Ceux d’entre nous qui ont accompli des missions hors de nos frontières n’en reviennent-ils pas souvent avec le sentiment que le reste du monde bouge plus vite que nous ?
Il suffit d’entendre ceux qui ont vu les chantiers ouverts en Russie, au Brésil, en Inde, mais aussi dans le reste de l’Asie ou de l’Amérique du Sud, pour se rendre compte de ce décalage. Il suffit d’avoir perçu l’appétit au travail, à la création de richesses pour ressentir l’impression d’un certain assoupissement français.
Il y a quelques années, cet assoupissement paraissait participer d’un engourdissement européen. Aujourd’hui, une telle explication n’est plus pertinente. Les États providence d’Europe du Nord ont fait leur aggiornamento budgétaire ; l’Allemagne a rétabli sa productivité et a repris ses conquêtes exportatrices ; la Grande-Bretagne a reconstruit ses services publics et Londres est le pôle magnétique de la finance européenne ; les pays d’Europe de l’Est et du Centre avancent à bon pas dans la voie du rattrapage économique et social.
En comparaison, malgré des efforts conduits depuis quelques années, notre pays semble encore engoncé dans des problèmes que d’autres ont résolus.
Nos finances publiques portent le poids de la dette, notre déficit extérieur se réduit trop peu, nos grandes réussites industrielles – le nucléaire, le train à grande vitesse ou l’avionique – reposent sur des percées de notre appareil de recherche qui remontent à deux, trois, voire quatre décennies. Nos concitoyens perçoivent d’ailleurs davantage la constitution d’un marché mondial comme une menace dont il convient de se protéger que comme une opportunité à saisir. C’est une vraie différence avec nombre de nos partenaires de l’Union. Je le constate dans les pays que je visite dans le cadre de la mission sur la flexsécurité que je conduis actuellement, à la demande du conseil des ministres du travail des Vingt-sept, en observant la manière dont les partenaires sociaux abordent la globalisation.
Nous sommes encore trop frileux, alors même que la globalisation peut constituer un outil de sortie du sous-développement pour les trois quarts de la planète.
Nous avons besoin de services publics efficaces, expression de la solidarité collective et ciment de la cohésion territoriale et nationale. C’est indéniable ! Mais, dans le tourbillon concurrentiel qui balaye le globe, nous avons aussi besoin d’entrepreneurs et d’entreprises à même d’assurer le maintien et le développement non seulement de notre niveau de vie, mais également de notre influence. Ayons-le à l’esprit !
De ce point de vue, le projet de loi dessine les conditions d’un réveil de la vitalité économique nationale.
Face à la menace d’assoupissement économique, il nous faut organiser la levée en masse d’entrepreneurs ; depuis cinq ans, le nombre de créations d’entreprises est un signe positif. Nous avons donc besoin de plus de liberté.
Un tel objectif suppose une pédagogie, une valorisation de l’esprit d’entreprise et de ses réussites afin de favoriser l’évolution des mentalités.
Un tel objectif impose une facilitation de la vie de l’entrepreneur, une politique plus favorable à l’éclosion des petites et moyennes entreprises et à leur croissance afin d’encourager également le « rebond », c’est-à-dire l’acceptation d’un éventuel échec, qui n’est pas la condamnation définitive de l’entrepreneur.
Il exige une plus grande ouverture des marchés publics et privés aux petites entreprises. Celles-ci en sont souvent écartées pour cause de taille et, du coup, elles ne peuvent pas grandir. Il commande aussi des stratégies de développement de nos entreprises de taille médiane, à l’instar, comme le disait Laurent Béteille, du modèle allemand d’entreprises moyennes fortes, innovantes et exportatrices. Ces Mittelstand, dont le tissu serré fait la force industrielle de notre grand voisin, ne sont pas directement « avalées » par les multinationales et, grâce à leur identité, elles peuvent répondre au combat de la globalisation.
Cette orientation structure l’un des volets du projet de loi. Néanmoins, je ne crois pas que le dispositif proposé épuise le sujet. Il constitue un pas dans la bonne direction. D’autres devront suivre.
Aujourd’hui, pour assurer notre avenir, il nous est nécessaire d’opposer au choc de la mondialisation des bataillons d’entreprises inventives et libérées de certains carcans. Pour cela, il nous faut alléger les feuilles de marche des entreprises conquérantes à l’export.
Ayons aussi conscience que, pour mieux se projeter dans le lointain, notre économie doit davantage s’enraciner dans les activités de proximité. Cette économie de proximité est en effet un concept qu’il nous paraît essentiel de prendre en compte.
Le territoire national est le socle à partir duquel nos entreprises peuvent se déployer hors de nos frontières. C’est ma conviction. C’est aussi une conviction largement partagée par la commission spéciale. Il importe donc, avec un double souci d’équilibre, comme le soulignait Élisabeth Lamure, et de spécialisation optimale, de valoriser nos territoires urbains tout comme nos territoires ruraux.
La plus large diffusion de l’Internet à haut débit et une meilleure couverture des régions par les technologies de l’information et de la communication sont des moyens qu’il s’agit de promouvoir en priorité. L’irrigation financière en est une autre. De ce point de vue, la volonté de faire figurer Paris parmi les places financières mondiales les plus attractives est essentielle. L’objectif poursuivi par ce texte de lui donner les moyens de concurrencer directement Londres me semble particulièrement bienvenu. Il n’y a pas de grand pays sans grande capitale économique, et comment avoir l’ambition d’une capitale économique de rayonnement international sans place financière de premier plan ?
L’irrigation commerciale des territoires est, elle aussi, un facteur de leur développement et de maîtrise des prix. Cependant, quand il s’agit de grandes surfaces, c’est un flux qu’il convient de canaliser avec doigté, car il ne faudrait pas qu’il fasse plus de ravage que d’usage ! C’est pourquoi la commission spéciale proposera en la matière un triptyque équilibré de mesures qui se complètent : la prise en compte de la diversité de nos territoires dans le cadre des schémas de cohérence territoriale, pour donner aux élus locaux les moyens d’exercer leurs responsabilités en matière d’aménagement ;…