Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de modernisation de l’économie est un texte dans lequel le Gouvernement place beaucoup d’espoirs : gagner 0, 3 point de croissance, créer 50 000 emplois en un an, relancer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ... Autant d’ambitions auxquelles, tous ici, nous souhaiterions souscrire et qui nous conduiraient presque à regretter que ce projet de loi soit discuté si tard, en session extraordinaire, au mois de juillet.
Si nous pouvons être d’accord sur le diagnostic – le pouvoir d’achat et l’emploi sont bien les principales préoccupations de nos concitoyens –, en revanche, vous l’aurez deviné, notre avis diverge sur les remèdes que vous proposez dans ce projet de loi, qui ressemble plus à un texte portant diverses dispositions d’ordre économique et fiscal qu’à un projet portant une réelle volonté de s’attaquer à la racine des causes.
Votre ambition va loin puisqu’il s’agit, aux termes de l’exposé des motifs, de « faire souffler un vent de liberté » sur l’économie de notre pays. Mais liberté pour qui ?
Au vu des dispositions, selon moi dogmatiques, et j’y reviendrai, que vous proposez dans ce texte, l’espoir de redonner du pouvoir d’achat aux Français qui en manquent le plus s’est malheureusement vite éteint.
Le Gouvernement est allé jusqu’à débourser 4, 63 millions d’euros pour diffuser, à des heures de grande écoute, une publicité sur ce sujet. Mais le message est bien déprimant : il faut attendre !
Vous demandez aux familles qui ont du mal à payer leur loyer, qui comptent chaque pièce pour faire leurs courses, aux salariés qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler et voient leur budget très sérieusement amputé par la flambée des prix de l’essence, de patienter !
Alors que la précarité explose, vous demandez aux travailleurs pauvres, ceux qui ont un emploi, mais n’ont pas les moyens de se loger, ceux qui vivent dans l’urgence, de patienter. J’estime que c’est insultant pour toutes les personnes concernées au quotidien par cette question éminemment prégnante du pouvoir d’achat de leur famille.
Alors que les routiers manifestent leur mécontentement face à la flambée du prix du carburant, alors que tant de Français envisagent difficilement leur départ en vacances pour les mêmes raisons, votre publicité est décalée et dénote un travers de ce Gouvernement : communiquer plutôt qu’agir !
Comment ne pas être déçus quand on nous propose, au lieu d’une véritable « modernisation » – terme que le Gouvernement apprécie visiblement beaucoup puisqu’il apparaît comme une incantation dans le titre de plus de la moitié des lois que nous avons eu à examiner durant cette année parlementaire –, une simple compilation de dispositions, bien loin du compte, dans des domaines variés allant de l’immobilier commercial à la fibre optique dans les immeubles d’habitation, en passant par les brevets industriels et des dispositions fiscales pour les entrepreneurs.
À lire les différents titres des articles, on se demande ce qu’il peut bien y avoir de moderne dans un tel recueil de dispositions, alors même que l’une des réponses que vous apportez est le recours à l’ordonnance et aux décrets d’application, qui se multiplient au fil des articles. Si mes comptes sont exacts, huit articles font référence au recours à une ordonnance et soixante-trois à des décrets d’application. Méthode démocratique pour le moins discutable !
Votre définition de la modernité paraît également liée à une vision particulière de la « liberté de l’économie », qui consiste à réduire le pouvoir de l’État à sa portion la plus congrue quand il s’agit de poser des règles pour que l’économie fonctionne et, à l’opposé, à donner de l’argent public provenant des caisses de l’État, dont vous dites pourtant régulièrement qu’elles sont vides, par le biais de cadeaux fiscaux aux entreprises, et ce sans offrir aucune garantie sur l’effet supposé bénéfique de ces mesures à l’égard de notre économie.
L’une des illustrations symboliques de cette logique est la banalisation du livret A. Cette épargne, la plus appréciée des Français, même « plébiscitée », selon vos propres termes, madame la ministre, est centralisée jusqu’ici par la Caisse des dépôts et consignations, vous l’offrez en cadeau aux banques, en prenant le risque de voir les fonds mis à disposition du logement social détournés vers d’autres produits financiers qui ne servent qu’à la spéculation des banques privées.
Sur ce dossier, il faudrait d’abord faire la démonstration que l’économie actuelle n’a pas permis de faire évoluer positivement l’activité, la construction et la réhabilitation de logements sociaux ne devant pas faire partie des éléments concourant à la croissance du PIB !
Laisser croire que La Poste et la Caisse d’épargne, en disposant du monopole de collecte du livret A, font obstacle à la croissance économique est pour le moins surréaliste.