Monsieur le ministre, en poursuivant votre objectif de combattre l'immigration subie, vous prévoyez de nombreuses dispositions qui seront lourdes de conséquences pour les familles.
Ainsi, alors qu'il ne concerne chaque année que 25 000 personnes, le regroupement familial sera rendu plus difficile. Avant de pouvoir faire venir sa famille, l'étranger devra attendre dix-huit mois, au lieu de douze actuellement, et démontrer qu'il pourra la faire vivre sans recourir aux minima sociaux. Pourtant, le droit de mener une vie familiale normale a été constamment réaffirmé par les textes, et se trouve protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, en tendant à durcir les conditions du regroupement familial, le présent projet de loi méprise ce principe.
Comme si cela ne suffisait pas, les modifications des conditions de délivrance de plein droit de la carte de séjour « vie privée et familiale » visent à compliquer la vie de ceux qui ont fait le choix d'un mariage mixte.
Toutes ces mesures vont finalement plonger des conjoints et des enfants dans la clandestinité, car ils feront tout, naturellement, pour rejoindre leur famille. Ils gonfleront alors les rangs des clandestins, que vous n'épargnez d'ailleurs pas non plus, monsieur le ministre, avec la suppression du mécanisme de régularisation automatique qui éloignera la possibilité, pour un clandestin installé en France depuis dix ans, d'obtenir un titre de séjour. Les situations de détresse vont se multiplier.
Une fois de plus, je le constate, la précarité est au coeur de la politique gouvernementale ; une fois de plus, la répression sert de boussole. Ces mesures ne feront que marginaliser les immigrés déjà installés, sans pour autant dissuader les plus déshérités de vouloir gagner des pays comme le nôtre, qui font tout de même toujours figure d'eldorado.
Dans un monde globalisé, la priorité, pour limiter l'immigration, me semble être plutôt de mettre en oeuvre une politique ambitieuse de coopération, à l'échelon européen autant que possible. Il faut encourager véritablement le codéveloppement pour aider les pays pauvres à l'être moins, et les peuples opprimés à se libérer. Dans cette optique, il est nécessaire de s'interroger sur la façon de préserver la dignité de l'homme au regard des mouvements migratoires.
Plutôt que d'essayer de contrôler ce qui est incontrôlable, il nous faut trouver les moyens d'une bonne politique d'intégration, où l'humanisme prendrait le pas sur les craintes et les égoïsmes. Restons fidèles aux valeurs de notre République, que je ne retrouve pas dans toutes les dispositions de ce projet de loi.