Monsieur Delfau, vous avez appelé mon intention sur le risque de dumping social qui serait lié à l'ouverture de notre marché du travail aux ressortissants des dix nouveaux Etats membres. Vous vous êtes en cela appuyé sur certaines pratiques d'entreprises, notamment polonaises, qui proposeraient aux entreprises françaises du bâtiment une main-d'oeuvre à faible coût. Je pense aussi à l'agriculture spécialisée, et plus particulièrement au maraîchage, secteur dans lequel les comparaisons transfrontalières, entre l'Alsace et la région voisine par exemple, font apparaître que les travailleurs polonais sont employés dans des conditions assez différentes dans notre pays et en Allemagne.
Je rappelle que les conditions dans lesquelles des entreprises appartenant à des Etats membres de l'Union européenne peuvent détacher des salariés en France sont encadrées par la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. Celle-ci vise justement à prévenir le risque de dumping social que vous soulignez dans le respect des règles relatives à la libre circulation. Elle a été transposée dans le code du travail.
Selon notre législation, un salarié détaché ne peut en effet percevoir un salaire inférieur au SMIC. Il doit également bénéficier des mêmes garanties en terme de protection sociale, de durée du travail et de conditions de travail que celles qui sont prévues par la loi et les conventions collectives. Une affaire récente, que je ne citerai pas puisqu'elle en cours de jugement, nous a rappelé les conditions qui président au respect de ce code.
S'agissant de la nature des prestations réalisées sur le territoire français, les entreprises étrangères peuvent réaliser des prestations dans le cadre de contrats d'entreprises. Ces derniers supposent l'autonomie du prestataire dans la réalisation de sa prestation, à l'égard de son donneur d'ordre. L'importation de main-d'oeuvre évoquée dans votre question semble plutôt viser le prêt de main-d'oeuvre, monsieur le sénateur. Je rappelle qu'un tel prêt ne peut être réalisé que dans le cadre de la législation française sur le travail temporaire, qui prévoit notamment la justification par l'entreprise étrangère d'une garantie financière.
Si l'exemple que vous avez présenté révélait l'existence de prêt de main-d'oeuvre illicite, l'entreprise étrangère en cause s'exposerait à de lourdes sanctions pénales : amende de 30 000 euros et/ou emprisonnement de deux ans. De plus, les entreprises françaises recourant à ce prêt de personnel illicite seraient passibles des mêmes peines.
En tout état de cause, le Gouvernement est mobilisé dans la lutte contre le travail illégal sous toutes ses formes. Ces pratiques frauduleuses doivent être prévenues et sanctionnées avec détermination, car elles portent atteinte tant aux droits essentiels des travailleurs qu'à la concurrence entre les entreprises ou à l'équilibre de nos finances publiques. C'est pourquoi j'ai présenté, avec Jean-Louis Borloo, le 18 juin dernier un plan de lutte contre le travail illégal. Et je vous indique que la lutte contre les fraudes transnationales que vous évoquez en constitue l'une des priorités.
La commission nationale sera de nouveau réunie d'ici à la fin de l'année pour faire le bilan de six mois d'activité et, naturellement, je me tiens à votre disposition si tel ou tel cas était porté à votre connaissance pour que nous le soumettions tout simplement à la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, la DILTI