Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 7 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — État c

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Les incendies de forêt sont une calamité pour les départements du sud de la France, tout particulièrement pour les départements méditerranéens.

Ainsi, vous comprendrez qu'un élu du Var s'inquiète du manque de cohérence des engagements budgétaires du Gouvernement en la matière.

En effet, en 2005, tout son effort porte sur le renforcement des moyens d'intervention, surtout aériens, dont les crédits sont inscrits au budget de la sécurité civile. D'une année sur l'autre, les crédits d'investissement sont passés de 14, 5 millions d'euros à 52, 5 millions d'euros, en vue de l'acquisition de deux avions gros porteurs, d'un onzième Canadair et de nouveaux hélicoptères.

On ne peut que s'en féliciter, ces moyens étant absolument déterminants dans le succès de la lutte, une fois l'incendie déclaré. Cependant, et c'est là que réside le problème, une amélioration des dispositifs d'intervention sans l'accompagnement d'une politique active d'entretien et d'aménagement de la forêt est vouée à l'échec ; pire, elle devient, à terme, contre-productive.

Paradoxalement, le caractère catastrophique des incendies de forêt peut tout aussi bien témoigner de l'efficacité des dispositifs d'alerte et d'intervention que de leur inefficacité. Plus un dispositif est efficace en effet, moins il y aura d'incendies de moyenne ampleur durant des années, mais plus les rares départs de feu qui échapperont à la vigilance, un jour ou l'autre, seront catastrophiques.

Encore une fois, si l'entretien de la forêt est négligé, le renforcement des moyens de surveillance et d'intervention s'avérera, au final, contreproductif. La forêt en effet n'est pas une poudrière, un dépôt de carburant qu'il suffirait de tenir sous haute surveillance pour qu'elle se tienne tranquille. Elle ressemble plutôt à un dépôt de gaz qui fuirait. La biomasse produite à chaque instant, si elle n'est pas détruite par l'homme, l'animal ou le feu, demeure sur place, augmentant d'autant le risque. Plus tardive sera la destruction, plus catastrophique sera l'incendie qui ne manquera pas de se déclarer ; c'est exactement ce que l'on observe.

D'où l'intérêt d'un organisme comme le Conservatoire de la forêt méditerranéenne, chargé de financer, en partenariat avec les collectivités locales, les travaux de défense de la forêt contre les incendies, les travaux d'entretien, et de préfinancer l'exécution d'office du débroussaillement obligatoire, dont les maires ont la charge.

A sa création, il y a un peu plus de dix ans, le Conservatoire fut doté d'un budget de l'ordre de 15 millions d'euros, alimenté de manière spécifique par une nouvelle taxe sur les briquets et allumettes et par une hausse de la fiscalité sur les tabacs. Comme l'a montré on ne peut plus clairement la Cour des comptes dans son rapport 2000, ces crédits diminueront au fil du temps et seront en partie détournés de leur objet. L'année 2005 ne rompt pas avec ces mauvaises habitudes : en apparence, les crédits du Conservatoire augmentent de 5 %, passant de 9, 5 millions d'euros à près de 10 millions d'euros ; en réalité, ils baissent par rapport à 2004, dans la mesure où un abondement lors de la loi de finances rectificative pour 2003 avait permis de faire passer les crédits à 11 millions d'euros. En euros courants, l'amputation des moyens du Conservatoire par rapport aux moyens dont il disposait à sa création est importante. En euros constants, c'est l'effondrement.

Or, encore une fois, négliger l'aménagement et l'entretien régulier de la forêt, c'est obérer l'efficacité des moyens d'intervention. La modulation des crédits consacrés à l'entretien des forêts en fonction de ceux qui sont réservés aux moyens d'intervention est la condition de l'efficacité de ces derniers, comme on peut le constater si l'on se réfère à une période d'une dizaine d'année. Comme le disait déjà la Cour des comptes dans le rapport que j'ai cité, « le constat est donc confirmé que l'Etat négligeait la prévention, peu visible, et privilégiait l'achat d'un matériel destiné à une lutte active et plus spectaculaire contre les incendies ».

Rien de nouveau donc sous le soleil méditerranéen ! Avouez que c'est fort dommage.

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