Intervention de Bernard Murat

Réunion du 7 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales suite

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

Pour autant, 4, 9 milliards d'euros seront consacrés à l'agriculture. Nous sommes donc en présence d'un budget en quasi-reconduction, dont la qualité doit se mesurer non pas à son volume mais à sa capacité de dégager des priorités destinées à préparer l'avenir. Nos excellents rapporteurs ayant précédemment détaillé avec talent ces priorités, je ne m'attarderai que sur l'une d'entre elles, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, dont je me félicite tout particulièrement.

Il était, me semble-t-il, important de redonner des perspectives aux éleveurs afin que la mise aux normes ne soit pas, pour eux, un motif supplémentaire d'abandon de la production, en particulier dans le veau de lait.

En effet, de nombreux éleveurs éprouvent des difficultés à financer le lourd investissement que représente l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. La nouvelle procédure permettra de regrouper en un guichet unique l'ensemble des aides jusqu'alors gérées selon des procédures disparates. Doté de 55 millions d'euros, ce fonds devrait atteindre en 2006-2007 120 millions d'euros. J'espère que cet objectif sera respecté, car, pour être efficace, cette politique nécessite la durée.

Par ailleurs, il conviendra, pour que ce principe de guichet unique soit effectif, que les moyens en personnel mis à disposition soient suffisants.

En me félicitant des mesures contenues dans ce projet de budget, monsieur le ministre, j'apporte la preuve que l'on peut engager de nouvelles actions sans pour autant dépenser plus que de raison, même si je suis tout de même obligé d'émettre certaines critiques.

En ce qui concerne le soutien aux territoires les plus fragiles, pour les indemnités compensatrices de handicaps naturels, les ICHN, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones les plus défavorisées, un montant de 234 millions d'euros est prévu. Je crois qu'il faut aller beaucoup plus loin, et ce conformément à l'engagement pris précédemment d'augmenter leur montant de 50 % en trois ans pour les vingt-cinq premiers hectares. Après une augmentation de 10 % l'année dernière, une dotation de 16 millions d'euros supplémentaires sera donc nécessaire.

M. le Président de la République, voilà quelques semaines, affirmait que la hausse des crédits était acquise pour 2005 et qu'elle figurera dans la loi de finances rectificative. Nous sommes donc rassurés sur ce point. Mais il reste que le plafonnement à 110 % du montant de l'indemnité versée l'année précédente aux agriculteurs pénalise les jeunes agriculteurs qui développent leur exploitation, ainsi que les petites exploitations qui tentent de s'agrandir.

De plus, la diminution de 10 % des crédits relatifs aux contrats d'agriculture durable et la simple reconduction des mesures agro-environnementales ne permettront pas aux agriculteurs d'avoir les moyens nécessaires pour prendre en compte les préoccupations environnementales qui s'affirment de plus en plus. De nouvelles marges de manoeuvre pourront peut-être être dégagées dès 2005, à la suite de la mise en place de la modulation des aides dites du « premier pilier » de la PAC.

Plus fondamentalement, sans doute conviendrait-il de s'orienter vers un repositionnement de l'instrument que constituent les CAD, du fait de la mise en place de l'éco- conditionnalité des aides agricoles de la PAC, du programme Natura 2000 et du développement annoncé de l'agriculture raisonnée. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous faire connaître les perspectives d'avenir, sachant combien nos agriculteurs s'inquiètent fortement de la mise en place de la nouvelle PAC. Ils demandent que les règlements d'éco-conditionnalité et leurs contrôles soient mis en place de manière très progressive. En effet, le procès fait à nos agriculteurs en matière d'environnement est, pour une large part, dû à des raisons philosophiques sinon bureaucratiques.

Les crédits d'accompagnement à l'installation des jeunes agriculteurs, qui est depuis longtemps l'un des axes forts de la politique agricole en France, sont, cette année, malheureusement en baisse.

Or, si depuis l'année 2000, la tendance à la baisse du nombre d'installations de jeunes agriculteurs s'accentue, il est pour le moins paradoxal de constater que le nombre d'installations non aidées, lui, ne cesse de croître. Il serait donc bénéfique, à mes yeux, non pas de réduire les crédits, mais de mettre en place une politique rénovée en la matière, politique qui prendrait en compte les spécificités de chaque filière, ainsi que leurs perspectives d'évolution, tout autant que les conditions de vie des agriculteurs.

J'espère que nous pourrons aborder ce sujet dans le cadre du prochain projet de loi de modernisation agricole, car, chaque fois que je me rends dans les exploitations corréziennes, je suis en admiration devant le niveau de formation, le savoir-faire et l'enthousiasme de cette jeunesse paysanne française.

Aussi, en leurs nom et place, je voudrais, monsieur le ministre, vous poser une question qui leur tient particulièrement à coeur : quand le versement en une seule fois de la dotation jeune agriculteur, revendication ancienne et légitime qui a été satisfaite l'année dernière, sera-t-il pérennisé et appliqué ? Vous le savez, il s'agit là d'une mesure parfaitement juste pour les jeunes agriculteurs et qui revêt aujourd'hui un caractère d'urgence.

En conclusion, comme mon collègue Georges Mouly, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur les prestations sociales des agriculteurs. En effet, si nous ne pouvons que nous féliciter des progrès accomplis ces dernières années en matière de retraites, la mise en place du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, en remplacement du BAPSA, n'est pas satisfaisante, puisque le déficit de ce régime pourrait atteindre, en 2005, 1, 4 milliard d'euros.

J'avais, à plusieurs reprises, attiré l'attention de votre prédécesseur sur cette situation qui ne peut continuer. Il est impérieux que nous trouvions rapidement une solution : l'avenir de la protection sociale agricole en dépend.

J'espère, monsieur le ministre, que mes inquiétudes et mes interrogations ne vous paraîtront pas trop critiques. Je tiens à répéter que, dans un contexte difficile, vous avez fait de votre mieux pour dégager des priorités. Toutefois, ces critiques sont le reflet de nos nombreuses visites sur le terrain ; elles émanent des agriculteurs corréziens, qui ont, aujourd'hui plus que jamais, besoin de voir leurs efforts reconnus et d'entrevoir des perspectives d'avenir afin d'aborder avec confiance l'année cruciale qui arrive.

En leur nom, je voudrais vous témoigner toute notre confiance et je voterai, par solidarité avec le Gouvernement, le projet de budget de transition que vous nous présentez, monsieur le ministre.

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