Ce sous-amendement tend à préciser que le salarié d'un employeur établi hors de France est considéré comme détaché dès qu'il commence à travailler sur le territoire national.
L'amendement du Gouvernement est manifestement la conséquence directe de la mobilisation des Français autour du redoutable projet de directive Bolkestein. Il nous permet au moins de constater que la mobilisation de nos concitoyens n'aura pas été inutile : en effet, cet amendement vient se nicher au milieu d'une avalanche de mesures de précarisation et de recul social.
Mais il faut aller au-delà des apparences.
M. le ministre se répand dans la presse depuis deux jours en annonçant qu'avec cette mesure ce funeste projet de directive sera définitivement enterré. Mais il n'en est rien ! En effet, ce que nous lisons dans cet amendement nous montre plutôt un énième effet d'annonce et un bricolage hâtif de vos collaborateurs, monsieur le ministre, à partir de l'article L. 341-5 du code du travail.
Comme le fait si bien dire Lampedusa au prince Salina, en conclusion du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »
L'article L. 342-2 qu'il nous est proposé d'adopter prévoit que : « Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France, et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1 ».
Qu'est-ce, monsieur le ministre, qu'une durée limitée ? Une semaine, quinze jours, un mois, deux mois, un trimestre, un an ? Ou peut-être plus encore...
Ce que la publicité dont votre amendement est entouré ne dit pas, c'est que cette durée limitée n'est pas définie. Dès lors, trois questions se posent. Quelle sera-t-elle ? Qui va la fixer ? Cette décision sera-t-elle laissée à l'appréciation française ou sera-t-elle prise à Bruxelles par un émule ultralibéral de M. Bolkestein ?
Et que se passera-t-il en dessous de cette durée limitée ? Quel sera le statut du salarié ?
En dessous de cette durée limitée, nous craignons fort que le salarié ne bénéficie pas des garanties de notre droit du travail et de notre protection sociale, et qu'il ne reste soumis au droit du pays d'origine. En l'état actuel de la rédaction de ce texte, rien ne lui garantit, rien ne garantit aux entreprises concurrentes en France, rien ne garantit au monde du travail français que ce n'est pas le droit du pays d'origine qui s'appliquera.
Permettez-nous de faire allusion au grave problème que l'on rencontre aujourd'hui dans le secteur des transports routiers avec le cabotage, pratique qui consiste à faire travailler des conducteurs originaires de l'Est sous-payés, avec des horaires et des conditions de travail scandaleux, pour effectuer des transports intérieurs en France. Rien ne vient clairement limiter cette pratique, parce qu'il n'existe pas de durée limite nettement fixée.
Il est donc absolument nécessaire de fixer cette durée dans la loi. C'est pour obtenir une réponse, et même un engagement précis de votre part, monsieur le ministre, que nous avons déposé ce sous-amendement.
Nous aurions pu - et nous y avons songé - opter pour la durée de huit jours qui est déjà mentionnée dans l'article D. 341-5 du code du travail, pour les travaux de montage initial ou de première installation d'un bien. Mais, là aussi, nous avons relevé un problème fâcheux : cette durée ne concerne pas la construction. Devons-nous alors imaginer que la durée envisagée pourrait varier selon les branches ?
En réalité, tout est possible et, avec ce petit morceau de phrase, vous prétendez résoudre une question grave alors que vous ne résolvez rien.
Nous vous posons donc clairement la question : comment envisagez-vous de définir la « durée limitée » ? Avez-vous encore la capacité de prendre cette décision ?