Intervention de Michèle San Vicente-Baudrin

Réunion du 2 novembre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Article 35

Photo de Michèle San Vicente-BaudrinMichèle San Vicente-Baudrin :

Le nombre substantiel d'amendements présentés pour tenter d'apporter un peu de rigueur et de clarté à ce dispositif montre assez combien il est nécessaire, si l'on se résout à l'accepter, de l'encadrer très strictement.

Il s'agit en fait de l'importation dans notre droit des business angels, ces espèces de bienfaiteurs des créateurs d'entreprise, qui, en fait, trouvent dans cette opération un profit immédiat en réduction d'impôt et une espérance de profit si l'affaire soutenue dégage des marges bénéficiaires.

Nous ferons à cet égard plusieurs observations.

Tout d'abord, nous ne sommes pas aux Etats-Unis. Nous vivons dans un autre système social et juridique, tout au moins pour le moment !

Nous disposons déjà d'un arsenal de mesures d'aide à la création d'entreprises, « alimenté », il faut le souligner, tant par des dotations publiques que par le soutien en expertise, celui des organismes consulaires, par exemple.

De plus, l'article 38 du projet de loi promet une dotation en garantie de prêts pour des personnes physiques et morales non définies et des chômeurs et allocataires de minima sociaux créant leur entreprise, dotation qui atteindrait 19 millions d'euros en 2009.

Dès lors, pourquoi l'introduction de ce système en France ?

Notons que ce dispositif est précisément introduit dans notre code général des impôts puisqu'il s'agit des nouveaux cas de déduction. Cette mesure est donc envisagée prioritairement, non pas sous l'angle de la création d'emplois ou d'entreprises, mais bien sous un angle fiscal. Il s'agit à nouveau d'une mesure qui profitera, par définition, aux contribuables aisés. Et comme il sera possible de financer deux créateurs, la réduction forfaitaire de 1 000 euros par convention sera doublée pour atteindre 2 000 euros, ce qui devient très intéressant.

En caricaturant un peu, disons que, comme on peut réduire ses impôts grâce à son employé de maison, on pourra, demain, en faire autant grâce à son chômeur créateur d'entreprise !

Un autre problème se pose : ce texte tend à remettre au goût du jour une certaine forme d'essaimage, à savoir l'externalisation d'activités peu rentables par un chef d'entreprise qui s'octroierait, de surcroît, une réduction d'impôt.

A cet égard, je précise dès à présent que nous voterons contre l'amendement de notre collègue Louis Souvet, dont l'objet est d'ouvrir à la famille et au conjoint la possibilité de faire bénéficier le contribuable donateur d'une réduction d'impôt. Nous attendons ce que le Gouvernement, certainement soucieux de bonne gestion et de clarté fiscale, dira de cet amendement qui ouvre la boîte de Pandore.

En effet, n'importe qui pourrait désormais financer la création d'entreprise de l'un des ses enfants, aux frais de la collectivité nationale, ou plus exactement aux frais de ceux qui paient des impôts mais qui ne sont pas assez riches pour consentir des dépenses ouvrant droit à un dégrèvement. En définitive, c'est une version très aboutie du libéralisme.

Je terminerai par une question, monsieur le ministre : si vous pensez vraiment que ce dispositif va fonctionner, n'espérez-vous pas, en corollaire, pouvoir diminuer d'autant les fonds promis pour l'ACCRE - aide aux demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise - et pour les prêts aux créateurs d'entreprise ? N'êtesvous pas en train de mettre en place un système de vases communicants, au bénéfice des contribuables aisés ? Le coût pour les finances de l'Etat sera le même au final, mais toutes les catégories sociales n'en profiteront pas.

Nous aimerions beaucoup que vous nous détrompiez, monsieur le ministre. En tout cas, nous attendons vos explications sur ce point.

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