Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est jamais facile de débattre publiquement des conditions dans lesquelles nous accordons ou nous refusons l'entrée dans notre pays. Notre tendance naturelle est évidemment d'accueillir, de nous ouvrir, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de pauvres et de démunis.
Et pourtant, nous savons bien que nous ne pouvons pas accueillir tous ceux qui se présentent alors qu'il n'y a pas de travail pour tous les Français.
Faire une différence entre le compatriote et l'étranger, c'est naturel. Ce n'est pas de la xénophobie, à condition, bien sûr, que les critères mis en avant soient exempts de racisme.
Puisque nous ne pouvons pas recevoir tous ceux qui demandent à venir vivre et travailler chez nous, il faut choisir dans la clarté. C'est la tradition de la République.
Je lisais récemment la remarquable biographie que M. Salomon Malka a consacrée à Emmanuel Lévinas, ce grand philosophe français né en Lituanie il y a exactement cent ans. Voici ce qu'il écrit : « En ces années d'entre-deux-guerres, la France n'a pas seulement vocation de refuge pour les migrants économiques, politiques, intellectuels venus de l'autre Europe. Et son magistère n'est pas que culturel. Elle représente un modèle d'émancipation et un idéal d'intégration. » Le mot est déjà là. « Devenir français, c'est entrer dans un pacte de langue, de civilisation et de valeurs qu'incarne la République. » C'est bien ce à quoi aspire Lévinas, qui déclare vouloir rejoindre « une nation à laquelle on peut s'attacher par l'esprit et par le coeur, autant que par ses racines ».
L'ambassadeur de France en Lituanie, consulté sur son cas, porte le jugement suivant : « Il résulte tant du dossier que des renseignements verbaux fournis par M. Lévinas qu'il s'agit d'un sujet remarquable. Dans ces conditions, la naturalisation de M. Lévinas présente pour la France un intérêt certain. »
Lévinas avait choisi la France, mais la France l'avait aussi choisi.
L'immigration choisie s'inscrit bien dans la tradition républicaine. Elle ne devrait pas choquer et, pourtant, elle pose problème.
En ma qualité de secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, j'assistais récemment à Ouagadougou à la réunion de son assemblée régionale Afrique. Il y avait là douze délégations de parlements francophones d'Afrique et je dois dire que nous avons eu un débat assez vif. Quand nous voyons dans l'immigration choisie le contraire de l'immigration subie, c'est-à-dire illégale, nos amis africains y voient un tri élitiste, le choix des meilleurs au profit unique de l'ancienne métropole.