…même si on peut aussi affirmer que c’est l’inverse !
Les quelques dispositions du projet de loi qui tendent à se raccrocher au code de l’urbanisme ne me paraissent pas suffisantes pour que l’on ait le sentiment d’avoir abordé le problème de la ville et les évolutions préoccupantes de celle-ci, c’est-à-dire l’étalement urbain et la diminution, voire la disparition, de l’activité commerciale des centres-villes.
Pour autant, le texte présenté aujourd’hui est naturellement dense et il couvre un spectre de sujets très large. Il va des mesures d’encouragements aux entrepreneurs, qui sont indispensables et bienvenues, à la relance de la concurrence, au renforcement de l’attractivité du territoire et à l’amélioration du financement de l’économie.
Je me limiterai à certaines dispositions du titre II du projet de loi, intitulé « Mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance », en particulier à deux axes du texte. En premier lieu, la mise en place de saines conditions de concurrence permettra une revitalisation du commerce en centre-ville. En second lieu, il faut espérer que celle-ci participera à l’amélioration des rapports entre producteurs et distributeurs.
Le développement de la grande distribution a consisté en l’implantation d’installations commerciales de plus en plus loin du centre-ville et des lieux de résidence. Cette extension constante des périphéries de nos agglomérations s’est souvent réalisée au détriment à la fois de la qualité des entrées de villes et de l’activité en centre-ville.
Les commerces centraux ont été étouffés par la concurrence des grandes surfaces. Les boutiques de détail se sont raréfiées en centre-ville, alors qu’elles constituent le principal facteur d’animation de nos quartiers et que, au-delà du service rendu au public par le commerce de proximité, elles créent aussi, et peut-être avant tout, du lien social.
Il ne s’agit pas seulement ici d’une question de commerce, mais bien d’un problème de société. Les petits commerces constituent l’âme des centres-villes, un lieu de vie, de rencontres et de convivialité, un facteur essentiel de notre qualité de vie menacée. C'est pourquoi je pense que l’attention que leur porte Jean-Pierre Raffarin est plus qu’utile : elle est indispensable.
Comment alors restaurer des lieux de vie, d’échange et de convivialité en centre-ville ? Je pense que les mesures mises en place par l’article 27 du présent projet de loi peuvent contribuer, sous certaines réserves, à restaurer l’attractivité des centres-villes pour les commerces. Elles devraient permettre de rendre au commerce un pouvoir et même un devoir d’imagination en centre-ville.
Tout d’abord, en ce qui concerne les autorisations d’équipements commerciaux, je me félicite du maintien d’une procédure collégiale et du renforcement du rôle des élus au sein des nouvelles commissions départementales d’aménagement commercial. En effet, ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire et ses équilibres et qui assument régulièrement la responsabilité de leurs choix. Il me paraît donc juste qu’ils détiennent la majorité des sièges au sein des nouvelles commissions.
En revanche, les quelques dispositions de l’article 27 qui concernent les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et les PLU, les plans locaux d’urbanisme, me paraissent difficiles à mettre en œuvre, compte tenu de la diversité des SCOT, voire de leur absence dans certaines zones.
En outre, si les documents d’urbanisme ont fait leurs preuves au service de l’organisation harmonieuse du territoire, ils ne peuvent équilibrer la concurrence. Et si l’on objecte que la définition de zones d’aménagement commercial inciterait à la conclusion de SCOT dans les régions où ceux-ci sont absents, cet argument ne me semble pas très convaincant, car alors il faudrait prendre en compte le temps d’élaboration de ces schémas, soit quatre à cinq ans au minimum.
Le projet de loi porte ensuite une réforme des seuils d’autorisation. En tant que membre de la commission des affaires culturelles, je tiens à souligner l’importance de l’article 28, qui dispose que la création de cinémas de plus de 300 places nécessite une autorisation de la commission départementale d’aménagement commercial. Il faut préserver la richesse de l’offre culturelle sur nos territoires et prendre en compte l’effet sur la diversité cinématographique dans la zone concernée ainsi que l’impact sur l’aménagement culturel du territoire et sur l’environnement.
L’implantation sans limites de multiplex serait tout à fait dommageable pour cette diversité. Certains de nos voisins européens ont vu disparaître totalement les salles indépendantes et les petits cinémas de quartier. Mes chers collègues, ne suivons pas leur exemple !
Enfin, le relèvement du seuil d’autorisation des projets d’équipement commerciaux de 300 mètres carrés à 1 000 mètres carrés devrait favoriser le développement de nouvelles surfaces en centre-ville et redynamiser ainsi une concurrence qui n’existe plus dans de trop nombreuses zones. Toutefois, madame la ministre, soyez attentive aux producteurs et à la production française.
Le relèvement du seuil d’autorisation pour les projets d’équipement commerciaux vise à restaurer les conditions d’une meilleure concurrence entre distributeurs, afin de favoriser la baisse des prix.
C’est en effet entre les distributeurs qu’il convient de recréer une concurrence qui, trop souvent, n’existe plus. Les producteurs et les transformateurs, comme les industriels, ne sont pas responsables de la hausse des prix alimentaires. Leurs coûts de production, en particulier l’énergie, ont considérablement augmenté et, finalement, leurs marges se sont réduites. Je souhaite me faire ici l’écho de leurs vives préoccupations.
Face à une multitude de producteurs, qui disposent d’un savoir-faire unique, comme l’attestent les marques et les AOC, les appellations d’origine contrôlées, une poignée de centrales d’achat se trouvent en position de force pour tirer les prix vers le bas. Toutefois, ces pressions à la baisse ne profitent pas aux consommateurs. Il convient donc de relancer la concurrence entre distributeurs.
C'est pourquoi le seuil d’autorisation fixé à 1 000 mètres carrés constitue une disposition importante. L’ancien seuil de 300 mètres carrés n’avait pas permis de préserver les petits commerces auxquels nous tenons. Il faut ouvrir les centres-villes aux moyennes surfaces ; c’est la contrepartie de la négociabilité des conditions de vente. Avant tout, c’est entre distributeurs que la concurrence doit jouer si nous voulons contenir les prix sans déstructurer notre tissu productif.
Or c’est dans le domaine de la grande distribution que la concurrence est faussée. En effet, certaines enseignes disposent de quasi monopoles locaux. Et ce n’est pas un hasard si, dans les zones où un plus grand nombre d’enseignes sont présentes, les prix sont moins élevés que dans des zones où la concurrence ne joue pas. Les marges de la distribution sont souvent confortables, alors qu’à chaque bout de la chaîne les producteurs et les consommateurs sont vulnérables.
Pourtant, si j’approuve les dispositions prévues dans le projet de loi, je souhaite vous faire part de mes espoirs et de mes doutes quant à leur résultat.
En effet, les questions de relations commerciales, de concurrence et d’équilibre des prix sont complexes, chacun le sait. Pour ma part, je les aborde avec humilité et empirisme. Nous savons que certaines lois visant à la modération des prix et à l’équilibre des rapports entre producteurs, distributeurs et consommateurs ne sont pas parvenues aux résultats escomptés.
Je souhaite aussi vous faire part de l’inquiétude des élus sur la réforme du seuil du versement transport qui, en vertu de l’article 12 du projet de loi, passera de neuf à dix salariés. Je me félicite de la volonté du Gouvernement d’alléger les charges des PME, particulièrement lorsqu’elles pèsent directement sur l’emploi. Cette mesure aura pourtant un effet négatif sur le développement des transports publics, alors que le Grenelle de l’environnement tendait à favoriser les transports en commun. En outre, il appartiendra aux collectivités locales de prendre à leur charge le déficit des syndicats de transport urbain. Est-ce opportun ?
En définitive, le titre II comporte des dispositions intéressantes tant en matière d’autorisation d’équipements commerciaux qu’en ce qui concerne les rapports commerciaux entre distributeurs et producteurs. Nous sommes d’accord : la modernisation doit se faire au profit des consommateurs, sans pour autant écraser les producteurs de produits agricoles et ceux qui les transforment. Il faudra être vigilant. C’est pourquoi je compte sur vous, madame la ministre. D’une manière générale, la réussite de ces mesures dépendra de l’action de l’Autorité de la concurrence. Je me réjouis des véritables pouvoirs de sanction dont elle est dotée. Souhaitons qu’elle soit à la hauteur de sa tâche.
Je ne reprendrai pas le sujet évoqué par notre collègue Philippe Leroy sur le haut débit et le numérique. Je me contenterai de préciser que j’y attache autant d’importance que lui : c’est une nécessité pour l’égalité des territoires et leur aménagement.
En conclusion, je reviendrai sur la notion d’urbanisme commercial contre laquelle je me suis insurgé au début de mon intervention. Pour moi, l’urbanisme est le cadre de l’organisation de notre vie, de l’aménagement du territoire, du développement durable ; le commerce est une force attractive si puissante qu’elle fait exploser, en la soumettant, toute volonté de qualité urbaine. Il faudra bien, me semble-t-il, grâce à la volonté des élus, la faire un jour entrer dans le cadre général du code de l’urbanisme. Mais c’est, à juste titre, un autre sujet.