Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 19 septembre 2006 à 16h00
Prévention de la délinquance — Articles additionnels après l'article 12, amendement 134

Christian Estrosi, ministre délégué :

C'est pourquoi le ministre d'État et le ministre de l'emploi et de la cohésion sociale ont abrogé en juillet une circulaire de 2001, prise par le gouvernement Jospin, qui imposait aux communes des normes techniques tout à fait excessives pour réaliser les aires d'accueil. Il faut en effet revenir à un peu de bon sens. Il ne s'agit pas de demander aux communes de financer des aires d'accueil luxueuses et paysagères. Plus les normes sont ambitieuses, plus les aires sont coûteuses, moins elles sont nombreuses.

Deuxièmement, il me semble nécessaire de mieux reconnaître les efforts des communes qui, bien qu'ayant aménagé une aire d'accueil, subissent la présence de gens du voyage sur des terrains où ils n'ont pas le droit de stationner.

Lors du vote de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, nous avions abordé le problème sous l'angle pénal : s'installer sur un terrain sans autorisation dans une commune qui a satisfait à ses obligations peut être puni de six mois d'emprisonnement, d'une amende et d'une confiscation des voitures.

C'est un outil que l'autorité judiciaire a commencé à utiliser.

Mais le Gouvernement pense qu'il est nécessaire d'aller au-delà, non pas dans le domaine pénal, mais dans celui des procédures d'évacuation. C'est ce à quoi vise l'amendement n°134 rectifié bis présenté par M. Hérisson, auquel le Gouvernement est très favorable.

Aujourd'hui, vous le savez, la procédure d'évacuation est très lourde : pour obtenir l'évacuation forcée de caravanes occupant indûment un terrain, le maire doit saisir le président du tribunal de grande instance, ce qui est à la fois coûteux et complexe pour les petites communes. Il faut payer un huissier, il faut payer un avocat, et ce pour des résultats souvent très décevants.

L'intervention du tribunal de grande instance n'est enserrée dans aucun délai. Si les gens du voyage s'installent le week-end, il ne statuera, même en référé, que plusieurs jours plus tard.

Bien sûr, il faut attendre sa décision pour que le concours de la force publique soit accordé. Mais pendant ce temps, les nuisances continuent et, sur le terrain, les élus locaux et la population sont exaspérés.

Je rappelle en effet que nous parlons bien ici des élus qui ont fait des efforts pour aménager une aire d'accueil, ou des maires des petites communes de moins de cinq mille habitants qui ne sont pas soumises à cette obligation.

Votre amendement, monsieur le sénateur Hérisson, simplifie considérablement la procédure actuelle sans heurter les principes de notre droit.

Vous proposez en effet que, dans les communes qui respectent leurs obligations en matière d'aménagement d'une aire d'accueil, le propriétaire d'un terrain indûment occupé par des gens du voyage puisse demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, sous vingt-quatre heures au moins.

Pendant ce délai de mise en demeure, les gens du voyage, s'ils s'estiment fondés à le faire, peuvent aller devant le juge administratif contester la décision du préfet. C'est donc bien désormais sur les gens du voyage, et non plus sur les maires, que pèseraient les « formalités » de saisine d'un juge.

Enfin, à propos de l'intervention du juge, je veux souligner deux points, en réponse à la fois aux craintes exprimées par M. Lecerf, et aux sous-amendements n° 331 et 320 de M. Carle.

Aucun principe ne s'oppose à ce que, en cette matière, le juge judiciaire n'intervienne pas.

Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 66 de la Constitution, l'évacuation forcée de véhicules ne nécessite pas l'intervention de l'autorité judiciaire en sa qualité de gardienne de la liberté individuelle. Il ne s'agit, en effet, ni de s'assurer des personnes ni de procéder à la fouille des véhicules.

La mesure ne se traduit pas non plus par une dépossession, dont l'autorité judiciaire devrait s'assurer qu'elle donne lieu à une juste indemnité.

Nous sommes dans un domaine de police administrative, destinée à mettre fin à un trouble à l'ordre public, à la tranquillité publique, à la salubrité publique. Il est normal que le juge compétent soit le juge administratif. Mais il est légitime, et même nécessaire, qu'un juge puisse se prononcer s'il est saisi.

Le Gouvernement ne peut donc être favorable aux sous-amendements n° 331 et 320 de M. Carle visant à supprimer la possibilité, pour les gens du voyage, de saisir le tribunal administratif d'un recours suspensif contre la décision d'évacuation forcée.

Sauf à méconnaître le droit au recours juridictionnel, on ne peut supprimer la possibilité qu'auront les gens du voyage de contester devant le tribunal administratif la décision d'évacuation.

Je mesure que, en maintenant cette voie de recours, nous donnons une possibilité de « blocage », pendant quelques jours, aux gens du voyage. Je crois que nous y sommes tenus par la Constitution. J'ajoute que le blocage sera, si j'ose dire, temporaire : le tribunal administratif, qui est sensible aux considérations d'ordre public, devra statuer dans un délai de soixante-douze heures.

Sous le bénéfice de ces explications, peut-être M. Carle acceptera-t-il de retirer ces sous-amendements.

Monsieur le président, je vous prie de m'excuser de cette intervention un peu longue, mais ces précisions sont importantes, compte tenu de l'importance de l'amendement n° 134 rectifié bis et de l'analyse que pourrait faire le Conseil constitutionnel.

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