Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 30 juin 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Discussion générale

Christine Lagarde, ministre :

Monsieur Fortassin, vous nous avez interpellés sur la question du double affichage pour les fruits et légumes. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème technique d’affichage. Une telle mesure soulèverait, en effet, des difficultés au regard du secret des affaires à chacune des étapes de la chaîne commerciale.

Par ailleurs, lors de l’examen récent de la filière « poissons », mené par Michel Barnier, Luc Chatel et moi-même, nous nous sommes aperçus que, nulle part, des marges abusives n’étaient appliquées. Simplement, le nombre des intervenants successifs est peut-être excessif.

Le débat sur l’urbanisme commercial a fait couler beaucoup d’encre et a suscité des inquiétudes sur l’équilibre concurrentiel dans le secteur de la distribution. Pour y répondre, le Conseil de la concurrence, aujourd’hui, et l’Autorité de la concurrence, demain, disposeront de moyens étendus d’action.

En effet, l’Assemblée nationale a adopté des dispositions permettant la prise d’injonctions structurelles pour mettre fin à des abus de position dominante. Outre les sanctions prévues par l’article L 464-2 du code de commerce, - sanctions pécuniaires, astreintes dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires journalier –, il a été prévu que ladite instance puisse aller jusqu’à enjoindre la cession des surfaces commerciales si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée.

J’aborderai maintenant les relations entre la TACA et le FISAC. J’accueille avec grand plaisir le remplacement de la dénomination TACA par TASCOM proposé par le Sénat ; cette appellation est bien plus appropriée à la réalité de cette taxe, dont le champ d’application évolue. Elle s’appliquera de manière beaucoup plus large aux grandes surfaces, de façon plus réduite aux petites surfaces. Elle doit être dissociée du FISAC. Mais cela ne nous empêchera en rien de relever les moyens de ce fonds.

Gérard Larcher et Claude Biwer ont évoqué l’utilisation du FISAC. Nous croyons, bien sûr, à l’utilité de ce fonds. Nous souhaitons d’ailleurs le renforcer. L’Assemblée nationale en a déjà étendu le champ, notamment en rendant possible son utilisation pour la prise en charge des intérêts contractés pour l’achat de terrains dans le cadre d’une préemption.

Certains orateurs ont fait des propositions pour une meilleure utilisation et une gouvernance améliorée du FISAC. Je suis tout à fait prête à donner suite à celles qui iraient en ce sens.

J’en viens à la question du seuil. Je ne vise pas les seuils de 10 ou 20 salariés, relatifs aux sociétés. Le seul de 50 salariés n’emportant pas de conséquences financières, il n’est pas question de le remettre en cause. Nous souhaitons assouplir le passage des seuils uniquement pour ce qui concerne les conséquences financières, et non sociales, de ceux-ci.

J’entends les inquiétudes soulevées par notre suggestion de relever les seuils d’autorisation pour les surfaces commerciales. Il faut cependant remarquer, comme MM. Retailleau ou Biwer, que les règles en place n’ont pas empêché une diminution du nombre de petits commerces alimentaires, même s’il convient de relativiser cette difficulté : nombre de charcuteries ont disparu, mais de multiples boulangeries ont été créées.

Par ailleurs, selon l’INSEE, sur la période 1992-2004, le chiffre d’affaires du commerce de proximité et le nombre de ses salariés ont progressé respectivement de 38 % et de 8 %.

Luc Chatel aura l’occasion de vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelle mesure les propositions que nous vous soumettons permettront non pas de faciliter l’implantation des hard discounters à tous les coins de rues, mais de mettre en place, notamment, dans les centres-villes, où l’on constate de nouvelles habitudes d’approvisionnement de nos concitoyens, des surfaces commerciales avoisinant les 600 ou 700 mètres carrés. Ces commerces seront de nature à attirer les chalands vers les centres-villes et à développer le commerce de proximité.

Il ne s’agit pas de faire œuvre novatrice. D’ailleurs, en l’espèce, la plupart de nos voisins européens ont adopté des mesures de nature similaire, permettant tout simplement un peu plus de liberté. Le seuil retenu par ces pays, en deçà duquel aucune autorisation particulière n’est nécessaire, est parfois bien supérieur, puisqu’il s’établit à 2 000 mètres carrés en Finlande ou en Espagne, à 1 200 mètres carrés en Allemagne ; nous reviendrons longuement sur ce point.

Je me réjouis que nous puissions éclairer nos concitoyens sur les mérites d’une plus grande liberté en matière de diversité des modes de commercialisation. Il ne s’agit certainement pas d’éliminer quelque secteur que ce soit, en particulier la filière des petits commerces de détail, auxquels nous sommes tous extrêmement attachés, que nous soyons issus d’un milieu rural ou urbain.

J’évoquerai maintenant rapidement les questions liées à la fracture numérique, abordées par MM Boyer, Retailleau et Leroy. Messieurs les sénateurs, vous avez mentionné, notamment, la question de la couverture du territoire par la téléphonie mobile et le haut débit, avant d’envisager le très haut débit. C’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup progressé ces dernières années, puisque plus de 98 % de la population a accès au haut débit. Mais nous n’avons pas l’intention de nous arrêter là : à l’échéance 2012, nous souhaitons que 100 % du territoire soit couvert.

Les vingt-sept pistes de travail ouvertes à la concertation pour préparer le plan de développement de l’économie numérique, publiées à la fin du mois de mai, comportent plusieurs propositions précises sur ce point.

L’Assemblée nationale a adopté diverses mesures pour améliorer la couverture du territoire. Le Gouvernement y souscrit, pour peu que la concurrence et l’incitation à investir pour les opérateurs soient préservées, et il accueillera favorablement certains amendements en ce sens proposés par la commission spéciale.

Messieurs Longuet et Leroy, vous avez fort justement souligné le rôle clé des collectivités territoriales et des réseaux d’initiative publique dans le développement du haut débit et du très haut débit en France.

L’un des objectifs du projet de loi en matière de très haut débit est précisément de faciliter l’action de l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales. La disposition du projet de loi qui impose aux opérateurs de communiquer aux collectivités les informations sur les infrastructures et les réseaux qu’ils ont déployés s’inscrit dans cet objectif.

À ce point de mon intervention, je souhaite répondre à M. Doligé, qui m’a interrogée sur le rôle des collectivités territoriales. On le voit, au fil des articles de ce projet de loi, les collectivités territoriales, et notamment les départements, trouvent toute leur place dans le dispositif et constituent un échelon fondamental pour la mise en œuvre de ce texte très important.

Je tiens à le souligner, en valeur absolue, les collectivités territoriales contribuent pour une part très faible à la constitution du déficit public actuel.

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