Ce sujet nous est cher, et nous serons très attentifs à ce qui va se produire.
Plus grave encore, les conditions d'attribution de la prestation de compensation du handicap aux personnes accueillies en établissements ne sont pas fixées, et c'est un volet entier de la principale innovation de la loi qui reste ainsi lettre morte.
Je pense encore au départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires handicapés. J'en parle d'autant plus volontiers que la « malfaçon législative » qui, d'après le Gouvernement, constituait le seul obstacle à la parution du décret est corrigée depuis six mois, monsieur le ministre délégué, grâce à l'adoption d'une proposition de loi que j'avais déposée.
Je mentionne également la question des obligations des établissements et services d'aide par le travail en matière de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience des personnes handicapées accueillies. Le vide juridique est particulièrement pénalisant pour les établissements qui doivent, malgré tout, budgéter les dépenses supplémentaires provoquées par ces nouvelles obligations.
Pouvez-vous d'ores et déjà, monsieur le ministre délégué, nous apporter des précisions sur le calendrier de publication des mesures d'application qui manquent encore à l'appel ?
J'ai gardé pour la fin la lacune la plus visible, celle qui se rapporte à l'accessibilité du cadre bâti et des transports, dont Paul Blanc parlera sans doute bien mieux que moi tout à l'heure.
Certes, les décrets relatifs aux bâtiments d'habitation et aux établissements recevant du public ont été publiés, mais sans être pour autant pleinement opérationnels. J'observe de surcroît que les mesures publiées restent très en retrait par rapport aux ambitions de la loi. Par exemple, elles ont fixé au 1er janvier 2015 la date limite de mise en accessibilité des établissements recevant du public existants. Telle est l'échéance maximale retenue par la loi ! La prudence dont nous avons fait preuve en mettant un « taquet » à 2015 était donc justifiée : qu'en aurait-il été si nous n'avions pas fixé de date limite dans la loi ?
Qui plus est, outre cette échéance extrême, le Gouvernement a repoussé au 1er janvier 2011 l'obligation, pour ces mêmes établissements, d'établir au moins un diagnostic de leurs locaux. J'estime excessif, monsieur le ministre délégué, d'accorder six ans pour établir un simple diagnostic. En pratique, la plupart des propriétaires vont attendre le dernier moment pour dresser l'état des lieux de l'accessibilité de leurs locaux et ils se trouveront ensuite pris de court face à l'ampleur de l'effort à accomplir.
Dans le domaine du transport, pardonnez ma brutalité, monsieur le ministre délégué, mais la situation est carrément inadmissible : aucun décret n'est paru et on continue donc à mettre en chantier de nouvelles infrastructures importantes sans qu'une quelconque garantie soit apportée quant au respect de l'accessibilité des personnes à mobilité réduite.
J'attends un décret en particulier : celui qui est relatif à l'accessibilité des bureaux et techniques de vote. Les échéances électorales des années 2007 et 2008 seront déterminantes pour l'avenir de notre pays, et il serait singulier que les personnes handicapées soient de facto empêchées d'exercer le premier de tous les droits reconnus à chaque citoyen, celui de choisir ses représentants par le vote.
À travers l'exemple de la prestation de compensation du handicap, je voudrais enfin montrer que les décrets d'application restent parfois bien en deçà des ambitions de la loi et que la mise en oeuvre effective du droit à compensation suppose bien plus que des décrets et des arrêtés : elle nécessite, mes chers collègues, une véritable révolution des mentalités.
D'après les premières informations, le nombre de prestations de compensation attribuées au 30 juin 2006 s'élèverait à 6 500, le nombre de dossiers en instance à cette même date se situant aux alentours de 31 000. Cela dit, dans un contexte de démarrage de la nouvelle prestation, ces chiffres n'ont pas une grande signification. Les conseils généraux se plaisent d'ailleurs à souligner la montée en charge rapide, voire exponentielle, depuis cette date des prestations attribuées.
Seule tendance significative à ce stade : le nombre plus important que prévu de personnes handicapées qui choisissent de conserver le bénéfice de l'ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, pourtant moins favorable.
Cette tendance est-elle le simple reflet d'une certaine aversion au risque, face au saut dans l'inconnu que représente la prestation de compensation, ou l'indice d'un malaise plus profond dans la mise en oeuvre de la nouvelle prestation ? Il est sans doute trop tôt pour le dire.
Si les chiffres ne nous apprennent rien, les premiers mois de versement de la prestation sont en revanche riches d'enseignements et ouvrent déjà des pistes pour adapter les textes réglementaires et les pratiques professionnelles.
Premier constat, le caractère pluridisciplinaire de l'évaluation des besoins de la personne handicapée reste bien souvent virtuel. Trop souvent, seul un médecin intervient, éventuellement accompagné d'un professionnel du secteur médicosocial, exactement comme au temps des anciennes COTOREP.
Comment, dans ces conditions, impulser le changement de mentalité nécessaire à une véritable concertation sur le projet de vie de la personne handicapée ? Sans une véritable pluridisciplinarité, les évaluations resteront établies dans le même état d'esprit, selon une approche purement médicale et restrictive des besoins de la personne.
J'ai parfaitement conscience que les équipes pluridisciplinaires ne pouvaient pas toujours être étoffées de façon satisfaisante dans des délais courts. Je voudrais cependant m'assurer que la volonté d'y parvenir existe et que le Gouvernement, qui contribue au fonctionnement des maisons départementales, est prêt à s'engager dans cette voie.
Deuxième constat, les modalités de recours aux aides humaines doivent impérativement être assouplies. Je reconnais volontiers que la publication du décret portant à vingt-quatre heures par jour le plafond des aides humaines constitue une avancée significative.
Il importe, monsieur le ministre délégué, de poursuivre en ce sens par la mise en place d'une procédure pour réétudier les dossiers des personnes lourdement handicapées qui ont, par exemple, vu leur élément « aides humaines » limité à douze heures par jour, en application de l'ancien plafond, ainsi que par la possibilité d'aller parfois au-delà de ce plafond de vingt-quatre heures, car certaines situations peuvent requérir la présence simultanée de deux aidants.
Se pose également la question du contrôle de l'effectivité de l'aide imposé aux personnes qui recourent aux aides humaines, car la pratique est, là encore, en contradiction avec la volonté initiale du législateur.
Quand nous avons approuvé la mise en place d'un tel contrôle, nous l'avions imaginé annuel et a posteriori : la personne handicapée devait percevoir chaque mois une somme correspondant à la moyenne de ses besoins, de telle sorte qu'elle puisse lisser ses dépenses d'un mois sur l'autre, la régularisation n'intervenant qu'en fin d'année.
Or, dans les faits, de nombreux départements ont prévu un contrôle mensuel, assorti d'un déclenchement du versement de l'aide sur justificatifs. Ils demandent ainsi aux bénéficiaires de l'aide d'avancer l'intégralité des sommes nécessaires à la couverture de leurs besoins pour les leur rembourser dans un délai aléatoire, sur présentation de justificatifs et dans la limite d'un plafond.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, j'ai proposé, et mes collègues députés et sénateurs m'ont suivi sur ce point, que les sommes versées puissent être globalisées par trimestre et que les justificatifs ne soient demandés qu'a posteriori. Nous aurions souhaité que cette globalisation soit automatique ; ce n'est qu'une possibilité et il convient d'obtenir, monsieur le ministre délégué, que cette possibilité devienne la règle.
Troisième constat, un certain nombre de tarifs de prise en charge prévus par le barème de la prestation de compensation doivent impérativement être revus.
C'est tout particulièrement le cas des tarifs relatifs aux aides humaines, car il existe un décalage important entre les tarifs fixés pour la prestation de compensation et les coûts réels. Le tarif horaire brut pour une embauche de gré à gré est fixé à 11, 02 euros, soit un tarif net de 8, 54 euros. Ce chiffre, tout le monde ici le sait, est largement inférieur aux tarifs réellement pratiqués par les professionnels de l'aide à domicile, notamment en région parisienne et dans les grandes villes.
On me rétorquera que ce tarif est plus élevé lorsque l'on recourt à un service mandataire ou prestataire. Cet argument est à mon avis totalement irrecevable : la rémunération réellement perçue par le salarié n'est pas plus importante, puisque le différentiel finance les coûts fixes du service.
Plus fondamentalement, cette disposition est même choquante : elle signifie qu'une personne handicapée qui souhaiterait se montrer économe en recourant au gré à gré serait pénalisée par un tarif de prise en charge plus bas.
Compte tenu de ces éléments, monsieur le ministre délégué, envisagez-vous une adaptation des décrets relatifs à la prestation de compensation, notamment dans son volet « aides humaines » ?
Mon quatrième et dernier constat porte sur la mise en place trop partielle des fonds départementaux de compensation du handicap.
Ces fonds sont chargés d'aider les personnes handicapées à couvrir les frais restant à leur charge après déduction des sommes versées au titre de la prestation de compensation. Or leur création est pénalisée par l'interprétation très restrictive de leurs possibilités d'intervention.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen du projet de loi de finances, mais vous me permettrez d'y revenir, car il touche à un point essentiel de la réforme de 2005 : la garantie apportée aux personnes handicapées que leur « reste à charge » en matière de compensation ne sera jamais supérieur à 10 % de leurs ressources.