Mon explication de vote portera plus généralement sur la section 3 du chapitre II, relative à la modernisation et au développement de l'apprentissage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous proposez de développer le rôle des CFA dans l'apprentissage. Soit ! Mais il n'existe, à ce jour, aucun bilan quantitatif ni qualitatif de l'activité de ces centres.
On peut souligner, par exemple, le manque de transparence dans la gestion des CFA. Contrairement aux lycées techniques et professionnels, ils ne sont pas tenus d'avoir des comptes équilibrés. En cas de déficit, c'est la région, donc la collectivité, qui doit combler ce déficit, au détriment de l'enseignement public.
Votre texte fait l'impasse sur ce paradoxe. Cet amendement vise à corriger cette situation en permettant aux élus régionaux d'avoir - et c'est légitime - un regard sur la gestion des CFA.
Par ailleurs, ces bilans nous apparaissent nécessaires, car ils pourraient expliquer les véritables causes des échecs de certains contrats d'apprentissage et permettraient de proposer des solutions cohérentes. Là encore, vous procédez à l'envers : vous proposez des réformes sans avoir, au préalable, diagnostiqué les symptômes !
Cette réflexion vaut pour l'apprentissage comme pour toutes les formations professionnelles, initiales ou continues : les pouvoirs publics doivent faire un état des lieux de l'existant et le confronter aux besoins à terme en matière de qualifications et de gisements de futurs emplois.
Au-delà de la nécessité de ces bilans, je souhaite vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que si l'apprentissage est une voie de formation initiale et professionnelle, elle n'est pas la seule. Il existe d'autres voies pour accéder à une qualification reconnue. Or, à la lecture de votre texte, l'apprentissage est présenté comme « la voie par excellence » dans la transmission de ces savoirs spécifiques.
Cette vision réductrice de l'apprentissage se fait au détriment des lycées techniques et professionnels publics. Les équipes éducatives de ces établissements sont mécontentes de cette présentation et sont en colère face à la non-reconnaissance de leur existence.
Votre texte, en développant fortement les CFA, tend à mettre ces organismes en concurrence avec les lycées, alors que ces deux types d'établissements sont en fait complémentaires.
Cette vision élémentaire se fait au profit des entreprises, très intéressées par l'apprentissage, et au détriment des lycées professionnels, qui sont pourtant un service public de formation professionnelle. A ce titre, ils peuvent aussi prétendre à une revalorisation et à une reconnaissance de leurs métiers, qui peut passer, par exemple, par une répartition équitable de l'augmentation de la taxe d'apprentissage, par la mise en oeuvre d'un plan pluriannuel de recrutement des personnels, par l'élaboration d'une charte de qualité pour les stages en entreprise
Entre le rapport Thélot et votre projet, le Gouvernement risque de mettre en péril la pérennité des lycées techniques et professionnels publics, ce qui est un véritable contresens compte tenu des besoins existants.
D'une part, la demande de formation en lycée technique et professionnel reste forte, alors que l'offre demeure limitée. Ainsi, en cette rentrée, plusieurs jeunes n'ont pu trouver de place au sein de ces lycées, dont les formations correspondaient pourtant à leur voeu et qui étaient proches de leur domicile.
D'autre part, tout le monde s'accorde à reconnaître que les besoins de qualification n'ont jamais été aussi importants.
De plus, avec votre décentralisation, monsieur le secrétaire d'Etat, il incombera désormais aux régions de mettre en place les plans régionaux de développement des formations, les PRDF, qu'il s'agisse de formation professionnelle ou de formation initiale. Les régions tenteront aussi, dans la mesure du possible, de rétablir en partie l'équilibre.
J'en veux pour preuve l'initiative de la région Rhône-Alpes, qui, dans son budget pour 2005, a prévu la création d'un CFA public dans chaque académie.
Toutefois, si la région Rhône-Alpes a eu les moyens financiers et la volonté politique de le faire, d'autres régions, moins riches, ou n'ayant pas forcément la volonté politique de maintenir l'équilibre entre les formations privées et les formations publiques, ne s'engageront peut-être pas dans une telle démarche. La décentralisation révèle bien là son incapacité à préserver une certaine cohérence nationale, ne serait-ce qu'en présence du service public de l'éducation nationale.
Au regard de ces points, je ne peux que m'interroger sur les dangers inhérents à ce texte, qui risque de se traduire par une offre de formation technique et professionnelle très restreinte et principalement privée, destinée à une seule frange de la jeunesse, comme ma collègue Eliane Assassi l'a déjà souligné la semaine dernière.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose d'adopter cet amendement, qui, dans un souci de transparence, permettra de préserver un certain équilibre dans l'offre de formation professionnelle en donnant toute sa place aux élus régionaux !