Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 29 juin 2005 à 17h30
Sauvegarde des entreprises — Discussion générale

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre assemblée est un texte attendu - même si ce n'est pas une révolution, comme l'a dit M. Badinter - qui s'inscrit dans un contexte particulier. En effet, notre législation en matière de droit des entreprises en difficulté est aujourd'hui obsolète puisqu'elle se fonde essentiellement sur les lois de 1984 et 1985, qui avaient été votées à l'époque dans un contexte de nationalisations.

La situation est particulière puisqu'il y a eu changement de gouvernement. Or, monsieur le garde des sceaux, quoique préparé par votre prédécesseur - je tiens au passage à rendre hommage à son travail ainsi qu'à celui de la Chancellerie -, ce texte s'inscrit parfaitement dans la politique prioritaire de défense de l'emploi du nouveau gouvernement de M. Dominique de Villepin. Au Sénat, nous avons étudié trois textes qui vont bien dans ce sens : le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, dont j'étais rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, le projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, et le projet de loi de sauvegarde des entreprises.

Si la création d'entreprises crée elle-même des emplois, encore faut-il que cette création s'accompagne d'une certaine pérennité. Si le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, notamment grâce à la loi Dutreil I, a permis de dynamiser la création d'entreprises - 320 000 entreprises ont été créées en un an -, force est de constater qu'actuellement la durée de vie d'une entreprise sur deux n'excède pas cinq ans et que 15 % d'entre elles cessent leur activité pour cause de dépôt de bilan. Ainsi, chaque année, 45 000 entreprises déposent le bilan et 150 000 personnes perdent leur emploi à la suite de la faillite de leur employeur.

D'ailleurs, un certain nombre de dispositions de la loi en faveur des PME, qui vient d'être adoptée par le Sénat, visent justement à accompagner les créateurs en les formant pour prévenir ces risques de faillites.

Aujourd'hui, 90 % des procédures collectives se soldent par une liquidation de l'entreprise, car ces procédures ne peuvent être mises en oeuvres légalement qu'après la cessation de paiement, à un moment où l'entreprise n'aura qu'une chance très faible de pouvoir se redresser.

Ce dispositif laisse donc que peu d'espoir de s'en sortir, et ce au détriment de la préservation des emplois dans les entreprises qui sont en proie à des difficultés.

Cela s'explique, entre autres, par l'histoire : l'idée originelle qui sous-tendait le droit des procédures collectives se limitait avant tout à punir le débiteur défaillant.

Dans les anciennes cités marchandes d'Italie, la banqueroute se disait banca rotta, c'est-à-dire le banc rompu : le commerçant ne pouvait plus siéger dans les assemblées de marchands. La faillite dans les affaires signifiait donc une mise à l'index de la société marchande, sans espoir de seconde chance.

Or, aujourd'hui, une seconde chance est donnée au chef d'entreprise en difficulté, mais elle demeure limitée. Il a la possibilité soit d'entamer, après la cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire, soit de tenter de trouver, avant la cessation des paiements, par un règlement amiable avec ses créanciers, une solution à ses difficultés, en faisant intervenir de manière plus souple et confidentielle un conciliateur ou un mandataire ad hoc.

Le présent projet de loi a l'immense avantage d'introduire beaucoup plus de souplesse dans ces procédures, en ne les articulant plus autour de la faillite du débiteur et en privilégiant la négociation et la prévention.

Ainsi, la procédure de règlement amiable est assouplie : il est proposé que cette procédure, désormais appelée « conciliation », puisse être déclenchée même après la cessation des paiements, jusqu'à quarante-cinq jours après celle-ci. Cette mesure a pour objet de favoriser davantage la négociation.

En outre - et il s'agit là de l'innovation la plus importante -, ce projet de loi crée une nouvelle procédure de sauvegarde, qui permettra, de manière préventive, un redressement judiciaire anticipé avant la cessation des paiements, dès que les difficultés de trésorerie deviennent prévisibles.

Cette nouvelle procédure donnera au débiteur la possibilité de rester à la tête de son entreprise, assisté d'un administrateur judiciaire, alors que, dans la procédure actuelle, c'est l'administrateur qui dirige seul l'entreprise. Les poursuites sont provisoirement suspendues, un accord est négocié avec les créanciers les plus importants regroupés en deux comités, puis validé par le tribunal.

En outre, si ces nouvelles procédures ne permettent néanmoins pas de sauver l'entreprise, la procédure de liquidation sera alors simplifiée pour être accélérée.

La procédure est moralisée en adoucissant les poursuites individuelles pour les débiteurs « malheureux », contrairement aux débiteurs « malhonnêtes ».

Enfin, dernière innovation majeure de ce projet de loi, le bénéfice des procédures collectives est étendu aux professions libérales et indépendantes, dans la logique de l'extension de ces procédures aux artisans en 1985 et aux agriculteurs en 1988. La loi en faveur des PME est également étendue aux professions libérales.

Les apports de ce texte sont donc très importants. Plus qu'un simple toilettage, le présent projet de loi a pour objectif une simplification et une amélioration notable des lois de 1984 et 1985.

L'Assemblée nationale a apporté un certain nombre de modifications visant à simplifier la procédure de sauvegarde. Les députés ont ainsi souhaité permettre à l'administrateur judiciaire de proposer une cession partielle d'activité ou un redressement judiciaire, et non plus seulement la liquidation judiciaire, si aucun plan de sauvegarde n'est envisageable.

Les députés ont également aménagé la procédure de conciliation, en maintenant la possibilité d'une procédure plus confidentielle et moins lourde de simple homologation de l'accord par le président du tribunal, sans mesure de publicité du jugement.

L'Assemblée nationale a, en outre, clarifié la procédure de cession, en rétablissant la possibilité d'effectuer une cession totale de l'entreprise, dans le cadre du redressement judiciaire.

Afin de mettre fin aux querelles sur la notion de soutien abusif, les députés ont souhaité fixer des critères clairs et précis en limitant l'engagement de la responsabilité des créanciers aux seuls cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et de prise de garanties disproportionnées.

Enfin, la procédure de sauvegarde initiée à la demande du chef d'entreprise ne pourra pas entraîner à son égard de sanction de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale a été adopté après un important travail de réflexion.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui recueille l'assentiment de la plupart des professionnels concernés et il devrait être utilement complété par les travaux du Sénat, notamment grâce au travail remarquable de nos rapporteurs. Je souligne celui qui a été réalisé par notre collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, sur les conditions de l'intervention de l'AGS au cours de la procédure de sauvegarde.

En conclusion, parce que ce texte modernise en profondeur les lois de 1984 et 1985, parce que ce texte apparaît comme l'adjuvant naturel et indispensable à la loi Dutreil, qui a redynamisé la création d'entreprises dans notre pays, enfin, parce que ce texte est parvenu à surmonter la difficulté de trouver un point d'équilibre entre les intérêts souvent contradictoires des débiteurs et des créanciers, des administrateurs et des mandataires judiciaires, le groupe UMP votera avec enthousiasme en faveur de ce projet de loi.

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