Madame Demessine, je suis très heureux que vous rejoigniez les préoccupations du Gouvernement en matière de sécurité ! J'étais presque ému de l'enthousiasme dont vous faites preuve aujourd'hui pour nous parler de ces questions, comme si, finalement, la France était une page blanche et que tout avait commencé voilà deux ans et demi !
L'honnêteté m'oblige à vous dire qu'il y a eu quand même, avant et après, quelques changements.
Dans la mesure où vous n'avez pas eu l'occasion de le rappeler - il est vrai que vous aviez beaucoup de choses à dire -, je vais rebondir sur le contenu très dense de votre question pour apporter, je l'espère, une réponse aussi dense, non pas sur la forme - je serai sans doute moins polémique que vous - mais sur le fond. Après tout, c'est ce qui compte, parce que les Français font attention non pas à la polémique mais au fond.
Aussi allons-nous essayer d'entrer dans les détails, à l'image de la précision dont a fait preuve Dominique de Villepin, lors de son déplacement à Lille, le 22 octobre. Nous étions d'ailleurs l'un et l'autre à Lille. Le ministre de l'intérieur s'est ainsi adressé aux habitants de la communauté urbaine, alors que, pour ma part, je le faisais en direction des communautés urbaines. Nous avons tous deux rappelé notre détermination à lutter contre la délinquance.
Madame le sénateur, je tiens à vous communiquer des chiffres précis.
Le département du Nord a enregistré, au cours des neuf premiers mois de l'année 2004, par rapport à la même période de 2003, une baisse de 5, 1 % de la délinquance générale et de 7 % de la délinquance de voie publique. Je n'ai pas souvenir que nous ayons connu, même une seule fois, un résultat comme celui-là entre 1997 et 2002 !
Concernant plus particulièrement la circonscription de Lille, dont vous avez abondamment et justement parlé, durant la même période de référence, la délinquance générale a reculé de 8 % et la délinquance de voie publique de 5, 6 %.
Je me permets de citer ces chiffres dans la mesure où vous n'avez pas jugé utile de le faire. Mais peut-être ne disposiez-vous pas de ces éléments ?
Quant aux effectifs de police - vous avez brossé de cette question un tableau à côté duquel l'Apocalypse est une promenade de santé -, je voudrais vous dire que les choses ne sont pas tout à fait celles que vous évoquez.
Dominique de Villepin l'a rappelé lorsqu'il est venu à Lille. Je ne doute pas un instant que ses propos ne vous aient été rapportés, d'autant que nos services sont confrontés, dans le département du Nord comme dans de très nombreux autres endroits en France, à des situations difficiles.
II a ainsi annoncé l'affectation, d'ici au 1er janvier 2005, de 20 fonctionnaires supplémentaires à la sécurité publique et de 21 fonctionnaires à la police aux frontières, afin de faire face à l'immigration clandestine, qui, vous le savez, est désormais une priorité essentielle du Gouvernement depuis deux ans et demi.
Cette opération permettra la remise à niveau des effectifs des circonscriptions les plus défavorisées, qui, il est vrai, avaient accusé un retard important à la fin des années quatre-vingt-dix.
Par ailleurs, le mode de recrutement des adjoints de sécurité sera révisé afin de pourvoir les 720 postes budgétaires du département du Nord, qui ne le sont pas tous actuellement, faute de candidats. C'est l'un des aspects les plus paradoxaux des problèmes que nous avons à traiter.
Parallèlement, je souhaite vous préciser que le ministre de l'intérieur conduit une importante réflexion visant à mieux répartir les effectifs de police à partir de critères objectifs et transparents, qui balaient l'ensemble de l'activité quantifiable de la sécurité publique.
Tous les départements, y compris le vôtre, madame le sénateur, pourront ainsi affronter l'insécurité à armes égales.
Au vu de l'effectif de référence départemental, les préfets seront chargés de répartir les fonctionnaires entre les circonscriptions de sécurité publique, en tenant compte de l'évolution de l'insécurité.
J'en viens maintenant à la question du commissariat de Lille, ayant à coeur de répondre à tous les points soulevés.
Comme vous, madame le sénateur, je n'aime pas le sectarisme ! Je n'apprécie pas que l'on fasse les choses à moitié ou que l'on utilise des arguments qui ne sont pas toujours les bons !
Les projets immobiliers de la police nationale sont totalement indépendants les uns des autres. Lorsque le Gouvernement s'occupe du commissariat de Lille, il s'occupe du commissariat de Lille et ne va pas regarder ailleurs ou rendre des comptes sur l'avancement d'autres projets.
Je ne peux pas imaginer que vous puissiez vous-même succomber, au-delà de l'effet de tribune - il est vrai que nous en avons tous fait à un moment ou à un autre -, à cette tentation de comparer des projets les uns aux autres. Tout est important en France. Chaque Français a de la valeur, chaque ville est évidemment notre préoccupation, Lille comme les autres.
Le nouvel hôtel de police, qui fait partie des six grands projets immobiliers prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, ou LOPSI, sera mis en chantier comme prévu. Il représente globalement - en études et en travaux - plus de 52 millions d'euros, ce qui en fait le projet immobilier le plus important qu'aura réalisé le ministère de l'intérieur depuis dix ans. Je mentionne ce point, car cela vous permettra d'opérer des comparaisons et même de le dire à Mme Aubry, que vous avez abondamment citée.
En dépit des contraintes budgétaires, le ministre de l'intérieur a décidé le caractère prioritaire de cette opération. Vous le savez d'ailleurs, puisqu'il l'a dit à Lille. Il a prévu que l'appel d'offres démarrerait le 1er décembre prochain. Les travaux commenceront donc dès juin 2005 afin que le nouvel hôtel de police soit livré à ses utilisateurs avant la fin de l'année 2007.
Les autorisations de programme qui seront décidées en 2005 représenteront environ un tiers de la totalité de celles qui seront mobilisées, dans la France entière, pour la police nationale.
J'ajoute que c'est également à Lille que le ministère de l'intérieur réalise aujourd'hui la plus importante opération immobilière de France au bénéfice de l'administration territoriale. En effet, 41, 2 millions d'euros seront consacrés à la réinstallation de la préfecture en plein centre-ville.
Le moins que l'on puisse dire, à travers ces éléments de réponse, c'est que vous avez toutes les raisons de trouver les voies de l'apaisement, madame le sénateur.
Cela ne vous dispense pas d'être vigilante. En effet, il faut toujours l'être. Toutefois, peut-être rendrez-vous un jour hommage à l'action de l'actuel gouvernement et constaterez-vous que, au moins sur ce sujet, il existe quelques points d'accord entre nous.