais méfions-nous du phénomène de black fish. Les professionnels s'inquiètent de la provenance des poissons mis sur le marché. Ils dénoncent l'existence d'un marché hors criée et supposent qu'il s'agit de poissons hors quotas.
Ces apports bouleversent les cours et anéantissent les efforts qu'accomplissent les pêcheurs pour pratiquer une pêche responsable et respectueuse de la ressource.
Il est regrettable que l'Europe renvoie la solution du problème à chaque Etat membre au lieu de conduire une politique globale !
Cette maîtrise passe également par la qualité sanitaire, la traçabilité et la préservation du littoral. Les récents rapports et débats sur la loi Littoral ont permis de rappeler l'importance des schémas de développement sur ces espaces à protéger en étant très vigilants face à la pression foncière.
Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de deux points qui me préoccupent.
Pouvez-vous nous apporter des précisions au sujet de la transformation de l'instrument financier d'orientation de la pêche en fonds européen de la pêche ?
Par ailleurs, la question des pensions de réversion est importante pour les femmes de marins. Quand une femme perd malheureusement son mari, la pension est seulement de 54 %. Il faudrait passer à 70 %, car de nombreuses veuves ne touchent même pas le SMIC.
Avant de conclure, je parlerai plus largement de la situation des gens de mer. Les inquiétudes s'accumulent. Le projet de loi portant création du registre international français, le RIF, n'a toujours pas été discuté à l'Assemblée nationale. Les vives oppositions qu'il a provoquées posent les enjeux du débat.
Les décisions prises récemment par les sociétés Gazocéan et France Télécom Marine illustrent la poursuite de la réduction du nombre de marins français. La question du registre ne doit pas être, à mes yeux, abordée sous le seul angle de la compétitivité et de la concurrence. L'actualité récente nous montre que la sécurité maritime et celle des marins doivent guider et encadrer toute réflexion dans ce domaine, car la question de la sécurité reste majeure pour l'avenir de la pêche.
En conclusion, je constate que, face à la situation très difficile de ce secteur de l'économie, votre projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux, monsieur le ministre. Je l'ai démontré, me semble-t-il, dans mon intervention. Ce projet de budget ne rassure pas les professionnels, car il manque de souffle, de volonté. Il ne répond pas aux défis que le xxie siècle pose au monde de la pêche. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre.