Intervention de Guy Fischer

Réunion du 12 février 2007 à 15h00
Protection de l'enfance — Article 6

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Cet amendement, comme d'ailleurs le suivant, vise à encadrer la possibilité donnée au juge, par l'Assemblée nationale, de prononcer le placement de l'enfant pour une période indéterminée lorsque les parents présentent des difficultés chroniques affectant durablement leurs capacités à exercer leurs droits parentaux.

On comprend bien quelle logique ont suivie ceux qui ont pris l'initiative de cet ajout : il s'agit de prendre en compte certaines situations particulières dans lesquelles la révision tous les deux ans de la mesure d'assistance éducative apparaît plus comme un inconvénient que comme un avantage. C'est le cas, en particulier, des enfants placés en raison de pathologies psychiatriques chroniques des parents, et alors même que la guérison de ces troubles à moyen, voire à long terme, ne paraît pas envisageable.

Alors que la loi de 2002 a fort heureusement limité les cas de retrait de l'autorité parentale, celle-ci n'est pas transférée à l'ASE. Dès lors, le juge des enfants est mis dans l'obligation de procéder au réexamen de la situation de l'enfant et de celle de sa famille tous les deux ans.

Selon nous, ce délai est très court pour la construction de ces enfants, qui ne peuvent se stabiliser dans une famille d'accueil et donc envisager leur avenir à moyen terme.

Nous proposons donc que le juge puisse, dans ces situations exceptionnelles, prononcer un placement au long cours ; à défaut de précision de durée, ce dernier pourrait aller jusqu'à la majorité, voire jusqu'à vingt et un ans, en cas de difficultés particulières.

Néanmoins, la rédaction de l'article 6, de par la terminologie retenue, aboutit à entretenir un très grand flou, alors que, paradoxalement, les auteurs s'étaient voulus prudents.

Qu'entend-on par « difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques » ? Les critères sont-ils cumulatifs ou alternatifs ? Vise-t-on ici également le cas de parents détenus, qui a été évoqué à l'Assemblée nationale ? Mais la détention est-elle en soi constitutive de difficultés relationnelles et éducatives ?

Il est dit que ces difficultés doivent être « évaluées comme telles dans l'état actuel des connaissances ». Mais en l'état actuel de quelles connaissances : scientifiques, psychiatriques, sociales ?

Par ailleurs, il est précisé qu'elles doivent également « affecter durablement les compétences dans l'exercice de la responsabilité parentale ». De quelles compétences s'agit-il ? La question se pose d'autant plus que certaines d'entre elles ont pu être déléguées ?

Pourquoi parler de responsabilité parentale et non d'autorité parentale ?

Face à ce flou, l'on peut redouter la résurgence de situations dans lesquelles des enfants sont confiés ad vitam aeternam par des parents à l'ASE au titre de l'assistance éducative, situation pourtant dénoncée encore récemment par le législateur et qui avait justifié, je le rappelle, la facilitation de la déclaration judiciaire d'abandon dans le cadre de la loi portant réforme de l'adoption, afin de rendre ces enfants plus facilement adoptables.

C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'encadrer plus strictement le mécanisme en limitant à cinq ans le temps pendant lequel l'enfant est confié à l'assistance éducative, sans réexamen de sa situation.

Il nous a effectivement semblé indispensable de prévoir un réexamen du juge aux périodes charnières de la vie que sont l'enfance, la préadolescence, l'adolescence et la majorité, tant il est vrai que le juge doit pouvoir réexaminer régulièrement la pertinence de la réponse éducative.

J'ajouterai que l'absence totale de délai dans le texte actuel me paraît en contradiction avec les droits des parents en matière d'assistance éducative tels qu'ils figurent dans le décret de 2002 et la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, ces derniers ne pouvant être associés de façon contradictoire aux décisions concernant l'enfant.

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