Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 7 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Agriculture alimentation pêche et affaires rurales suite

Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité :

Avec les 90 millions d'euros qui seront reportés à la fin de l'année pour financer les bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions, nous retrouvons les moyens dont nous disposions l'année dernière.

Comme l'a souligné M. Emorine, le budget de l'agriculture doit être replacé dans le contexte européen : près de 9 milliards d'euros d'aides du premier pilier de la PAC, ajoutés aux 800 millions d'euros d'aides au développement rural, viennent compléter nos crédits nationaux.

Par ailleurs, et M. Alain Vasselle l'a rappelé, la protection sociale agricole représente 12, 5 milliards d'euros de financement public, hors cotisations sociales.

Ce budget est innovant par la démarche qui le sous-tend.

En effet, il intervient alors que les débats préalables au futur projet de loi d'orientation et de modernisation agricoles se sont achevés dans les régions. Les échanges ont été de grande qualité. La synthèse de ces débats sera confiée à une commission nationale et elle orientera nos travaux à venir.

J'ajoute que la mise en place du partenariat national en faveur des industries agroalimentaires, que pilote M. Nicolas Forissier, contribuera lui aussi largement à cette vision prospective de notre agriculture.

Par ailleurs, comme le savent bien les membres de la commission des finances, en particulier son président, nous sommes dans un nouveau cadre de référence.

Notre document budgétaire marque aussi une étape : il s'agit de la première étape de l'application de la loi organique pour les lois de finances, qui permettra une présentation plus claire et une gestion plus souple du budget de l'Etat, axé désormais sur des programmes et des priorités.

Permettez-moi de dire quelques mots de son application dans le secteur de l'agriculture, domaine dans lequel je m'étais beaucoup investi dans mes précédentes fonctions. La loi organique relative aux lois de finances constitue, me semble-t-il, un moyen de redonner beaucoup de pouvoir au Parlement et de rendre les politiques publiques plus transparentes pour nos concitoyens.

Nos politiques publiques ont été organisées en sept programmes, appartenant à quatre missions, dont trois interministérielles : la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », la mission « enseignement scolaire », la mission « recherche et enseignement supérieur » et la mission « sécurité sanitaire ».

L'année 2004 a vu, sous l'autorité d'Hervé Gaymard et de Nicolas Forissier, les premiers bénéfices d'expérimentations complexes. Fort des avancées réalisées en 2004, je voudrais, en 2005, étendre et approfondir notre démarche d'anticipation.

L'ancien secrétaire d'Etat au budget que je suis constate que le ministère de l'agriculture est un très bon élève s'agissant de l'application de la loi organique puisque près de la moitié du budget de l'agriculture - 2, 5 milliards d'euros - feront l'objet, en 2005, d'une programmation et d'une gestion sur le mode LOLF.

Nous responsabilisons aussi davantage les services déconcentrés : dans deux régions tests, Aquitaine et Nord-Pas-de-Calais, les chefs de service déconcentrés auront la possibilité de redéployer leurs crédits de fonctionnement et de personnel selon leurs besoins.

Mon ambition est que ces expérimentations permettent de rapprocher autant que possible les lieux de décision et le terrain. C'est seulement à cette condition que nous créerons une meilleure adéquation entre les besoins réels et leur prise en compte.

Enfin et surtout, comme vous le savez, la présentation des budgets sur le mode LOLF vise la recherche de la performance. Nous nous appuierons sur deux outils : les objectifs stratégiques et les indicateurs de résultat.

On ne fait pas une réforme pour faire plaisir à une administration, on fait une réforme afin qu'il en résulte un bienfait pour les bénéficiaires : simplification de la procédure, réduction des délais, information accrue, meilleur « retour sur impôt ». Cela nous permettra de mesurer l'efficacité de notre action et d'en rendre compte au Parlement. Cette nouvelle présentation, dont le Parlement peut apprécier les avantages dès cette année, concernera l'ensemble du budget en 2006.

J'en viens aux quatre priorités du budget de l'agriculture pour 2005.

La première de ces priorités est le lancement de l'assurance récolte. Ce n'est pas aux sénatrices et aux sénateurs, qui connaissent si bien le monde rural, que j'apprendrai l'importance des aléas climatiques, du péril qu'ils constituent à la fois pour le revenu des agriculteurs et pour l'adaptation de l'agriculture au contexte économique. La sécheresse de 2003, outre ses conséquences humaines, a montré la fragilité de certains systèmes économiques, notamment dans le monde rural.

En réponse à Mme Adeline Gousseau et à MM. Yvon Collin et Daniel Soulage, je confirme que nous travaillons, avec les représentants de la profession agricole et des assureurs, à l'élaboration d'un dispositif assuranciel adapté à notre agriculture. Ces travaux s'appuient sur les conclusions du rapport du député Christian Ménard.

J'ai bien entendu les organisations professionnelles agricoles, qui demandent que nous analysions très précisément les conséquences des propositions qui ont été formulées et dont Hervé Gaymard a présenté les grandes lignes lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

Je suis bien évidemment d'accord pour que nous progressions par étape sur ce dossier très important. Il me semble néanmoins tout aussi important de dire que nous ne devons pas perdre de vue notre objectif, à savoir la mise en place de l'assurance récolte dès 2005.

A ce titre d'ailleurs, et nombre d'entre vous l'ont rappelé, une provision de 10 millions d'euros est prévue pour amorcer, dès 2005, les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devraient proposer au plus grand nombre possible d'exploitants. Cette provision sera, bien entendu, complétée en cours d'année en tant que de besoin.

La deuxième priorité de ce budget réside dans la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage.

Nombre d'éleveurs rencontrent des difficultés pour financer l'investissement lourd que suppose l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. Cette difficulté est particulièrement sensible dans les zones de montagne et dans les systèmes d'exploitation soumis à des évolutions très rapides des marchés, par exemple dans la production laitière.

Monsieur Doublet, deux axes ont guidé la conception de ce fonds unique, qui sera opérationnel dès le début de 2005 : la simplification et l'accroissement des moyens disponibles. Par ailleurs, monsieur le sénateur, les collectivités locales pourront y contribuer.

Dans un souci de simplification, nous créerons, dans les directions départementales, un guichet unique pour l'ensemble des aides précédemment gérées par les services de l'Etat, les offices d'intervention ainsi que par le Centre national pour l'amélioration des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.

Est prévu parallèlement un accroissement des moyens puisque les cofinancements communautaires augmentent dès cette année, nous permettant de porter les moyens disponibles jusqu'à 80 millions d'euros en 2005 et 120 millions d'euros dès 2007.

Le Premier ministre l'a rappelé lors du sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand, ce plan constitue pour le Gouvernement une priorité.

Surtout, en inscrivant ces mesures dans le plan de développement rural national pour la période 2007-2013 lors de sa révision, nous avons voulu donner un gage de solidité et une vision d'ensemble à la filière.

MM. Jean Boyer et Jacques Blanc nous ont interrogés sur ce qui sera fait pour les zones de montagne : leurs spécificités ont été préservées dans l'élaboration des orientations du plan. Le surcoût lié aux difficultés d'exploitation inhérentes à ces zones géographiques est compensé par des subventions en augmentation. Un encouragement à l'utilisation du bois pour la construction et l'intégration paysagère a également été prévu.

En complément, le programme de maîtrise des pollutions agricoles, le PMPOA, nécessite un important effort de financement public, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la restauration de la qualité des eaux. Une dotation de 133 millions d'euros d'autorisations de programme sera consacrée à ces deux enjeux en 2005.

J'en viens à l'amélioration de la santé des végétaux et au renforcement de la sécurité sanitaire des aliments. C'est là une priorité pour nos compatriotes, qui veulent que l'on continue de faire de la France un pays où l'on se nourrisse sans crainte. La dotation consacrée à cette action est majorée de 7 % dans le projet de budget. Elle atteint 15, 2 millions d'euros de crédits d'intervention et mobilise d'importantes équipes des services du ministère ainsi que des établissements publics de recherche.

Cette mission répond à des impératifs de sécurité sanitaire des aliments, de santé des végétaux et de protection de l'environnement. Nous devons avant tout contrer les attaques parasitaires qui touchent de plus en plus de végétaux.

Il est également indispensable de mieux maîtriser l'utilisation des produits phytosanitaires destinés à lutter contre ces organismes nuisibles aux cultures. Tout à l'heure, lorsqu'il abordera la priorité qu'accorde le Gouvernement à l'enseignement supérieur et à la recherche agricoles, Nicolas Forissier pourra également montrer comment tous ces aspects sont liés aux progrès de la recherche.

Je voudrais maintenant dire quelques mots de la politique de protection sociale agricole. Bien que, cette année, vous ne votiez pas de BAPSA, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question demeure pour nous une préoccupation essentielle.

MM. Détraigne et Piras, ainsi que M. Vasselle à l'instant, m'ont interrogé plus précisément sur les retraites agricoles.

Comme le Président de la République en avait pris l'engagement lors de la campagne présidentielle, le Gouvernement a déjà mis en oeuvre un plan qui est sans précédent, pour revaloriser les retraites agricoles, notamment les plus modestes. Ont donc été instaurés la retraite complémentaire obligatoire, le rachat des périodes d'aide familiale effectuées avant l'âge de dix-huit ans et la mensualisation des versements aux retraités. Figure également dans le projet de loi de finances une mesure destinée à permettre l'adaptation de l'éventuelle soumission à l'impôt sur le revenu des pensions perçues durant la période de transition entre leur versement trimestriel et leur mensualisation.

Certes, un effort important reste à faire. Nous avons tous reçu, dans nos permanences, des retraités agricoles, en particulier des femmes, qui nous ont montré leurs relevés de prestations de la MSA : cela ne fait pas une fortune ! Il est clair que, compte tenu de l'effort accompli, des heures passées, de la dureté du travail, il faut encore agir. M. Mouly a insisté sur ce point. La volonté politique du Gouvernement est forte en la matière.

La mise en oeuvre de la LOLF devant s'accompagner de la disparition des budgets annexes, la création d'un établissement public dédié à la gestion de l'ensemble des branches de la protection sociale agricole - maladie, retraite, famille - conforte la spécificité de ce régime et permet de maintenir le dialogue avec l'ensemble des partenaires concernés. Ceux-ci participeront au conseil de surveillance du nouvel établissement, qui sera installé comme prévu dès le début de 2005.

L'architecture du nouveau dispositif a fait l'objet d'une concertation approfondie au cours de l'année 2004, et le décret en Conseil d'Etat, déjà transmis au contreseing de mes collègues chargés des finances, du budget et de la santé, sera, je l'espère, signé et publié avant la fin de cette année.

M. le rapporteur spécial m'a également interrogé sur les besoins de financement du FFIPSA. Il est vrai que la recette tabac n'a pas eu le rendement escompté. Mais les droits à prestation des affiliés au régime ne sont nullement remis en cause.

Il faut également rappeler que, toujours du fait de sa structure démographique, le régime n'est financé que pour moins de 20 % par les cotisations des actifs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion