Intervention de Nicolas About

Réunion du 12 février 2007 à 15h00
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Nicolas AboutNicolas About, rapporteur :

Sur d'autres aspects du texte, en revanche, l'Assemblée nationale s'est écartée du schéma que nous avions retenu.

Certaines fois, après y avoir bien réfléchi, je crois que c'est à bon escient.

Par exemple, la position de l'Assemblée nationale sur la dispense automatique de l'obligation alimentaire pour les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial, ainsi que pour les enfants adoptés sous le régime de l'adoption simple à l'égard de leurs parents naturels, me paraît raisonnable.

De même, nous avions imposé aux établissements accueillant des mineurs de s'organiser en unités de vie distinctes, pour regrouper les enfants en fonction du motif de leur placement, afin d'assurer leur sécurité. Ici encore, à la réflexion, la solution de l'Assemblée nationale me paraît convaincante : elle consiste à assigner à ces établissements une obligation de résultat, libre à eux de s'organiser comme ils le souhaitent pour la remplir.

Je serai plus réservé sur d'autres sujets, sur lesquels l'Assemblée nationale a été peut-être trop audacieuse.

Elle a, par exemple, et même si j'y suis favorable, étendu les possibilités de saisine du Défenseur des enfants. N'y a-t-il pas là, monsieur le ministre, un risque d'engorgement de cette institution ? En tous les cas, il vous faudra accorder à cette dernière plus de moyens afin de lui permettre de faire face à toutes les demandes.

De même, l'Assemblée nationale a prévu que l'enfant pourrait refuser d'être entendu par le juge. J'avoue ma perplexité devant une telle exception au principe, jusqu'ici universel, selon lequel nul ne peut refuser de déférer à une convocation du juge. D'un côté, je comprends qu'il vaut parfois mieux éviter à l'enfant d'avoir à prendre parti entre ses parents - on ne le lui demande d'ailleurs pas -, mais, d'un autre, je crains qu'il ne soit trop facile, pour le parent qui assure la garde de l'enfant, de faire pression sur ce dernier pour qu'il refuse de rencontrer le juge. Il faut, à mon avis, en revenir au principe et supprimer cette disposition nouvelle.

Plus grave encore est, à mon sens, l'idée d'introduire un troisième cas de saisine du juge des enfants, qui s'ajouterait au cas d'échec des mesures administratives et au cas de refus manifeste des parents de collaborer avec le service de l'aide sociale à l'enfance : il s'agit de l'hypothèse du danger grave et manifeste pour l'enfant.

Je vois dans cette innovation un risque de confusion. Comment, en effet, distinguer le danger « grave et manifeste » du danger « normal » ? Et même si l'on arrivait à définir cette notion, ces situations doivent-elles conduire automatiquement à saisir le juge ?

Cette disposition a pour origine, me semble-t-il, un malentendu sur l'étendue des pouvoirs respectifs du président du conseil général et du juge : tous deux disposent en réalité des mêmes outils de protection - placement et action en milieu ouvert - et de la même capacité à agir en cas d'urgence. La seule véritable différence tient au fait que le juge peut obliger des parents à se plier à la mesure, là où le président du conseil général doit obtenir leur accord.

Pour éviter cette difficulté, je vous proposerai une autre rédaction de cette disposition. Nous en reparlerons au moment de la discussion des articles.

À cet instant de mon propos, permettez-moi de m'arrêter un temps sur les nouvelles mesures introduites dans le texte par l'Assemblée nationale pour traduire certaines des propositions émises par la commission d'enquête sur les sectes, qui a rendu ses conclusions en décembre 2006.

En effet, cette commission a montré que l'instruction à domicile, l'enseignement à distance et le soutien scolaire peuvent être instrumentalisés par les adeptes de ces mouvements pour couper les jeunes du monde extérieur. Je connais bien ce sujet, car je suis à l'origine de la loi tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Cette exclusion emporte des conséquences non seulement sur la socialisation des enfants, mais aussi sur leur santé quand ils sont soustraits aux dispositifs de suivi par la médecine scolaire et que leurs parents leur imposent des modes de vie parfois dangereux d'un point de vue sanitaire.

L'Assemblée nationale a donc ajouté au texte, et c'est une initiative bienvenue, un titre entier consacré à l'enseignement.

Toutefois, plusieurs rédactions demandent à être corrigées, car, si l'intention est excellente, le résultat risque d'être inverse à celui qui est recherché. C'est le cas pour l'organisation pratique de l'instruction à domicile qui, en l'état, est plus permissive que ne l'autorise la jurisprudence ; c'est aussi le cas pour la définition des exigences requises en matière de qualification et de moralité des directeurs des organismes privés d'enseignement à distance, qui sont en recul par rapport au droit actuellement en vigueur.

Sur ces deux points, comme sur celui qui traite des sanctions pour refus de vaccination des enfants, je vous proposerai donc, mes chers collègues, des amendements pour rendre ces dispositions plus efficaces.

En définitive, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale est globalement satisfaisant. Il conforte les objectifs assignés à la protection de l'enfant par le Gouvernement et approuvés par le Sénat en première lecture ; il complète utilement le projet de loi, en particulier dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires.

L'entrée en vigueur de ce texte est attendue avec impatience par les professionnels de la protection de l'enfance, qui ont largement contribué - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - à son élaboration. Il leur appartiendra de faire évoluer les pratiques professionnelles et de construire une culture partagée, indispensable à la fluidité du dispositif de signalement et de prise en charge des enfants en danger mis en place par ce texte.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous propose d'adopter ce projet de loi, complété par les amendements que je vous présenterai au nom de la commission des affaires sociales.

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