Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 29 juin 2005 à 17h30
Sauvegarde des entreprises — Discussion générale

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Nous verrons si ces amendements sont votés !

Quant à la possibilité de licencier les salariés, les débats à l'Assemblée nationale ont confirmé nos craintes.

Enfin, toujours à propos de la sauvegarde, il est un dernier point que je souhaite évoquer : les comités de créanciers.

Une fois la procédure de sauvegarde ouverte, le débiteur doit préparer avec l'administrateur judiciaire un projet de plan de sauvegarde, qu'il devra ensuite présenter à deux comités de créanciers. Le premier sera composé des établissements de crédit et le second des principaux fournisseurs.

Un problème se pose ici : les créanciers publics, pas plus que les salariés d'ailleurs, ne sont représentés dans ces comités. Pourtant, ils sont tout autant que les autres créanciers intéressés par la sauvegarde de l'entreprise. La collectivité publique l'est, parce que la disparition d'une entreprise a évidemment des conséquences sur l'emploi ; les salariés le sont aussi, pour la même raison, puisque c'est la sauvegarde de leur emploi qui est en jeu.

Cette absence de consultation des créanciers que sont les administrations fiscale et sociale et les salariés reflète bien l'esprit général de ce projet de loi. En effet, que ce soit dans le cadre de la conciliation ou de la sauvegarde, le texte organise un privilège bancaire exorbitant, en inversant l'ordre traditionnel des créances.

Nous avons déposé des amendements sur ce point, et j'ose espérer qu'ils seront adoptés.

L'inversion des créances est caractérisée par le privilège dit « de l'argent frais ». Ce privilège permet désormais à un créancier privé, bancaire ou autre, qui consent, dans le cadre de l'accord passé avec l'entreprise, un crédit ou une avance d'être payé avant tous les autres - à l'exception des salariés - et avant les créanciers publics.

Que ce soit dans le cadre de la conciliation, de la sauvegarde ou encore du redressement judiciaire, le projet de loi organise le déséquilibre entre les différents partenaires créanciers de l'entreprise. Les administrations fiscale et sociale pourront consentir des remises de dette, alors que les banques pourront sortir de ces procédures avec un renforcement de leurs créances.

Cette nouveauté est particulièrement regrettable, surtout en des temps de déficit public important. Non seulement les charges sociales des entreprises ne cessent d'être allégées, mais en plus, avec ce projet de loi, si les entreprises connaissent des difficultés, les créanciers publics devront renoncer au recouvrement de leurs créances en accordant des remises de dettes.

En revanche, grâce à ce privilège de l'argent frais, les établissements bancaires bénéficient d'une assurance sur le recouvrement des créances qu'ils auront consenties.

Cette situation est inéquitable : en effet, ce qui différencie les banques des autres créanciers, c'est qu'elles font payer à leurs clients le risque qu'elles prennent lors de la création d'une entreprise puis tout au long de son existence, essentiellement par le biais du taux d'intérêt.

Les créanciers publics, au contraire, ne font pas payer cette prise de risque, alors qu'ils en assument tout autant, voire davantage, toutes les conséquences. En cas de difficultés rencontrées par une entreprise, ce sont eux qui paient indemnités et ASSEDIC en prélevant les comptes sociaux.

Enfin, monsieur le garde des sceaux, les faillites des entreprises mettent en jeu d'autres intérêts que ceux du débiteur et de ses créanciers, puisqu'elles ont des répercussions directes sur l'emploi, les salariés et la collectivité. C'est pourquoi nous estimons nécessaire de renforcer la place et le rôle des salariés et de leurs représentants dans la tentative de sauvegarde de leur entreprise. Ils doivent pouvoir jouer un rôle d'alerte et de prévention des difficultés au même titre que le chef d'entreprise. Nos amendements tendaient à cette fin, mais ils ont été, hélas ! repoussés par la commission des lois.

Quelle est l'ambition réelle de ce projet de loi ? Permettre la détection des difficultés des entreprises le plus rapidement possible, afin de maintenir leur activité et l'emploi par un traitement approprié, ou bien faciliter les réorganisations d'entreprises et faire de l'emploi la variable d'ajustement de la restructuration de ces entreprises ?

Nous craignons, hélas ! que ce ne soit cette dernière option qui soit retenue, et c'est pourquoi nous ne soutiendrons pas ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion