Selon M. le ministre d'Etat, l'immigration choisie consiste à relancer une forme d'immigration de travail.
Le dispositif qui nous est soumis précarise un peu plus les travailleurs étrangers ; il les soumet à l'arbitraire le plus inacceptable.
De plus, la politique de quotas déguisés sera inefficace. L'expérience a montré, en Allemagne et en Espagne, que les politiques de quotas sont inopérantes.
Les quotas de travailleurs qualifiés ne sont jamais atteints et ceux des travailleurs non qualifiés créent un appel d'air qui débouche sur un afflux d'immigrés clandestins.
Inefficaces, les politiques de quotas témoignent surtout d'une vision de l'homme que nous rejetons avec force.
Le projet de loi introduit une distinction insupportable entre les étrangers économiquement profitables et toute la misère du monde, qu'on ne peut assumer. Mais, souvent, on oublie la suite de la phrase de Michel Rocard : la France doit prendre fidèlement sa part de cette misère !
Qu'en est-il, en effet, des talents et compétences des autres migrants ?
L'immigration choisie, c'est l'aveu d'une conception de l'individu réduit à sa force de travail et à sa rentabilité.
L'immigration choisie, c'est aussi une nouvelle insulte qui est faite à tous les demandeurs d'emploi, français ou étrangers.
Dans une conjoncture de chômage de masse, alors même que la jeunesse vient de hurler son désir de travailler dans des conditions normales, M. le ministre d'État nous explique que la France manquerait de bras et de cerveaux !
Ce projet de loi est le symbole des choix du Gouvernement : renoncement à offrir aux jeunes des formations en adéquation avec le marché du travail ; choix de ne pas mener de réelle politique de l'emploi et de la croissance ; choix de ne pas intégrer les jeunes Français issus de l'immigration, qui souffrent de discriminations à l'embauche, au logement, et jusque dans leurs loisirs ; renoncement également à l'ambition de renforcer la place de la France dans le monde, puisque le Gouvernement a déjà, par circulaire, durci les critères d'admission des étudiants étrangers.
L'immigration choisie se fera au détriment de ceux qui sont considérés comme des mauvais immigrés. Elle se fera également au détriment des Français, puisque, sous prétexte de lutter contre les mariages blancs, M. le ministre d'État jette le soupçon sur tous les couples mixtes. Il fait du droit d'asile une coquille vide. Il vide de son sens le regroupement familial. Après l'entreprise sans usine et l'usine sans ouvriers, M. le ministre d'État est en train d'inventer l'immigré sans famille !
Ce projet de loi généralise également l'arbitraire administratif via la remise en cause du cadre légal des régularisations. Un étranger pourra se voir retirer un titre de séjour si l'administration estime qu'il ne répond plus aux critères.
En imposant la possession d'un visa de long séjour comme condition préalable à l'obtention de tout titre de séjour, sous prétexte de double contrôle, M. le ministre d'État va plus loin : il institue un double risque pour les étrangers, un double arbitraire, qui n'est pas sans rappeler la double peine qu'il a prétendu abolir, mais qui subsiste dans les faits.
De plus, dans une circulaire qui organise une véritable traque aux étrangers irréguliers, il précise, avec un cynisme incroyable, comment piéger les requérants au droit d'asile ou à un titre de séjour dans les préfectures ou à leur domicile.
Pourtant, les défis ne manquent pas. Les trois enjeux-clés du moment - cohérence des politiques d'immigration, intégration et codéveloppement - sont superbement ignorés.
M. le ministre d'État ne fait rien pour remédier au manque de cohérence des politiques de l'immigration et aux lacunes de leur pilotage, comme cela a été souligné par la Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2004. Il obscurcit même les procédures en multipliant les titres de séjour et en laissant à la discrétion de l'administration des décisions qui ont une incidence sur la vie de familles entières.
Le deuxième enjeu, plus important encore, comme nous l'ont montré les émeutes de novembre dernier, c'est l'intégration.
Ce texte s'intitule : « Projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ». Ce devait être de l'ironie de la part de M. le ministre d'État, puisque nous ne voyons nulle trace d'une volonté d'intégration.
La généralisation du contrat d'accueil et d'intégration n'est pas mauvaise en soi, mais elle n'est que poudre aux yeux eu égard aux enjeux réels de l'inclusion des immigrés. Comment oser parler d'intégration quand aucun dispositif d'accompagnement n'est prévu pour la formation, l'emploi ou le logement ?
En précarisant les parcours de séjour des étrangers en France et en ne prenant pas de mesures d'envergure de lutte contre les filières d'immigration clandestine, la politique du Gouvernement entraîne notre pays dans le sens inverse. Et il y a malheureusement fort à parier que se créera ainsi un regain d'immigration clandestine.
Enfin, en tentant d'accaparer la matière grise des pays en développement, le Gouvernement ne fait qu'accroître le pillage des ressources humaines de pays déjà plongés dans les plus grandes difficultés.
En stigmatisant une fois de plus les immigrants avant une échéance électorale, M. le ministre d'État persiste donc dans sa volonté de diviser la société française. Cette loi est symbolique de ses conceptions ultralibérales, peu soucieuses de la dignité humaine. M le ministre d'État subordonne les droits de l'homme à la conjoncture économique. Pour la seconde fois en trois ans, il accentue la répression sur les étrangers, alors même que les décrets d'application de sa précédente loi n'ont pas tous été pris. C'est la preuve que cette nouvelle législation n'est pour lui qu'un outil de communication politique.
Ce projet de loi est inhumain, et il ne vise qu'à alimenter les peurs et les fantasmes, voire à détourner les inquiétudes des Français de leur vraie cause, c'est-à-dire l'échec patent de la politique du Gouvernement !