Monsieur le ministre, l'hébergement de bourses du travail dans des locaux municipaux et/ou l'octroi de subventions publiques pour leur fonctionnement sont acquis depuis le XIXe siècle.
Toutefois, au début du XXe siècle, plus précisément entre 1905 et 1907, des municipalités avaient jugé que l'agitation menée par une bourse du travail pouvait mettre en péril la paix sociale en remettant en cause l'ordre établi. C'est ainsi que seize bourses du travail furent fermées par suppression de leurs subventions et expulsion des bâtiments communaux qu'elles occupaient.
Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, au début du troisième millénaire, nous revivons la même histoire : en effet, au début du mois de septembre dernier, les unions locales des organisations syndicales CGT, CFDT, CFTC, CGC, FO et FSU apprenaient par courrier que la ville d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, souhaitait reprendre les locaux qu'elle mettait à leur disposition à titre gratuit depuis 1972. Le motif invoqué par la municipalité pour justifier ce qui s'apparente bel et bien à une expulsion est le besoin de locaux supplémentaires pour les services municipaux.
Qu'une collectivité locale soit en recherche de locaux pour assumer ses missions est un argument qui s'entend. Pour autant, utiliser cet argument pour fermer d'autres lieux de vie et d'accueil me paraît suspect. Mais j'y vois un prétexte pour s'attaquer à l'activité syndicale, quand j'apprends que le maire de Noisy-le-Sec et le maire de Drancy, lequel est par ailleurs député, prennent la même décision que leur collègue d'Aulnay-sous-Bois.
Dans ces conditions, comment ne pas faire le parallèle avec l'accentuation des attaques contre le monde du travail, avec la remise en cause des 35 heures et du droit de grève, avec le démantèlement du code du travail et la multiplication des plans de délocalisation ? Comment ne pas faire le parallèle avec les mesures sur les licenciements économiques, imposées dans le projet de loi dit de « cohésion sociale » ?
A l'heure où toutes ces mesures tombent, je pense que les salariés, les retraités, les chômeurs, les sans-papiers, les sans logement ont plus que jamais besoin d'avoir à leur disposition des syndicats installés dans des locaux de proximité : c'est une question de démocratie !
Or, ces maires, parfaits et zélés relayeurs au niveau local de la politique nationale menée par le Gouvernement et le MEDEF, font le choix de fermer des bourses du travail dont l'importance du rôle n'est plus à démontrer, elles qui contribuent à l'implantation du syndicalisme, aident à l'organisation de milliers de salariés, et agissent pour la sauvegarde dans les villes du tissu industriel et commercial.
Mais après tout, et pour résumer mon propos, peut-être y voient-ils, comme voilà quatre-vingt-dix-neuf ans, une menace contre l'ordre établi ?
En tant que ministre délégué aux relations du travail, vous ne pouvez laisser faire.
Si rien n'était fait pour remédier à cette situation, ce serait alors la fin annoncée des unions locales dans ces trois grandes villes de Seine-Saint-Denis et, surtout, la porte ouverte à des pratiques similaires dans d'autres départements.
Parce que la suppression de ces lieux de rencontre et de défense des salariés constituerait une réelle menace pour la vie associative, la démocratie locale et les droits des salariés, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir m'apporter les garanties nécessaires quant à l'effectivité, dans notre pays, de l'exercice d'un droit aussi fondamental que celui de la libre pratique de l'activité syndicale.