Monsieur le ministre, permettez-moi, tout d'abord, de vous féliciter pour votre brillante nomination comme ministre de l'agriculture ; c'est un poste important, n'est-ce pas, monsieur Puech ? Je ne doute pas qu'avec M. Nicolas Forissier vous formerez une équipe solide pour que notre agriculture puisse franchir des caps importants. Je pense en particulier à la poursuite de la bataille européenne que M. le Président de la République, M. le Premier ministre et votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, ont menée, bataille qui a permis, il ne faut pas l'oublier, d'assurer le maintien des financements de la PAC jusqu'en 2013, ce qui n'était pas acquis.
Cette période va donc être une période capitale pour confirmer le rôle de nos agriculteurs.
Je me souviens que M. Valéry Giscard d'Estaing, lors d'un discours qu'il avait prononcé à Vassy, avait dit que l'agriculture était le pétrole vert de la France !
Il ne faut donc pas oublier le rôle essentiel que jouent nos agriculteurs à la fois pour nous offrir des produits de grande qualité, qui sont de plus en plus reconnus - d'ailleurs la future loi de modernisation agricole renforcera cette reconnaissance -, pour tirer le maximum de revenus des fruits de leur travail et non pas être considérés comme des assistés, mais aussi pour jouer un rôle fondamental dans la qualité de nos paysages et de notre environnement.
C'est la conciliation de ces différentes vocations qui doit permettre d'assurer l'avenir et la dignité de nos agriculteurs.
Le projet de budget que nous examinons représente 4, 89 milliards d'euros, ce qui, certes, est important mais sans plus. Toutefois, on ne peut l'analyser autrement qu'en l'intégrant dans le vaste ensemble des aides à l'agriculture dont une grande partie, soit 10, 5 milliards d'euros, provient d'aides communautaires.
Par conséquent, il convient de rappeler que, dans cette période où il est courant d'accuser l'Europe de tous les maux, c'est tout de même grâce à celle-ci que notre agriculture est aujourd'hui en mesure d'exporter, de fournir une grande partie de l'alimentation en Europe et de permettre de faire face aux besoins du monde. Je pense donc qu'il est essentiel de repositionner cette démarche.
Il ne faut pas oublier non plus - l'un de nos collègues en a parlé tout à l'heure - les problèmes posés par la mutualité sociale agricole, qui implique, là aussi, de grandes solidarités.
Ce projet de budget comporte - et nous nous réjouissons - un certain nombre de priorités, parmi lesquelles le lancement de l'assurance récolte, la création d'un fonds unique de bâtiments d'élevage - dossier, ô combien essentiel pour la montagne, j'y reviendrai -, la dotation consacrée à l'amélioration de la qualité des productions végétales ainsi que le renforcement de l'enseignement supérieur et des recherches agricoles.
Pour ma part, je voudrais évoquer ici, monsieur le ministre, les problèmes spécifiques à la montagne - comme l'ont déjà fait ceux de mes collègues qui sont membres du groupe d'études sur la politique de la montagne - en insistant, notamment, sur l'engagement qu'avait pris votre prédécesseur d'assurer la garantie de cette activité indispensable au maintien de la vie. Certes, en zone de montagne, l'agriculture n'est pas la seule activité, mais elle est essentielle et quand on est sénateur d'un département de montagne comme la Lozère, on sait de quoi l'on parle quand on dit qu'il faut compenser les handicaps !
Il existait auparavant la prime à la vache allaitante, dont la formulation a été modifiée, ce qui est un peu dommage, car c'était la traduction de ce qu'apportent les animaux à la protection de l'environnement de la montagne. Nous sommes quelque peu inquiets concernant l'ICHN, puisque tel est son nom. En effet, comment être sûr de pouvoir, compte tenu des crédits prévus de 235 millions d'euros, respecter l'engagement qui a été pris d'augmenter la dotation de 50 % sur les vingt-cinq premiers hectares dans les cinq ans qui viennent ? C'est ma première question.
Par ailleurs, se pose le problème du lait, problème qui est encore plus aigu en montagne qu'ailleurs. Comment pourra-t-on perpétuer ce qui a été mis en oeuvre et qui a permis à nos producteurs de lait de ne pas être trop victimes de la baisse des prix ? Vous savez en effet, comme moi, que le coût de la production ne diminue pas ; c'est donc une question importante.
Le second problème, toujours propre à la montagne, concerne les actions en faveur des zones défavorisées de montagne, dont les crédits doivent servir à financer des opérations de diversification en montagne - améliorations génétiques ou sanitaires, rétablissement des races anciennes en voie de disparition ou commercialisation locale. Or ces crédits baissent. Ce chapitre n'était déjà pas très bien doté, puisqu'il représentait 9 millions d'euros en 2004. Plus grave encore, les dotations ont été gelées dans certains massifs.
A cet égard, je voudrais insister sur la nécessité de redonner un élan à ce qui fera sans doute l'objet d'un débat lors de la discussion de la future loi de modernisation agricole, je veux parler des appellations en montagne, qui doivent être un signe de qualité ; il s'agit là, bien entendu, d'un sujet qui nous préoccupe fortement.
En ce qui concerne les aides aux investissements, aux bâtiments d'élevage notamment, mesure dont nous nous félicitons, nous nous demandons si les crédits de paiement inscrits à hauteur de 14, 6 millions d'euros seront suffisants. Il faudra suivre cela de très près, monsieur le ministre. En effet, nous savons tous que ces investissements coûtent plus cher en montagne qu'ailleurs et qu'une compensation du surcoût doit être prévue. Il faudra donc peut-être consentir un effort supplémentaire.
De la même façon, vous savez comme moi combien il est important de lutter contre la déprise de l'ensemble de notre environnement de montagne et qu'un effort supplémentaire est nécessaire pour encourager le pastoralisme. Il en va de même pour les peuplements forestiers, qu'a évoqués avec talent notre éminent collègue Yann Gaillard.
Monsieur le ministre, nous voterons les crédits de votre ministère, tout en mobilisant votre attention sur un certain nombre de points.
Ainsi, vous me permettrez d'insister sur deux dossiers qui ne revêtent pas la même importance.
Le premier, qui a été porté par votre prédécesseur, après une période d'oubli, pour ne pas dire d'abandon, est la prime à l'herbe, devenue la prime herbagère agro-environnementale.
Il s'agissait d'une bonne initiative qui a été court-circuitée par des opérations locales. Dans certaines régions, des éleveurs ont touché deux primes. Il est légitime de leur demander de les rembourser au prorata du trop-perçu, et non dans leur intégralité. Ce problème peut apparaître secondaire, mais plus de trois cents agriculteurs sont concernés en Lozère. Je me devais donc de l'évoquer.
Le second dossier n'a rien à voir avec la montagne, sauf à mentionner la viticulture « héroïque » ! Il s'agit d'un sujet qui fâche, tant les faux débats sont nombreux : je veux bien entendu parler de la viticulture. Les viticulteurs doivent d'ailleurs manifester demain.
Je suis médecin, monsieur le ministre. Je puis vous dire que des études extrêmement rigoureuses et sérieuses ont mis en évidence que, chez un sujet normal - j'exclus bien entendu les personnes fragiles et les femmes enceintes - une consommation de vin modérée non seulement n'est pas dangereuse, mais peut avoir des effets bénéfiques sur la santé ; je pense à la diminution des risques cardio-vasculaires et cérébraux ainsi que du nombre de cancers.
J'ai fait réaliser, dans le cadre de l'Institut des régions viticoles européennes, des études sérieuses et solides qui confirment le French paradox, lancé par le professeur Renaud, et qui démontrent que le vin peut être un élément positif.