Ce n'était pas mon intention ! Je voulais simplement lui demander d'être vigilant quant aux préoccupations de la profession agricole.
Le premier sujet sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, concerne le BAPSA. Sa suppression est l'une des conséquences des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances : il a été remplacé par le FFIPSA. En tant que rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer cette question. Mais le BAPSA et le FFIPSA ne font plus l'objet d'aucune discussion.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez nous rassurer et que vous organisiez, en liaison avec Philippe Douste-Blazy, un débat sur le FFIPSA. La loi organique nous en fournira peut-être l'occasion. Quoi qu'il en soit, comment le Gouvernement compte-t-il assurer l'équilibre de ce budget ? Sur l'exercice 2004-2005, le FFIPSA présentera un déficit cumulé de 2, 3 milliards d'euros. Cette situation ne doit pas perdurer ; il faudra bien que l'on se donne les moyens de l'équilibre.
Le second sujet que je souhaite aborder est celui des retraites. Chaque année, 90 000 personnes travaillant dans le domaine agricole sortent du système, tandis que 40 000 y entrent. Cela dégage un résultat positif net de 270 millions d'euros pour le financement des retraites. Aujourd'hui, si 930 000 exploitants ont vu leur pension revalorisée, près de 1, 5 million n'a pas encore bénéficié de cette revalorisation.
Environ un quart des exploitants agricoles bénéficient d'une retraite qui atteint approximativement 75 % du SMIC, alors que 1, 5 million d'agriculteurs retraités ont une retraite qui ne représente que 30 % à 40 % du SMIC. Or, dans le cadre de la réforme des retraites, M. Fillon avait pris, devant la représentation nationale, l'engagement que, en quatre ans, les retraites des exploitants agricoles atteindraient 85 % du SMIC.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous disiez où en est le Gouvernement sur les évolutions futures concernant les agriculteurs retraités.
Quant à la PAC, Hervé Gaymard a fait de son mieux : il a bien défendu les intérêts de l'agriculture française à Bruxelles, dans le cadre des négociations qui ont été menées.
Le premier pilier est stabilisé jusqu'en 2013. L'entrée des nouveaux pays n'aura pas de conséquence sur l'enveloppe des pays bénéficiaires de la PAC. Vous avez réussi à sauver à peu près les meubles en maintenant le couplage pour une partie de la production.
Cela étant, les perspectives ne sont pas réjouissantes. Les aides couplées, découplées subiront une réduction, à raison de 3 % en 2005, 4 % en 2006 et 5 % en 2007, au profit du deuxième pilier. Il y a aussi la fameuse discipline budgétaire qui risque de s'appliquer ; à ce propos, les centres de gestion agricole qui réalisent des simulations ne savent pas sur quel pied danser : la discipline budgétaire sera-t-elle de 3 %, de 10 % ou entre les deux ? La différence n'est pas négligeable.
J'ai demandé au centre de gestion agricole de l'Oise de procéder à des simulations de l'application de la PAC en prenant ou non en compte les changements résultant du règlement « sucre ».
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : toutes les exploitations agricoles, qu'elles soient céréalières, d'élevage ou productrice de lait, perdent, d'ici à 2007, entre 7 % et 22 % de leur revenu. Par ailleurs, si la discipline financière va jusqu'à 10 %, l'impact est de l'ordre de 12 % à 26 %.
Imaginez une entreprise en France qui verrait son revenu baisser dans de telles proportions ! Tous ses salariés descendraient dans la rue, car elle ne pourrait pas survivre une seconde !
Notre agriculture est administrée, mais pour combien de temps encore ? Nous savons bien que, si l'on fermait le robinet des aides européennes, toute l'agriculture française serait en situation de quasi-faillite, autrement dit elle n'aurait plus de revenu du tout ! Les seuls revenus dont bénéficient les agriculteurs aujourd'hui sont ceux qui correspondent aux primes. Aussi, au vu d'une telle diminution, de 3 % à 5 %, et de l'apparition d'un dispositif de discipline financière, on ne peut qu'être préoccupé !
Selon le centre de gestion agricole dont je parlais tout à l'heure, une exploitation sur deux connaîtra des difficultés de trésorerie à partir de 2007.
C'est la raison pour laquelle je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques apaisements, notamment dans la perspective de la loi de modernisation agricole. Qu'allez-vous faire sur les plans fiscal, économique et social ?
Il faut compter aussi avec l'impossibilité pour un agriculteur de répercuter les hausses des prix des produits qu'il utilise.
Lorsque le prix de l'acier flambe pour s'élever à plus de 50 %, le constructeur de charpentes métalliques est contraint d'accroître le prix de vente de son produit. Mais lorsque le baril de pétrole passe à cinquante ou soixante dollars, l'agriculteur, lui, ne peut répercuter une telle hausse sur ce qu'il produit : ni sur la viande, ni sur les céréales, ni sur les produits oléagineux ! Nous n'avons aucune marge de manoeuvre contrairement aux entrepreneurs agricoles qui procèdent aux arrachages de betteraves ou éventuellement aux récoltes de céréales.
Il y a peu de temps, un entrepreneur me disait qu'il allait être obligé d'augmenter son tarif de prestation pour tenir compte de la hausse du pétrole. L'agriculteur, lui aussi, subit cette hausse de plein fouet, mais il ne peut la récupérer.
Les agriculteurs sont donc très inquiets de l'évolution qui se profile à l'horizon.
Et, cerise sur le gâteau, ajoutez à cela l'éco-conditionnalité, belle invention ! En fait, cette nouvelle notion impliquerait que les agriculteurs sont peu soucieux de l'environnement. Je vois là un mauvais procès qui leur est fait dans la mesure ou ils ont démontré, à plus d'une occasion, que ce n'était pas le cas.
En outre, en mettant en place cette éco-conditionnalité, on crée de nouvelles contraintes sans faire gagner un sou supplémentaire, au contraire ! Un agriculteur qui ne respecterait pas un certain nombre de normes ou de contraintes prendrait le risque de perdre les aides européennes, donc la totalité de son revenu ou de son bénéfice.
C'est la raison pour laquelle je suis inquiet de l'évolution des crédits concernant les CAD, ex-CTE. Je terminerai donc mon propos sur ce point.
J'aimerais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez au moins procéder par redéploiement pour ce qui concerne les départements les plus dynamiques dans ce domaine. Je m'en suis déjà entretenu en privé avec vous.
J'ai constaté, en lisant des documents que vous m'avez fait parvenir, que certains départements n'étaient pas du tout consommateurs.
Je citerai quelques exemples : en 2004, les départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse - peut-être cela n'étonnera-t-il personne - n'ont déposé aucun dossier de CAD ; le département des Alpes-Maritimes n'en a déposé que trois ; la Gironde, neuf ; le département des Vosges, cher au président Poncelet, deux ; le Territoire-de-Belfort, cinq ; la Lozère, deux ; le Lot, neuf. Parallèlement, certains départements ont des dossiers en attente. Le département de l'Oise que je représente a aujourd'hui quatre-vingt-cinq dossiers en souffrance qui ne sont pas financés.
Pour atteindre un rythme de croisière qui tienne compte de la disparition des CTE et de la création des CAD, il faudrait traiter deux cents dossiers par an. Or, avec la baisse des crédits prévus au titre de l'exercice 2005, on ne pourrait en financer que soixante. Il y a un problème !
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques assurances afin de nous tranquilliser complètement sur l'évolution du financement des CAD.
Je conclus : bien entendu, appartenant à la majorité sénatoriale, je fais parfaitement confiance a priori au Gouvernement, dont j'espère qu'il saura apaiser mes inquiétudes, inquiétudes que j'ai exprimées à double titre : en qualité de parlementaire d'un département agricole, d'une part, et en qualité d'agriculteur, d'autre part.
Je serais d'ailleurs curieux de savoir combien il y a d'agriculteurs en activité dans l'hémicycle, ce soir. Si je demandais à ce que les mains se lèvent, je n'en verrais pas beaucoup. On ne serait peut-être que deux !
Cela explique, monsieur le ministre, que nous ayons de plus en plus de mal à peser sur les décisions politiques. Toutefois, nous sommes suffisamment déterminés pour vous sensibiliser à nos problèmes, et je sais que vous n'y êtes jamais indifférent. J'ai bon espoir, et je vous remercie d'avance !