Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas s'y tromper, il s'agit là d'une première : que la taxation d'une plus-value puisse alimenter le budget communal, cela est sans précédent dans le système fiscal français.
La disposition présentée découle d'une analyse de la situation foncière en France qui avait été faite par un certain nombre de professeurs et de chercheurs, avant d'être exposée dans le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat : la France présente l'une des plus faibles densités de population en Europe et c'est néanmoins l'un des pays où le problème foncier est le plus grave. Avouons-le, cela est paradoxal !
Quand on examine de près les choses, on constate que, alors que des terrains sont disponibles, tout est fait pour qu'ils ne soient pas affectés à la construction.
Premièrement, la fiscalité sur les plus-values est dégressive.
Deuxièmement, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi Besson, aucune autorité publique n'arbitrait au profit du développement du secteur locatif la gestion des terrains appartenant à l'État ou à des organismes parapublics.
Troisièmement, aussi absurde que cela puisse paraître, avant que n'apparaissent les prêts sur cinquante ans de la Caisse des dépôts et consignations, il n'était pas possible de financer des acquisitions de foncier sans financer en même temps une opération d'aménagement.
Quatrièmement, la taxe sur le foncier non bâti était presque inopérante ou quasiment inexistante.
Par conséquent, jusqu'à présent, eu égard à la rareté des terrains, le choix rationnel, pour une commune, n'était pas forcément de rendre ceux-ci constructibles, d'autant que la taxe locale d'équipement avait un rendement très faible et qu'aucune participation à la plus-value n'était prévue en sa faveur, tandis qu'elle devait supporter les coûts inhérents à l'accueil de nouveaux habitants.
Dans ces conditions, tous les éléments d'une crise du foncier étaient en place, en dépit de la bonne volonté des uns et des autres, et je laisse de côté le fait que les riverains des terrains disponibles préfèrent que l'on y réalise des espaces verts plutôt que de nouveaux logements. De même, je passe sur les complications liées à l'application d'un certain nombre de dispositions relatives, en particulier, au coefficient d'occupation des sols.
Il y a donc tout un ensemble de mesures qui constitue, à mon sens, une révolution foncière.
À cet égard, je ne reviendrai pas sur les prêts sur cinquante ans de la Caisse des dépôts et consignations, que j'ai évoqués à l'instant, ni sur la mobilisation de terrains appartenant à l'État pour permettre la réalisation de 20 000 logements en trois ans. Je relèverai plutôt que vous avez voté hier une réforme à la fois de la taxe locale d'équipement et de la taxe sur le foncier non bâti, qui incitera les propriétaires à envisager de céder leurs terrains.
Au-delà, il convenait d'élaborer un dispositif permettant que la cession d'un terrain devenu constructible soit une opération profitable au propriétaire comme à la collectivité territoriale concernée. Un énorme travail a été mené à cette fin, d'abord par la mission parlementaire, puis au cours d'entretiens que nous avons eus pendant l'été et au sein de la commission. Des échanges avec le ministère des finances ont bien entendu été également nécessaires, je ne vous le cache pas, avant que nous puissions déboucher sur cette avancée conceptuelle que représente la création d'une taxe sur les plus-values liées à la cession de terrains rendus constructibles, dont le produit sera affecté non pas au budget de l'État, mais directement au budget communal, ce qui est justice.
Je pense que, grâce à cette innovation, nous allons atteindre un équilibre « gagnant-gagnant », ce qui permettra une reprise de la construction de logements dans ce pays. Il s'agit d'ailleurs davantage, dans l'esprit, d'un partage de la plus-value que d'une taxation.
On peut certes débattre du taux à retenir, mais il convient de sauvegarder l'équilibre. Le taux prévu est très inférieur à ce qui se pratique dans des pays qui ont toujours appliqué une taxe de cette nature, mais il s'agit d'une telle révolution dans le nôtre que je vous demande instamment, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas aller au-delà de la proposition de la commission. Il faut bien avoir conscience de la portée du dispositif au regard de la fiscalité, du droit de la propriété, des finances locales.
En outre, je voudrais souligner que le texte de la commission repose sur le principe du respect de la libre administration des collectivités territoriales puisque, dans l'hypothèse où le dispositif se révèlerait localement peu applicable ou inapplicable, voire contre-productif, le conseil municipal pourra décider de ne pas le mettre en oeuvre. La commune pourra donc vraiment conduire sa politique d'urbanisme en toute liberté.
Par ailleurs, monsieur Delfau, l'exonération du prélèvement que vous prévoyez, avec l'amendement n° 286 rectifié bis, au bénéfice du cédant ayant édifié sa résidence principale sur le terrain faisant l'objet de la plus-value n'est pas pertinente puisqu'il s'agira, par hypothèse, d'un terrain nu.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 280 rectifié bis et la possibilité d'attribuer le produit de la taxe aux EPCI ayant compétence en matière d'urbanisme, je ne puis y être favorable.
Tout d'abord, monsieur Delfau, adopter cette proposition risquerait de compliquer le dispositif et de provoquer des tensions.
Surtout, il ne s'agit pas ici d'un accompagnement de la délégation aux EPCI de la compétence en matière d'urbanisme ; il s'agit du financement d'équipements communaux, de bureaux d'aide sociale, d'infrastructures d'accompagnement scolaire et d'encadrement des enfants pendant les vacances, bref de toutes les charges qu'entraîne, pour une commune, l'arrivée de nouveaux résidents sur son territoire.
C'est pourquoi je crois vraiment préférable, pour des raisons de simplicité et du fait de la nature même de la taxe, que le produit de celle-ci soit versé exclusivement à la commune.
En résumé, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 46 rectifié, et défavorable aux autres amendements, ainsi qu'aux deux sous-amendements.