Intervention de Philippe Marini

Réunion du 29 juin 2005 à 17h30
Sauvegarde des entreprises — Discussion générale

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'économie, on le dit souvent, est semblable à un organisme comportant un très grand nombre de cellules. Ces dernières naissent, se développent, certaines connaissent des dysfonctionnements, d'autres meurent, et l'organisme se renouvelle sans cesse. C'est ce que Joseph Schumpeter appelait le « processus de destruction créatrice ».

Hélas, il est des laissées-pour-compte de la vie économique parmi les entreprises : celles qui doivent à un moment donné constater qu'elles ne sont plus viables.

Les défaillances d'entreprises ont probablement approché 50 000 cas en 2004, mais il faut certainement mettre en relation cet ordre de grandeur avec l'essor des créations d'entreprises, qui, notamment depuis 2002, représentent un véritable espoir pour notre économie. Il ne serait pas équitable de ne braquer le projecteur que sur le nombre de procédures collectives ; il faut aussi regarder le solde des créations et des destructions dans ce processus, qui, bien sûr, se poursuit sans cesse.

L'essentiel pour le législateur est de s'assurer que de ce mouvement ne résultent pas de laissés-pour-compte, que les questions sociales, mais aussi les questions d'équilibre entre les créanciers sont traitées de manière réaliste, de manière équitable, dans un sens qui facilite la réactivation de l'économie : tel est notre rôle de parlementaires, que nous exerçons à travers l'examen de générations de textes qui viennent progressivement encadrer ces phénomènes.

Nous est aujourd'hui soumis, monsieur le ministre, un projet de loi qui s'inscrit dans l'évolution de nos économies, qui s'inscrit dans le climat de la globalisation auquel nous sommes confrontés. Ce texte est en même temps fidèle aux catégories, aux concepts, aux raisonnements du droit civil et commercial de notre pays.

C'est une évolution, ce n'est pas une révolution ; c'est une évolution utile, ce n'est pas une réforme globale. Le projet de loi représente un apport supplémentaire : celui, en particulier, de la procédure de sauvegarde, qui peut être considérée comme un redressement judiciaire anticipé et qui a le grand mérite de mettre l'accent sur la prévention des difficultés des entreprises, de faire en sorte que l'on n'attende pas le dernier moment, que l'on n'attende pas de constater la cessation des paiements pour faire participer les différentes parties prenantes à l'examen de la situation et à la mise en place des dispositions qui seront indispensables pour redémarrer, pour autant qu'il soit possible et réaliste de redémarrer.

Notre droit des procédures collectives est complexe, inévitablement. Il le sera un peu plus avec ce nouveau dispositif, qui cependant a sans doute une place à prendre dans la panoplie et qui, je le répète, a le mérite de mettre l'accent sur la prévention et de solliciter toutes les bonnes volontés.

C'est ainsi que se constitueraient des comités de créanciers, témoignant d'une approche de la procédure collective qui serait plus contractuelle, mais qui ne le deviendrait pas totalement. C'est un équilibre que le projet de loi s'efforce de promouvoir : les créanciers représentés dans les comités peuvent aboutir à un règlement, qui doit être avalisé par la juridiction ; celle-ci doit s'efforcer de veiller à ce que le sort de l'ensemble des créanciers, ceux du comité et les tiers, soit abordé de manière équitable ou suffisante.

Ce compromis est sans doute utile, même si l'on peut penser que, dans les années à venir, les facteurs d'évolution seront toujours à l'oeuvre et pourront aboutir à des stades ultérieurs de cette progression du droit.

En ce qui concerne plus particulièrement la commission des finances, monsieur le garde des sceaux, sa saisine pour avis a essentiellement trois fonctions.

En premier lieu, la commission ne peut pas se désintéresser de l'équilibre entre les droits de l'Etat-créancier - il s'agit là des finances publiques - et ceux des autres créditeurs pour rechercher, ce qui est une tâche évidemment difficile et toujours aléatoire, une juste répartition des charges ou des contraintes juridiques résultant du traitement des difficultés des entreprises.

En deuxième lieu, assurant le suivi de la législation bancaire, elle est bien sûr partie prenante d'une législation qui introduit un privilège « de l'argent frais » pour faire en sorte que les apporteurs de fonds continuent d'assumer leur fonction malgré les difficultés économiques de l'entreprise. Elle est également directement intéressée à la pratique de la notion de « soutien abusif », cette notion issue du droit positif et de la jurisprudence qui, pour être bien entendu un guide utile, peut comporter des effets pervers.

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