Les délais extrêmement courts dont nous disposons ne peuvent que nuire à la qualité de nos travaux. J'espère néanmoins que la navette parlementaire nous permettra de progresser.
Nous nous voyions imposés, hier, un calendrier parlementaire très chargé, prévoyant l'examen de nombreux textes, ce qui nous a contraints à étudier en un seul jour le projet de loi, le rapport et les amendements.
Nous subissons aujourd'hui les bouleversements de l'ordre du jour, qui témoignent des grandes difficultés que rencontre le Gouvernement, notamment sur la question des organismes génétiquement modifiés, les OGM, à propos desquels le Président de la République vient d'invoquer la clause de sauvegarde.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est très important puisqu'il concerne la régulation et le contrôle des opérations spatiales, c'est-à-dire de « toute activité consistant à lancer ou tenter de lancer un objet dans l'espace extra-atmosphérique ou à assurer la maîtrise d'un objet spatial pendant son séjour dans l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, ainsi que, le cas échéant, lors de son retour sur Terre », selon la définition qui se trouve dans ce projet de loi.
Historiquement, l'État a longtemps exercé l'activité de contrôle sur les activités spatiales, parce qu'il était, par l'intermédiaire du CNES, le premier actionnaire d'Arianespace, le maître d'oeuvre du lanceur Ariane et l'actionnaire de nombreuses entités créées pour commercialiser les utilisations des satellites. Dans un tel contexte, il ne semblait pas forcément nécessaire de se doter d'un arsenal juridique pour établir un certain nombre de règles contraignantes à destination d'opérateurs majoritairement publics. Les traités et conventions internationaux définissaient, quant à eux, un certain nombre de règles internationales.
La nécessité s'est fait ressentir avec l'explosion du marché des télécommunications et de la télévision par satellite. Le contexte de déréglementation et de privatisation, qui n'a épargné aucun des secteurs économiques, a également entraîné la dilution des participations de l'État dans le capital des différents opérateurs intervenant dans ce domaine. Cela s'est traduit de fait par un affaiblissement du rôle de l'État et du contrôle qu'il exerçait sur les opérations spatiales, dont il avait, pour ainsi dire, le monopole.
Pour ces raisons, le vice-président du Conseil d'État faisait voilà peu la remarque suivante : « Du point de vue des opérateurs, il est impératif de bénéficier d'un environnement où la sécurité juridique est garantie. [...] Du point de vue de l'État, il est en outre indispensable de s'assurer la capacité de contrôler les opérations spatiales, alors même qu'elles ont vocation, de plus en plus, à être exercées par des acteurs privés, dans le cadre d'activités commerciales et sur un marché concurrentiel. »
Force est de reconnaître que de nombreuses entreprises privées - Eutelsat, Astra... - ou semi-publique - Arianespace - agissent dans l'espace pour fabriquer des satellites, lancer des fusées... Les opérations de lancement se multiplient et ont tendance à se banaliser, tandis qu'apparaissent des opérateurs low cost.
Dans ce nouveau contexte de déréglementation et d'essor d'opérateurs privés, le risque d'accidents augmente, comme l'a souligné M. le rapporteur. Alors que, dans un tel secteur, les dommages causés aux personnes et aux biens peuvent être très importants, la responsabilité financière de l'État sur le territoire duquel il a été procédé au lancement demeure engagée, d'après les règles internationales.
Le projet de loi a donc pour but de prévoir l'instauration d'un régime d'autorisation permettant à la France d'assurer le contrôle sur les activités spatiales, d'obliger les opérateurs à apporter les garanties financières nécessaires, même si elles sont plafonnées, et de limiter ainsi la responsabilité de l'État.
Si le contenu de ce projet de loi semble, de prime abord, assez consensuel, il n'en demeure pas moins que deux principales observations peuvent être formulées.
En premier lieu, ce projet de loi contient un grand nombre de décrets sur le contenu desquels nous ne disposons guère d'informations à l'heure actuelle. Et M. le rapporteur s'apprête même à en prévoir d'autres par voie d'amendements. Toutefois, leur objet aurait, semble-t-il, été négocié avec quelques industriels et serait suffisamment souple pour donner toute satisfaction à ces derniers... Comme je l'ai fait remarquer au début de mon propos, la commission des affaires économiques n'a pas eu l'occasion d'organiser les auditions nécessaires.
Pourtant, monsieur le rapporteur, j'observe que vous présentez à l'article 4 un amendement qui tend à assouplir encore le régime d'autorisation, en mettant en place un régime de licence valant autorisation. Autant dire qu'un pas supplémentaire serait ici franchi, puisque la banalisation du régime d'autorisation entraînerait la suppression de toutes les contraintes pesant sur les opérateurs. Mais nous y reviendrons lors de l'examen de cet amendement.
En second lieu, vous consacrez dans votre rapport, et je m'en félicite, un passage au rôle premier et historiquement moteur qu'a joué le CNES en matière de politique spatiale. Force est de reconnaître que c'est surtout grâce à cet acteur que la France a pu se hisser au rang de troisième puissance spatiale mondiale et de première puissance spatiale européenne.
Ainsi pouvons-nous être fiers des belles réussites qui doivent être portées à l'actif du CNES, et ce dès le milieu des années soixante, comme le lancement de la fusée civile Diamant A et du satellite Astérix.
On ne peut donc que se féliciter du rôle particulier qu'a joué le CNES par le passé, notamment en favorisant la promotion d'une véritable politique de coopération au sein de l'Europe, en oeuvrant pour la création en 1975 de l'Agence spatiale européenne - madame la ministre, je préfère le sigle ASE à celui d'ESA, lorsque nous sommes au Sénat -...