Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 30 juin 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur :

J’en viens maintenant à l’article 25, qui a pour objet de réformer la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA. Nous savons tous que de nombreux magasins ont souffert du quasi-triplement de cette taxe, depuis 2004, pour compenser l’abandon de la taxe sur les achats de viande.

La réforme proposée se ferait à produit constant pour l’État mais rééquilibrerait l’effort entre catégories d’assujettis. Les « petits » magasins, les plus fragiles et les moins rentables, bénéficieraient ainsi de diminutions parfois conséquentes de leur taxe, alors que les très grandes surfaces, essentiellement alimentaires, contribueraient davantage. C’est d’autant plus normal que ce sont ces mêmes magasins qui étaient auparavant assujettis à la taxe sur les achats de viande.

À la suite de l’Assemblée nationale, je vous proposerai un ultime ajustement de ce dispositif, afin d’exclure de l’assiette de la taxe les petits magasins indépendants de toute enseigne nationale situés dans un centre commercial. Je vous suggérerai également de tirer la conséquence du caractère budgétaire de cette taxe en changeant son nom : elle deviendrait alors la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM.

Sur l’article 26, la commission spéciale vous présentera une modification qu’elle juge très importante. Le Gouvernement, puis les députés ont tâché de conforter le FISAC. Nous vous proposons d’aller beaucoup plus loin dans cette logique, d’une part en garantissant le financement de ce fonds en lui affectant par la loi une fraction de la TASCOM, d’autre part en lui adjoignant un conseil stratégique assez resserré et une commission d’orientation plus élargie, afin de doter cet outil très important d’un véritable pilotage politique.

Ces deux points sont l’occasion de mieux associer le Parlement à l’orientation du FISAC.

Quant à l’article 27, il va de soi que nous aurons l’occasion d’y revenir de façon très approfondie, puisque l’ensemble des sénateurs a déposé près d’une centaine d’amendements sur cet article, à la fois très long et très important, qui porte une réforme de l’ensemble du dispositif relatif à l’équipement commercial.

Je voudrais insister sur plusieurs points qui me paraissent essentiels et qui expliquent les propositions que j’ai été amenée à formuler à votre commission spéciale.

Tout d’abord, il nous faut bien prendre en compte le fait que la Commission européenne a établi de façon assez claire que notre dispositif actuel est contraire au droit européen, en particulier à la liberté d’établissement.

Il est donc logique et souhaitable de nous réformer nous-mêmes avant d’être condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes. Il me semble qu’il faut saluer le courage du Gouvernement sur ce point.

Sans vouloir intervenir trop longuement sur ce sujet, sur lequel nous reviendrons au cours de la discussion des articles, je vous dirai cependant qu’il est de notre responsabilité de parlementaires de ne pas laisser croire aux Français en général, et au monde du commerce en particulier, que nous pouvons tout simplement ignorer le cadre juridique européen, car nous sommes inscrits dans ce cadre, et nous le sommes parce que nous l’avons choisi.

Pour ces raisons, il ne me semble ni réaliste ni souhaitable de vouloir repousser la réforme proposée par le Gouvernement qui tire les conséquences des évolutions du droit européen.

Il est un fait qui s’impose à nous : notre législation sur le commerce ne peut plus reposer sur ce que l’on appelle les tests économiques, c’est-à-dire sur une analyse des commerces déjà implantés qui conduit à prendre en compte l’effet sur ces commerces de tout nouveau projet avant de l’autoriser.

C’est pourquoi la commission spéciale proposera de maintenir le relèvement du seuil légal d’autorisation de 300 à 1 000 mètres carrés, comme le propose le Gouvernement.

En revanche, à côté de cette réalité juridique incontestable, il y a une réalité géographique et sociale tout aussi incontestable : je veux parler de cette réalité qui nous marque tous et dont notre Haute Assemblée est l’expression politique et institutionnelle, à savoir la diversité de nos territoires.

Parce que nos territoires sont différents et sont riches de leurs particularités et de leurs spécificités, il m’a semblé, et votre commission a bien voulu partager cette analyse, qu’il était important de donner aux élus locaux la possibilité, dans certains cas, d’adapter le dispositif général aux exigences locales.

Comme il nous a semblé que l’élément politique important de ce dispositif reposait sur l’idée qu’en matière d’aménagement commercial l’ensemble de la décision ne devait pas reposer sur le seul maire mais qu’il fallait laisser une place à la construction d’un projet collégial pour le territoire, nous proposons de donner aux schémas de cohérence territoriale – SCOT – la possibilité de définir des zones d’aménagement commercial en fonction des trois critères autorisés par le droit européen, à savoir l’aménagement du territoire, la qualité de l’urbanisme et la protection de l’environnement.

Puis, dans un second temps, nous proposerons d’articuler ce dispositif avec celui qu’ont introduit les députés pour permettre, dans certains cas limités, le passage en commission départementale d’aménagement commercial – la CDAC – des projets compris entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Il me reste enfin sur ce point à vous dire ma forte interrogation sur l’idée avancée à l’Assemblée nationale d’élaborer dans six mois un nouveau projet de loi pour intégrer l’urbanisme commercial à l’urbanisme de droit commun.

Il me semble qu’il y a dans cette formule une lourde ambiguïté et je me demande si tous nos collègues députés ont bien conscience qu’un tel projet consisterait en réalité à supprimer les CDAC.

Pour notre part, nous ne nous plaçons pas dans cette perspective et nous considérons assez largement, au sein de la commission spéciale, qu’il n’y a pas lieu de légiférer pour dire qu’on légiférera plus tard.

En conclusion sur cette question de l’équipement commercial, je voudrais vous dire ma conviction que le commerce de proximité, s’il ne peut représenter la majorité du commerce en chiffre d’affaires, a néanmoins un bel avenir devant lui.

Faisons un peu de prospective, mes chers collègues, et plaçons-nous dans vingt ans, c’est-à-dire dans un pays dont la population aura une moyenne d’âge plus élevée, dans lequel les transports se seront profondément transformés, dans lequel les zones rurales se seront redynamisées et auront vu leur population augmenter, dans lequel les services, de façon générale, et les services capables d’apporter des réponses individualisées aux consommateurs, en particulier, occuperont une part toujours croissante : dans cette société française de 2030, les activités de proximité auront un rôle important à jouer.

J’en viens enfin au titre III. Il me revient de rapporter les articles du chapitre Ier, qui m’apparaît viser un objectif essentiel pour la croissance de notre économie et pour la cohésion sociale. Il s’agit du développement de l’accès au très haut débit et, plus généralement, au numérique sur le territoire.

Les amendements que la commission proposera sur ces articles répondent à deux préoccupations principales. Ils visent, d’une part, à assurer la plus grande équité possible entre les opérateurs concurrents pour le déploiement de ce nouveau réseau que constitue la fibre optique. Ils visent, d’autre part, à permettre de ne jamais perdre de vue les Français qui habitent en zone rurale…

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