Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 16 janvier 2008 à 15h00
Opérations spatiales — Adoption d'un projet de loi

Valérie Pécresse, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'essaierai de répondre de manière très exhaustive à vos différentes interventions. Même si le projet de loi vous a été soumis dans des délais très courts, ce fait ne nous empêche pas d'approfondir tous les points évoqués.

Je commencerai par répondre à une question formulée par nombre d'entre vous. La réglementation qui vous est aujourd'hui proposée devra être harmonisée au niveau européen. Comme cela a été souligné, la Belgique, l'Allemagne et le Royaume-Uni se sont déjà dotés d'une telle réglementation. Il importe que, dans les prochaines années, l'Union européenne soumette un cadre juridique commun à tous ses États membres, de telle sorte que nous n'assistions pas à un chantage à la délocalisation des entreprises du secteur spatial au sein de l'Union européenne. C'est avec un cadre juridique unifié que nous pourrons construire l'Europe de l'espace, position que soutiendra la prochaine présidence française de l'Union européenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également évoqué - c'est un sujet connexe - la question de la gouvernance de l'espace au niveau européen, en particulier la dualité entre l'Agence spatiale européenne et l'Union européenne qui prennent, l'une et l'autre, des initiatives dans le domaine de l'espace. Comme vous l'avez fort justement fait remarquer, la composition de ces deux institutions diffère. Seuls quinze États membres de l'Union européenne sur vingt-sept participent à l'Agence spatiale européenne, auxquels il faut ajouter la Norvège et la Suisse.

Toutefois, il faut souligner que les États membres de ces deux institutions se rencontrent tous les dix-huit mois au sein du conseil Espace qui a décidé, en 2005, que l'Agence spatiale européenne se chargerait du développement des nouvelles solutions spatiales, alors que l'Union européenne s'intéresserait plus aux infrastructures spatiales de long terme, comme Galileo dont nous avons parlé, ainsi qu'aux applications de ces infrastructures.

En 2007, les bases d'une véritable politique spatiale européenne ont été jetées, sous la présidence allemande de l'Union. Elles sont reprises dans le traité de Lisbonne.

Mais nous devons aller plus loin. C'est pourquoi je réunirai à Kourou, sous la présidence française de l'Union européenne, les ministres européens chargés de l'espace afin qu'il soit clairement marqué que l'espace figure à l'agenda politique de l'Union européenne. Cette réunion sera une occasion unique de fixer une véritable vision pour l'Europe de l'espace, de définir une réelle gouvernance de l'espace au niveau européen, en particulier les articulations entre l'Agence spatiale et l'Union.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez interrogée sur le rôle exact que le projet de loi attribuera au CNES. Je rappelle que la réglementation, une fois ce texte adopté, sera arrêtée par le ministre chargé de l'espace et non par le CNES lui-même, contrairement à ce que certains semblent croire aujourd'hui.

Bien sûr, pour la définition de cette réglementation, le CNES mettra au service de l'État sa compétence en matière d'expertise. L'Histoire a montré qu'il en avait la capacité. De surcroît, cette compétence est reconnue par tous en France, en Europe et dans le monde entier, puisque la NASA se demande comment le centre spatial de Kourou peut avoir un tel niveau technique avec si peu de personnel.

Mais il ne faut pas non plus négliger la très grande expertise des industriels français - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur -, qu'il s'agisse des constructeurs ou des opérateurs de lancement ou de satellite. Sur certains sujets, les opérateurs ont même une plus grande expérience que le CNES, en particulier pour ce qui concerne le maintien en orbite des satellites géostationnaires, c'est-à-dire, la plupart du temps, les satellites de télécommunication.

Il est donc évident que la réglementation sera écrite à plusieurs mains et que la concertation, déjà engagée sur le projet de loi et sur les avant-projets de décret, sera poursuivie tout au long du processus de rédaction des arrêtés d'application du projet de loi soumis aujourd'hui à votre examen.

Par ailleurs, la question de l'application immédiate du projet de loi inquiète les opérateurs. Il est vrai que, jusqu'à présent, leur activité n'était soumise à aucune réglementation. Je m'engage par conséquent à ce que les délais d'application des décrets soient compatibles avec ceux dont les différents opérateurs auront nécessairement besoin pour préparer leur demande d'autorisation, comme l'administration pour délivrer lesdites autorisations. À ce jour, un délai d'un an est proposé.

Les contrats déjà signés, en particulier ceux qui concernent les lancements effectués depuis l'étranger, ne seront pas soumis à autorisation, car faire peser un doute sur un contrat déjà signé est le pire que peut redouter un industriel. Le projet de loi a d'ailleurs bien pour objet de proposer un cadre clair et précis et non d'entraîner de nouveaux risques juridiques pour les opérateurs.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez interrogée sur les pièces qui doivent être produites lors d'opérations conduites depuis l'étranger. La loi doit être applicable et simple. Par conséquent, nous ne demanderons pas aux opérateurs de fournir des documents qu'ils sont dans l'impossibilité de présenter. De surcroît, l'État ne serait pas en mesure d'obtenir certains documents confidentiels de ses partenaires. Il lui appartiendra donc de prendre les dispositions nécessaires pour s'assurer que sa garantie ne sera pas mise en jeu dans des conditions inacceptables.

Monsieur Christian Gaudin, vous avez évoqué, avec raison, la complémentarité entre les missions spatiales et la recherche polaire. Les régions polaires, étant donné les conditions météorologiques qui y règnent, sont un site particulièrement indiqué pour l'observation de l'espace et un lieu d'expérimentation pour les systèmes spatiaux. C'est enfin un lieu où les mesures sont indispensables pour confirmer et compléter celles qui sont effectuées depuis l'espace, en particulier en matière de changement climatique.

Vous avez également visé la dette contractée par la France auprès de l'Agence spatiale européenne depuis plusieurs années qui, selon vous, ne pourra pas être remboursée d'ici à la fin de l'année 2010. Si je comprends vos interrogations, je ne peux aujourd'hui préjuger la conclusion de la réunion des ministres des États membres de l'Agence spatiale européenne qui se déroulera à la fin de cette année.

De plus, la gouvernance et le financement des programmes spatiaux européens à long terme seront examinés tout au long de la présidence française de l'Union européenne au second semestre. C'est donc dans un nouveau contexte que la question importante du règlement de la dette de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne sera étudiée, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2009.

Enfin, monsieur le sénateur, vous appelez de vos voeux une information complète du Parlement au sujet des seuils de garantie de l'État en cas de sinistre prévus aux articles 16 et 17 du projet de loi. Bien évidemment, le Gouvernement vous apportera tous les éléments nécessaires à la bonne compréhension de cette question et vous fera part des méthodes de comptabilisation de ce risque au sein du budget de l'État.

MM. Danglot et Raoul ont regretté les délais courts imposés pour l'examen de ce projet de loi, initialement prévu à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février. L'important - je crois que nous pouvons tous en être d'accord, dans cet hémicycle -, c'est que le texte soit examiné. C'est aussi, et surtout, l'excellence du travail réalisé par la commission des affaires économiques, point qui a d'ailleurs été souligné par les différents intervenants.

Je ferai également remarquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, l'urgence n'ayant pas été déclarée, le Sénat examinera à nouveau ce projet de loi en deuxième lecture. Nous aurons par conséquent le temps de l'améliorer encore.

Monsieur Danglot, vous m'avez demandé quelle autorité administrative serait compétente pour donner les autorisations. Ce sera le ministre chargé de l'espace.

Vous vous êtes également ému de la baisse du chiffre d'affaires du secteur spatial et du budget du CNES. La baisse susvisée depuis 2000 est surtout due à l'explosion de la bulle Internet. Mais, depuis deux ans, le marché est reparti.

Concernant le budget du CNES, sachez que le contrat pluriannuel 2005-2010 a donné pour la première fois au CNES une visibilité à moyen terme. Ainsi, sa subvention du CNES augmente de 1, 5 % par an. La participation de la France à l'Agence spatiale européenne est maintenue sur cette période.

Je veux également saluer en cet instant le redressement exceptionnel du CNES depuis 2005, sous l'impulsion de son président, Yannick d'Escatha. Du fait d'une bonne gestion, l'argent du CNES est mieux dépensé. Ses moyens s'en trouvent ainsi décuplés.

Monsieur Gournac, vous avez posé la très importante question de la surveillance de l'espace. Il est vrai que les opérateurs français et européens sont aujourd'hui dépendants de moyens d'observation américains pour ce qui concerne la sécurité de leurs opérations. Un projet visant la mise en oeuvre de moyens de contrôle de l'espace au niveau européen est en cours de préparation. Il devrait prochainement être proposé à l'Agence spatiale européenne et à l'Union européenne.

Monsieur Fournier, je vous remercie d'avoir souligné la nécessité du projet de loi et la pertinence des amendements proposés par la commission des affaires économiques sur lesquels, je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement émettra un avis favorable.

Monsieur Raoul, vous avez manifesté de l'inquiétude à propos des décrets d'application. En fait, il n'y aura pas de décret supplémentaire. Mais, au lieu d'un décret unique pour tout le projet de loi, le rapporteur propose de recourir à un décret pour chaque article, là où ce sera nécessaire. Cela permettra une application plus rapide de la loi.

En ce qui concerne les licences, l'amendement de la commission ne vise pas à remettre en cause le régime d'autorisation institué par le projet de loi, mais à éviter une bureaucratisation inutile. À quoi bon demander à des opérateurs connus et reconnus pour leur sérieux et la qualité de leurs travaux de constituer des dossiers pour chacune des opérations qu'ils souhaitent conduire. Il s'agit donc de tendre vers une simplification administrative et non pas de diminuer les garanties demandées.

Vous souhaitez également savoir, monsieur le sénateur, si le président du CNES aura, ou non, une délégation systématique du ministre pour assumer le contrôle des opérations spatiales.

Contrairement à ce que vous pensez, le CNES gardera le contrôle des opérations spatiales. La commission propose que cette délégation soit mentionnée au sein même du code de la recherche, qui définit les compétences du CNES. En fait, nous déplaçons cette disposition : nous la supprimons de la loi pour l'inscrire dans le code de la recherche. Ce faisant, nous la rendons plus solide et durable.

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