Intervention de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Réunion du 4 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Immigration asile et intégration

Photo de Soibahadine Ibrahim RamadaniSoibahadine Ibrahim Ramadani :

Cela s’explique par le fait que le taux de fécondité naturelle des Comoriennes est actuellement de 5 enfants par femme, alors que, sous l’effet de la campagne de planification familiale, ce taux est en baisse pour les Mahoraises et atteint 3, 5 enfants par femme.

D’après les estimations de notre excellent collègue Henri Torre, les élèves étrangers, dont 85 % seraient en situation irrégulière, représentent 22, 5% du total des effectifs scolaires de l’île en 2008-2009.

Ces élèves se répartiraient à hauteur de 30% dans l’enseignement du premier degré et de 20 % dans le second degré.

Autres caractéristiques de cette population illégale citée par la mission interministérielle – Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale de l’administration –, 75 % de la population carcérale sont d’origine clandestine, et 90 % des affaires traitées par les assises de Mayotte mettent en cause des clandestins.

Par ailleurs, la commission d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine a évalué, en 2006, à 10 000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière travaillant sur l’île, sur les 23 634 salariés dénombrés à l’époque. Dans le bâtiment, on compte 80 % de travailleurs clandestins dans les entreprises de moins de 10 salariés.

Enfin, le nombre de reconduites aux frontières croît aussi régulièrement : 7 714 en 2005, 13 253 en 2006, 13 300 en 2007 et près de 16 000 en 2008, dont 2 000 mineurs. Au moins 30 % des clandestins éloignés de Mayotte récidivent.

Il faut toutefois noter que l’amélioration de la couverture de l’île en moyens de détection et de surveillance a permis d’intercepter 167 embarcations clandestines en 2007, et plus de 200 à la date du 20 novembre 2008.

Parallèlement – et malheureusement ! – le nombre des naufrages se multiplient, car les passeurs, les propriétaires des kwassas, comme on dit chez nous pour désigner les embarcations clandestines, choisissent des trajectoires de plus en plus longues et périlleuses, afin d’éviter d’être repérés par les radars. C’est ainsi que, le 20 novembre dernier, Mayotte a eu à déplorer un accident faisant 14 morts et 7 disparus au large de Kani-Kély, au sud de l’île.

Les coûts induits par la lutte contre l’immigration clandestine, en sus de l’augmentation des effectifs et des moyens matériels, sont de 2, 3 millions d’euros pour la police aux frontières et de 941 000 euros pour la gendarmerie nationale au titre de l’année 2007.

Entre les naufrages et les interceptions, un nombre indéterminé de kwassas, chargés d’une population faite tout à la fois de récidivistes et de primo-arrivants, continuent de passer entre les mailles du filet.

Ce tableau nous conduit à soulever les trois préoccupations majeures qui sont celles des Mahorais aujourd'hui.

Tout d’abord, les 16 000 reconduites aux frontières réalisées chaque année, bien que ce nombre soit extrêmement élevé, n’endiguent pas le nombre de clandestins présents sur le territoire, d’une part, parce que 30% au moins d’entre eux récidivent, et, d’autre part, parce que le flux de primo-arrivants, malgré les moyens considérables mis en place, ne se tarit pas, en dépit des naufrages et des interceptions.

Ensuite, le centre de rétention administrative de Pamandzi ayant une capacité d’accueil de 60 personnes se trouve vite surchargé en période d’activité intense, et accueille alors plus de 200 personnes. En période de suspension des mesures d’éloignement, comme ce fut le cas au début du mois de novembre, cette situation contraint les services de l’État soit à libérer, faute de places, les clandestins, soit à ne pas les appréhender. Rappelons qu’un rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité a estimé que ce centre était indigne de la République.

Qu’en est-il, monsieur le ministre, du projet de construction d’un nouveau centre ?

Enfin, la troisième préoccupation a trait au codéveloppement et à la coopération régionale, en tant que levier permettant de réduire, à la source, la forte pression migratoire qui s’exerce sur Mayotte.

Comme vous le savez, jamais les relations entre la France et les Comores n’ont été aussi chaotiques, sous prétexte que le Président de la République Nicolas Sarkozy est déterminé à organiser à Mayotte une consultation populaire en vue de transformer l’île en département d’outre-mer, si du moins les Mahorais se prononcent en ce sens le 29 mars 2009.

En conséquence, l’atmosphère entre les deux États est telle que la quatrième rencontre du groupe de travail de haut niveau, qui devait se tenir à Moroni, la capitale des Comores, les 19 et 20 novembre 2008, a été reportée à une date ultérieure. Rappelons que ces rencontres entre les présidents Sarkozy et Sambi devraient aboutir à un accord de coopération bilatérale, signé solennellement en 2009.

Monsieur le ministre, quels sont les moyens budgétaires que votre ministère compte mobiliser en réponse aux inquiétudes des Mahorais ?

Pour ce qui concerne Mayotte, nous avons bien noté que, dans le cadre de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2009, 23, 3 millions d’euros sont prévus pour la police nationale et 14 millions pour la gendarmerie nationale. En revanche, aucun crédit, excepté ceux que nous avons adoptés hier, n’est prévu pour les programmes « Aide économique et financière au développement » et « Accueil des étrangers et intégration ».

S’agissant du Fonds de coopération régionale, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, la part qui reviendrait à Mayotte sur le milliard d’euros prévu pour les quatre départements d’outre-mer et Mayotte ?

Sous le bénéfice de ces observations, je voterai, dans ce projet de loi de finances pour 2009, les crédits affectés à la mission « Immigration, asile et intégration ».

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