Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais vous faire part de mes inquiétudes quant à l'avenir de l'enseignement agricole public, notamment en Haute-Vienne.
En mai 2003, lors d'une réunion interrégionale avec des proviseurs, à Angoulême, l'un des sous-directeurs de la direction générale de l'enseignement et de la recherche déclarait que la volonté du Gouvernement était de « réduire la voilure de l'enseignement public agricole ». Je crains aujourd'hui que la réalité ne dépasse vos espérances.
En effet, pour atteindre l'objectif ainsi avoué, le Gouvernement a décidé de diminuer de 1, 5 % la dotation globale horaire, ou DGH, attribuée tous les ans aux établissements publics d'enseignement agricole, depuis la rentrée scolaire 2003 et jusqu'à la rentrée scolaire 2007.
Cette diminution uniforme sur l'ensemble du territoire national porte atteinte à la qualité des enseignements dispensés, en Limousin, notamment, et dans le département de la Haute-Vienne en particulier.
C'est ainsi que, dès la rentrée 2003, il a été procédé, au sein du lycée professionnel agricole de Saint-Yrieix-la-Perche, au regroupement de classes de brevet d'études professionnelles agricoles, les BEPA Agro-équipement et BEPA Laboratoire. Puis, en septembre 2004, c'est le lycée agricole des Vaseix, près de Limoges, qui a dû fermer sa première année de baccalauréat professionnel Conduite et gestion d'exploitation agricole.
Enfin, la rentrée 2005 s'annonce catastrophique pour le lycée professionnel agricole de Magnac-Laval et le centre de formation professionnelle et de promotion agricoles de Bellac, qui lui est lié. En effet, la prévision de réduction de DGH s'établit à 793 heures, soit 40 % de la diminution envisagée pour l'ensemble de la région Limousin, soit encore 5 % de la DGH de l'établissement ou encore une perte de 4, 2 heures de DGH par élève, alors que la moyenne régionale n'est que d'une heure.
Cette ponction conduira au passage de trois à deux classes de deuxième année de BEPA. La classe de BEPA Conduite de production animale, dite « Production », sera fermée. L'établissement de Magnac-Laval comptera donc une classe composée uniquement de BEPA Services et ventes en animalerie de compagnie, dite « Services », et une classe mixte composée d'une section Services, d'une part, et d'une section Production, d'autre part.
Le même schéma est observé s'agissant des baccalauréats professionnels, pour lesquels il est proposé de regrouper les baccalauréats professionnels Techniques et conseils de vente en animalerie et Conduite et gestion d'exploitation agricole.
Au-delà de l'aspect comptable, supprimer des classes de faible effectif pourrait éventuellement être admis, mais, en matière d'enseignement agricole, cela conduit à des aberrations pédagogiques.
En effet, le recrutement des élèves de la filière Services s'effectue au niveau national - les diplômés exercent ensuite leur profession sur l'ensemble du territoire -, au contraire des élèves de la filière Production, qui proviennent du milieu local et qui se destinent, eux, à l'activité agricole dans le département.
De plus, les classes seront davantage chargées. Elles seront composées d'élèves aux profils, aux attentes et aux centres d'intérêt très différents. Ces élèves seront amenés à suivre les mêmes cours de matières générales durant onze heures. Dans ces conditions, il sera très difficile aux enseignants de mettre en oeuvre l'individualisation nécessaire à une transmission des savoirs de qualité.
De surcroît, ces regroupements vont à l'encontre des initiatives de collaboration entre les établissements de la Haute-Vienne et contrecarrent leurs projets d'amélioration des conditions de vie et de travail.
Outre le non-sens pédagogique démontré de cette pratique, c'est toute la filière de formation en matière de production animale qui est principalement désavantagée, alors que, en Haute-Vienne, les établissements s'efforcent de « redorer » son image, notamment par leurs efforts visant à une offre de proximité.
Dans ces conditions, il est inévitable que les parents recherchent d'autres établissements, parfois éloignés pour leurs enfants. Mais peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, est-ce précisément le but...
Cette mesure, qui paraît déjà injuste, risque de plus d'être inefficace. En effet, la baisse de la DGH conduira à placer des enseignants en sous-service, entre deux et six heures par semaine, sachant que, dans le premier cas, la réglementation en vigueur ne leur permet pas d'intervenir devant d'autres classes. L'économie financière visée par vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, sera ainsi bien faible.
Enfin, si la réduction constante de 1, 5 % de la DGH peut éventuellement se concevoir dans les régions où la baisse du nombre d'élèves est sensible, elle ne se comprend pas en Limousin, où les effectifs sont stables, voire en légère augmentation depuis cinq ou six ans. Peut-être cela tient-il au fait que, en Limousin, contrairement à ce qui se passe dans le reste du pays, 80 % des élèves des sections agricoles sont scolarisés dans l'enseignement public.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais savoir, alors que l'enseignement privé ne cesse d'être favorisé, quelles mesures vous entendez prendre pour aménager les critères de variation de la DGH en fonction de la réalité du terrain, de façon qu'il soit encore possible de proposer un enseignement public de qualité dans la région Limousin et dans le département de la Haute-Vienne, qui font preuve, là aussi, mais ils ne sont pas les seuls, de dynamisme et de volontarisme en la matière.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'avenir de l'agriculture française dépend de la performance de ses agriculteurs. Sacrifier l'enseignement agricole revient donc à sacrifier l'agriculture !