Vous avez présenté la fixation du taux de rémunération forfaitaire des banques à 0, 6 % comme le fruit d’un compromis « laborieux », je vous cite, mais nous vous démontrerons qu’il s’agit en réalité d’une surcompensation.
Les banques auront accès à un surcroît de liquidités, bienvenu en cette période de crise financière où elles doivent éponger des pertes dans leur bilan. Évidemment, ce sont les gros livrets qui les intéressent, ceux qui n’induisent pas de frais de gestion importants. Pour ceux-là, le taux de rémunération de 0, 6 % est excessif : de l’avis même d’un banquier de la place, un taux de 0, 1 % eût été suffisant.
Les banques ont échappé à l’exigence de comptabilité séparée.
Enfin, la suppression du service d’intérêt économique général de collecte et de centralisation transforme en une simple prestation commerciale la relation État-banques. L’exemple des CODEVI, rebaptisés livrets de développement durable ou LDD, aurait pu vous amener à vous interroger : les aides aux entreprises, qui étaient l’objectif du LDD, se sont limitées à 50 % des encours collectés. Les députés l’ont constaté et ont adopté un amendement pertinent.
Vous mettez le doigt dans un engrenage fatal, qui conduira inexorablement les banques à demander, dans un avenir plus ou moins proche, la suppression de la centralisation auprès des fonds d’épargne gérés actuellement par la Caisse des dépôts et consignations, déjà considérée par les esprits les plus libéraux comme une « étrange survivance ».
Pour ce qui est de la Caisse des dépôts et consignations, le Gouvernement s’est révélé finalement plus prudent que certaines déclarations ou l’avant-projet pouvaient le laisser craindre. Car la « vieille dame » agace dans les plus hautes sphères de l’État, nous l’avons remarqué depuis quelques mois !
Les modifications apportées dans sa gouvernance sont finalement limitées. L’instauration d’un comité des investissements avait lui-même été proposé par les instances de la Caisse. Les fonds d’épargne sont bien identifiables sans qu’il soit utile de les isoler dans un établissement public, comme l’idée en avait été émise. Enfin, le contrôle de la Commission bancaire doit être interprété comme un appui aux missions de la Caisse des dépôts et consignations.
Toutefois, pour l’avenir, nous ne sommes pas tout à fait rassurés. Toutes ces mesures sont, dans l’esprit de certains, un prélude à la banalisation de la Caisse des dépôts et consignations. Nous voulons, une fois encore, vous mettre en garde de manière solennelle : la Caisse est placée depuis sa naissance sous la surveillance du Parlement ; elle le restera ! Quant à lui faire jouer le rôle d’un fonds souverain ou de « chevalier blanc » du CAC 40, il ne faudrait pas oublier l’essentiel, à savoir que les fonds dont elle dispose ne lui sont pas propres : elle les gère pour compte de tiers. Elle sécurise l’épargne des Français.
Nous voulons donc vous donner un avis sans frais concernant l’avenir, car notre inquiétude n’est pas dissipée. La pratique des gouvernements depuis 2002 nous a instruits : ce qui ne peut être fait immédiatement en raison de trop grands risques politiques, est finalement réalisé par grignotages successifs. On dessine ainsi un paysage de la société française dans lequel les Français ne se reconnaissent plus !