Intervention de Philippe Marini

Réunion du 29 juin 2005 à 17h30
Sauvegarde des entreprises — Discussion générale

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur pour avis :

L'équilibre doit être trouvé entre la décision de l'établissement financier, que l'on ne saurait exonérer de toutes ses responsabilités, et, par ailleurs, les intérêts légitimes des autres créanciers, peut-être mis en confiance par l'existence, le renouvellement ou l'accroissement d'un crédit. C'est à cet équilibre, toujours délicat, qu'il faut veiller, et sans nul doute, monsieur le garde des sceaux, aurons-nous sur ce sujet dans l'hémicycle un débat intéressant.

Le souci de la commission des finances est que les responsabilités des uns et des autres soient bien clarifiées, soient bien distinguées, et que l'on comprenne les modifications que le projet de loi apporterait quant à la pratique de ces procédures.

En dernier lieu, la commission est bien sûr très attentive aux enjeux économiques de la réforme et à un aspect particulier par lequel je conclurai cette intervention : celui du coût de l'intervention des opérateurs des procédures collectives que sont les mandataires judiciaires ou les administrateurs judiciaires et qui sont financés par une sorte de « prélèvement obligatoire» sur les entreprises en difficulté.

La commission des finances a formulé, sur ce sujet plus particulièrement, une série de propositions. Mes collègues et moi-même sommes attachés au principe de la transparence, et plusieurs de nos amendements visent à apporter une meilleure connaissance des rémunérations des administrateurs et mandataires judiciaires.

Nous ne sommes pas convaincus que le tarif à l'acte, qui continue de prévaloir en ce domaine, soit une solution d'avenir, et nous voudrions voir évoluer ce mode de rémunération. Nous sommes par ailleurs attentifs aux situations trop fréquentes de « consanguinité », d'une certaine façon, entre certaines juridictions et certains mandataires ou administrateurs : nous voudrions y voir plus clair en ce qui concerne tant les désignations que les rémunérations. Il nous semble qu'un progrès peut être fait en la matière, un progrès réaliste, à parts égales en quelque sorte, entre le législateur et le pouvoir réglementaire.

Les études auxquelles nous avons eu accès montrent - et ce n'est pas anormal en soi - que les professions liées au redressement des entreprises bénéficient parfois d'une forte rentabilité. Cette situation, si elle est le corollaire de l'efficacité, n'a pas lieu de choquer en soi : c'est le sentiment, que l'on peut parfois partager, d'une certaine opacité des relations ou des modes de rémunération peu propice à l'atteinte des objectifs qui est susceptible de nous conduire à poser des questions, à formuler des suggestions, à escompter des progrès.

Monsieur le garde des sceaux, on ne peut pas le nier, lorsque les élus que nous sommes, dans leurs départements, se trouvent sollicités par des salariés, par des créanciers, voire par des responsables d'entreprises en difficulté, ils constatent très souvent que les facteurs de problème résident dans la gestion des procédures elles-mêmes ; or leurs interlocuteurs, dans ces domaines, sont les mandataires, les agents désignés par les tribunaux pour gérer les procédures.

Les expériences que nous pouvons ainsi avoir - qui mettent parfois en évidence quelques dysfonctionnements, il faut le reconnaître - nous conduisent à être particulièrement attentifs aux progrès qui doivent être réalisés en la matière, sans naïveté, mais avec le souci de voir évoluer les choses.

A cet égard, nous pensons qu'il est utile de mieux distinguer les fonctions et les responsabilités d'administrateur judiciaire de celles de mandataire. Un administrateur judiciaire est en réalité un chef d'entreprise suppléant, une personne qui, dans une certaine phase de la vie de l'entreprise, doit raisonner en vue de la continuité de celle-ci comme le ferait le chef d'entreprise auquel il se substitue. Ce rôle n'est pas du tout de même nature que celui d'un mandataire, qui gère une sorte de service public, qui gère une procédure pour le compte du tribunal qui l'a désigné. Les modes de rémunération pour des responsabilités économiques aussi différentes devraient à notre avis pouvoir diverger.

En définitive, au moment où l'on modifie les règles du jeu en matière de procédures collectives dans un sens que, de manière générale, nous apprécions, il nous semble difficile - et je traduis là le sentiment de la commission des finances - que ne soit pas posée la question de l'impact de la réforme sur les revenus, sur les modes de désignation, sur les modes de rémunération des différents professionnels que j'ai cités.

Dans un rapport remis en décembre 2004 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, MM. Pierre Cahuc et Francis Kramarz se sont exprimés sur les « professions protégées ». J'y ai relevé deux phrases en particulier, que je me permets de citer : « Chaque réglementation a cependant un coût, surtout lorsqu'elle crée une rente de situation pour ceux qui répondent à ses critères et qu'elle limite l'entrée de nouveaux acteurs. Ce coût peut être économiquement justifié s'il permet un meilleur déroulement des transactions. Ces justifications doivent cependant être périodiquement vérifiées. »

Nous souscrivons à ce jugement et nous souhaitons donc, en ce domaine, faire prévaloir un peu plus de transparence.

Voilà à notre avis, monsieur le garde des sceaux, un enjeu significatif, un enjeu de compétitivité, un enjeu pour la bonne visibilité de notre droit et un enjeu qu'il nous semble possible de relever en conformité avec les objectifs visés par le projet de loi que vous nous soumettez.

Mes chers collègues, en souhaitant que les débats soient particulièrement fructueux grâce au concours des différentes commissions, la commission des finances vous demande d'adopter ce projet de loi en espérant qu'il sera substantiellement amélioré par le résultat de nos délibérations.

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