Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC demande le renvoi à la commission des articles 49 et 52, qui visent à réprimer la fraude aux contrats de travail dans le secteur de l'intermittence du spectacle. En effet, les dispositions prévues dans ces articles constituent une réponse partielle très insuffisante à la profonde crise que traversent les intermittents du spectacle.
En outre, le traitement de l'intermittence n'a pas sa place dans un texte censé relancer l'activité économique des PME.
L'article 49 doit permettre de mieux repérer les fraudes et pratiques malhonnêtes liées à la conclusion de CDD d'usage par les croisements de fichiers.
L'article 52 prévoit la possibilité, pour le Centre national de la cinématographie, d'appliquer des sanctions spécifiques si les bénéficiaires du compte de soutien cinématographique ou audiovisuel ne respectent pas le droit du travail.
Ces dispositions ont donc pour objet de lutter contre les abus liés aux contrats de travail dans le spectacle. Nous n'en contestons pas la nature : il s'agit ni plus ni moins de faire respecter le code du travail.
Mais ces mesures doivent être lues dans le contexte de la crise des intermittents, qui dure depuis le 26 juin 2003, et de la signature du protocole d'accord sur les annexes 8 et 10 de l'assurance chômage, qui concernent les artistes et techniciens du spectacle. Or ces derniers contestent le régime d'assurance chômage qui leur est imposé, le considérant comme profondément injuste et inefficace.
Mon collègue Jack Ralite, avec Marie-Christine Blandin, Catherine Tasca, Serge Lagauche et Catherine Morin-Desailly, fait partie du comité de suivi pour la réforme de l'assurance chômage des intermittents du spectacle. Tous travaillent avec des représentants de la profession et négocient avec le ministère.
Ce travail a eu notamment pour résultat une lecture concordante du problème.
Une moralisation des pratiques est nécessaire, et le comité de suivi n'a eu de cesse de la réclamer. Il faut de vrais contrôles. Toutefois, la politique répressive seule est une impasse. La possibilité de croiser les fichiers, ouverte par l'article 49, est une revendication ancienne des professionnels. Mais, ici, le croisement des fichiers vise à repérer les utilisations abusives de contrats d'intermittents et la nécessité de mieux connaître la situation de l'emploi intermittent n'est pas mentionnée.
Pourtant, la difficulté à résoudre la crise a été considérablement accrue par l'incapacité des institutions, et singulièrement de l'UNEDIC, à fournir des données fiables concernant l'emploi dans le spectacle.
Une meilleure compréhension du secteur permettrait de mener une réelle politique de l'emploi culturel, qui implique tous les intéressés : intermittents, employeurs, collectivités locales, Etat.
La fraude vient en grande partie du sous-financement indécent de la production culturelle dans notre pays.
Ainsi, les collectivités territoriales ont refusé de signer la charte pour l'emploi culturel proposée par le ministère de la culture, sans doute parce que l'objectif de n'aider que les projets culturels respectueux du droit du travail leur semblait irréaliste.
C'est pourquoi il aurait fallu aussi prévoir des modalités permettant aux employeurs et aux employés de se mettre en conformité avec la législation, tout en conservant leur volume d'emploi et leur qualité artistique.
Au contraire, ici, par ces deux articles coincés à la fin d'un projet de loi sans rapport avec la politique culturelle, le renforcement des contrôles est mis en place isolément, et risque donc de se transformer en gigantesque plan social au niveau national.
Ces articles reprennent uniquement l'aspect répressif du projet de charte sur l'emploi dans le spectacle préparé par le ministère de la culture. En revanche, les contreparties censées conforter le volume d'emploi et permettre le respect du droit du travail sont absentes : ainsi, rien n'est proposé pour sortir les conventions collectives de leur état embryonnaire.
Enfin, ces dispositions ne répondent pas à la question posée par la crise profonde du monde artistique et culturel français : comment assurer aux intermittents du spectacle un système d'assurance chômage pérenne et spécifique dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ? Pour cela, les groupes CRC, socialiste et UC-UDF ont déposé une proposition de loi relative à la pérennisation du régime d'assurance chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma. Nous demandons aujourd'hui au Gouvernement qu'il inscrive cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire.
J'espère vous avoir démontré par ce court exposé que la question de l'intermittence du spectacle ne saurait être traitée ainsi, de manière partielle et par le biais de deux cavaliers législatifs qui interdisent toute réelle discussion.
C'est pourquoi nous demandons le renvoi à la commission des articles 49 et 52, afin d'entamer une véritable réflexion dans cette assemblée sur le traitement que notre société réserve aux artistes et techniciens du spectacle.