En effet, toute augmentation de population, qu'elle soit due ou non à l'immigration, agit mécaniquement sur l'offre et la demande. La protection de l'emploi est donc un faux problème, et l'on peut d'ailleurs noter que, depuis l'arrêt en 1974 de l'immigration professionnelle, le taux de chômage a, hélas ! été multiplié par quatre. Et les différents gouvernements qui se sont succédé sont concernés par ce constat.
En conséquence, les radicaux pensent que l'immigration ne doit pas être regardée, comme c'est trop souvent le cas, comme un fardeau ou comme une menace pour la cohésion sociale, même s'il existe, c'est vrai, des problèmes dramatiques dans certains quartiers où réside une forte population immigrée.
Cela étant, monsieur le ministre, ces difficultés sont avant tout le reflet de l'échec de la politique du gouvernement actuel, même si, au risque de surprendre, je pourrais m'associer dans une certaine mesure aux propos tenus par l'orateur précédent quand il soulignait l'échec des politiques des différents gouvernements. Quoi qu'il en soit, je ne chercherai pas à polémiquer, car telle n'est pas la tradition de cette maison.
En tout cas, le défaut d'intégration renvoie à une action publique inefficace dans les domaines du logement, de l'éducation, de la ville et de la jeunesse. La crise des banlieues de novembre dernier est une illustration de ces échecs.
En outre, la permanence de comportements discriminatoires, nés de préjugés tels que ceux que j'évoquais au début de mon propos, compromet gravement le sentiment d'intégration et le désir même de participation des immigrés à la vie du pays. Or le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre, c'est que ce projet de loi ne va rien arranger quant aux conditions de vie des immigrés, bien au contraire.
Tout d'abord, vous voulez, pour notre pays, une immigration choisie. Cette logique instrumentale s'oppose à la tradition d'hospitalité de la France, que nous devons assumer et qui est tout à notre honneur. En cela, cette logique ne s'inscrit pas dans le droit fil de la République fraternelle. Cette option est d'autant plus malvenue que la population d'immigrés est stable depuis trente ans, à hauteur de 6 % à 7 % de la population totale.
Alors, pourquoi ce texte, un texte qui organise le pillage des talents, la déstabilisation des familles et l'abandon des clandestins à leur sort ?
La réorganisation des différents documents de séjour, rendus plus restrictifs d'une façon générale, consiste à privilégier une catégorie d'immigrés. Vous souhaitez avant tout attirer les élites des pays en développement, ce qui est condamnable lorsqu'il s'agit, en contrepartie, de fermer la porte à tous les autres. Où est l'humanité dans une telle démarche, selon laquelle il y aurait les bons immigrés d'un côté, et les mauvais de l'autre ? Dans l'environnement international, vous pratiquez le tri sélectif entre une immigration jetable et une immigration recyclable.
Des voix se sont élevées, jusque sur le continent africain, pour dénoncer ce choix. L'instauration d'une échelle de valeur permettant de trier les immigrés n'est pas concevable au pays des droits de l'homme, monsieur le ministre, surtout lorsque l'on sait que rien n'empêchera ceux qui n'ont pas de diplôme de traverser les frontières.