Intervention de Nicolas About

Réunion du 13 décembre 2006 à 21h45
Application de la loi du 11 février 2005 sur les handicapés — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Nicolas AboutNicolas About :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a soulevé chez ces personnes et leur famille un immense espoir : celui d'un changement de regard de la société sur le handicap, celui de leur intégration pleine et entière à la vie de la cité, celui de la reconnaissance longtemps attendue d'un droit à compensation des conséquences du handicap pour rendre à chacun sa dignité de citoyen.

Notre commission des affaires sociales se classe parmi les toutes premières instances à s'être investies dans ce grand chantier de rénovation de la politique du handicap. Elle a tout particulièrement lutté pour que le droit à compensation trouve une traduction concrète. Elle s'était engagée, par la voix de son rapporteur, notre collègue Paul Blanc, en clôture des débats de février 2005, à s'assurer de la mise en oeuvre effective de cette loi fondatrice.

Vingt et un mois après son adoption, nous avons estimé qu'il est temps de faire le point sur sa montée en charge.

Avant d'entrer dans le détail, permettez-moi de rappeler rapidement les principaux objectifs de la loi. Ils sont au nombre de quatre.

Tout d'abord, il s'agissait de prévenir la survenance ou l'aggravation des handicaps grâce à une recherche plus opérationnelle et à la mise en place de consultations de prévention spécifiques pour les personnes handicapées.

Ensuite, il convenait de mettre en oeuvre le droit à compensation. Sur ce point, si l'innovation majeure de la loi a été la création de la prestation de compensation du handicap, n'oublions pas que le droit à compensation est beaucoup plus large et qu'il englobe l'accueil en établissements et services, le soutien aux aidants familiaux ou encore la protection juridique offerte par les mesures de tutelle et de curatelle.

En outre, ce texte avait pour objectif de garantir à toutes les personnes handicapées des ressources d'existence décentes lorsqu'elles sont dans l'incapacité totale de travailler, en l'occurrence au moins 80 % du SMIC.

Enfin, le dernier objectif de la loi était de permettre l'accès de tous à tout. Ce texte traitait d'abord de l'accès à l'école, avec pour priorité la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. Puis il tendait à favoriser l'accès à l'emploi, notamment dans la fonction publique, afin d'ouvrir plus largement le monde du travail aux personnes handicapées. Mais certaines mesures visaient aussi à encourager tout simplement l'accès à la vie comme tout le monde, grâce à la mise en accessibilité des bâtiments, de la voirie et des transports.

Une loi aussi complète - cent un articles ! - appelait bien évidemment de nombreux textes d'application pour sa mise en oeuvre. En l'occurrence, - et c'est une forme de record - on dénombre cent trente-huit décrets ou autres types de mesures réglementaires, sans compter l'ordonnance et la loi de ratification nécessaires à l'adaptation de ses dispositions à l'outre-mer.

Dans leur sécheresse, ces quelques chiffres montrent toute l'importance que revêt la parution des décrets d'application pour la mise en oeuvre effective de la réforme de 2005. Plus fondamentalement, le respect, par ces mêmes décrets, de l'esprit de la loi que nous avons votée conditionne la traduction concrète de l'ambition qui nous a portés.

C'est d'ailleurs pourquoi nous avions doublement encadré la procédure de publication des décrets d'application de la loi, tout d'abord en prévoyant l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur ces textes, ensuite, en imposant leur publication dans les six mois suivant le vote de la loi.

Force est de constater que ces précautions ont été vaines et qu'il s'est révélé impossible de concilier ces deux exigences. Le temps de la concertation avec ledit conseil a tant mordu sur le délai de six mois qu'à l'échéance seuls cinq décrets et deux arrêtés avaient été pris. Cela étant, je ne suis pas choqué, bien au contraire, que le Gouvernement ait accordé sa préférence à l'association des personnes handicapées à l'élaboration des textes réglementaires.

Vingt et un mois plus tard, qu'en est-il ? Je reconnais d'abord volontiers l'ampleur de l'effort fourni par le Gouvernement : au 1er octobre dernier, sur les cent trente-huit mesures prévues, quatre-vingt-treize avaient bien été prises.

Des pans entiers de la loi sont désormais applicables, même si les mentalités, elles, mettent plus de temps à évoluer. C'est le cas des dispositions relatives aux ressources d'existence des personnes handicapées ou encore de la prestation de compensation à domicile ; il en est de même pour la scolarisation des enfants handicapés et pour la réforme de l'obligation d'emploi, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

La nouvelle architecture institutionnelle, organisée autour de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et des maisons départementales des personnes handicapées, a également été mise en place dans les délais prévus. Au 1er janvier 2006, quatre-vingt-dix-neuf départements sur cent avaient signé la convention constitutive créant leur maison départementale. En juin 2006, quatre-vingt-dix-huit départements sur cent avaient mis en place les nouvelles commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et quatre-vingt-huit d'entre elles s'étaient déjà réunies dans cette nouvelle configuration.

Cependant, un grand nombre de ces structures fonctionnent encore a minima, en se bornant à reconduire les politiques menées par les anciennes COTOREP et commissions départementales de l'éducation spéciale, les CDES. Cette situation était sans doute inévitable, au moins dans un premier temps. L'effort demandé aux départements était en effet considérable. En moins d'un an, il leur a fallu remobiliser l'ensemble des partenaires de la politique du handicap, alors que ceux-ci étaient fortement tentés de se retirer, considérant que la loi opérait un transfert pur et simple de compétence aux conseils généraux.

Le bilan d'un an de fonctionnement des maisons départementales montre toutefois que celui-ci pourrait être amélioré sur deux points.

Premier point, il est indispensable, et notre commission l'a souligné au cours de l'examen de projet de loi de finances pour 2007, que l'État montre l'exemple d'une véritable mobilisation en faveur de ces maisons. Or, j'observe que l'État se limite à reconduire d'année en année les crédits qu'il consacrait auparavant aux sites pour la vie autonome.

De même, l'État s'était engagé à mettre à la disposition des maisons les personnels auparavant affectés aux COTOREP et aux CDES. Or, seuls 82 % des agents concernés ont accepté ce transfert, qu'on ne peut, dit-on, imposer. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait normal que l'État finance les recrutements contractuels nécessaires pour compenser ces refus ?

Second point, qui me tient particulièrement à coeur, il est urgent de donner toute sa force au principe de participation des personnes handicapées aux instances dirigeantes des maisons départementales, et notamment aux commissions des droits et de l'autonomie.

On m'objectera que 75 % des départements ont fait le choix de confier la vice-présidence - c'est important - des commissions des droits à un représentant associatif. C'est à mon sens l'arbre qui cache la forêt. La présence des représentants des personnes handicapées ne doit pas se résumer à de la figuration ; elle doit permettre l'émergence d'une culture partagée et la reconnaissance du fait que les premiers experts du handicap sont les personnes handicapées elles-mêmes.

Par ailleurs, je voudrais une nouvelle fois plaider en faveur de la nécessité de garantir le pluralisme des expressions associatives à travers la présence simultanée d'associations gestionnaires et non gestionnaires, conformément d'ailleurs à l'article 1er de la loi.

Bien sûr, pour respecter la lettre de la loi, il suffit de prévoir la présence d'une seule association non gestionnaire, et de nombreux départements l'ont d'ailleurs bien compris. Mais ce faisant, monsieur le ministre délégué, on viole l'esprit du texte : si la loi n'a pas posé un interdit brutal, sous la forme d'une incompatibilité totale entre les fonctions de gestionnaire et de représentant des personnes handicapées, ni même prévu une parité exacte entre les deux types d'associations, elle n'en a pas moins entendu permettre une présence significative des associations non gestionnaires.

Souvenez-vous, à la demande du Gouvernement, la commission des affaires sociales avait accepté de laisser sa chance au monde associatif, pour qu'il prenne lui-même conscience de la nécessité de mieux séparer les fonctions de gestionnaire d'établissement et de représentant des personnes handicapées.

Alors, monsieur le ministre délégué, quelles mesures envisagez-vous pour aider les associations à s'engager dans cette voie ?

Après ce satisfecit sincère, j'en viens maintenant - c'est la loi du genre - aux dispositions d'application toujours en attente.

Elles concernent des sujets qui sont loin d'être anecdotiques et que je vais citer pêle-mêle, en commençant par les modalités du message de prévention - et je me tourne, à ce propos, vers Mme Payet - qui, destiné aux femmes enceintes, devait être apposé sur les boissons alcoolisées pour encourager l'abstinence pendant la grossesse.

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