Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 4 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Politique des territoires

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Tout ne figure pas dans le projet de loi de finances, et nous considérons que le secrétaire d'État que vous êtes doit agir de façon interministérielle, y compris dans des domaines qui ne relèvent pas forcément de la mission « Politique des territoires » mais pour lesquels vous jouez, selon nous, un rôle essentiel.

À l’occasion de leur congrès à Saint-Flour, voilà quelques jours, les élus de la montagne se sont adressés à vous, monsieur le secrétaire d'État, en espérant que sous la présidence française de l’Union européenne puisse être adoptée une directive-cadre afin de préserver les services publics en montagne.

La révision générale des politiques publiques atteint aujourd’hui un niveau de retrait territorial devenu difficilement supportable pour les collectivités locales, retrait qui concerne de nombreux services : école, poste, hôpital, équipements, gendarmerie, perceptions...

Cette réorganisation est particulièrement alarmante en zone de montagne en raison des paramètres géomorphologiques qui rendent plus difficiles les conditions d’accès ou l’installation de technologies de consultation à distance.

Nous souhaitons que le temps de la présidence française de l’Union européenne soit mis à profit pour ouvrir le chantier d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général.

Nous voulons que les collectivités territoriales, dans le respect du droit à libre administration qui est le leur, disposent des moyens juridiques et financiers suffisants pour leur permettre de maintenir sur leur territoire une offre de services publics de proximité répondant aux besoins réels de leur population.

Je citerai quelques exemples auxquels sont tout particulièrement attachés les élus des territoires d’altitude.

Tout d’abord, je parlerai de l’école. Pour les élus de la montagne, l’école représente un outil crucial de développement local et d’aménagement du territoire. La présence de ce type de service constitue l’un des facteurs les plus déterminants dans le choix d’une famille de s’établir et de rester dans une commune plutôt que dans une autre.

C’est pourquoi nous demandons que le nombre d’enseignants puisse être mis en rapport avec le temps de transport. Ce dernier est en effet une composante importante de la vie scolaire et tend à en amoindrir substantiellement la qualité. C’est un aspect particulièrement sensible en zone de montagne où les distances sont plus longues à parcourir en raison du relief et les trajets plus dangereux en raison des aléas climatiques et des risques naturels qui sont des réalités plus que fréquentes.

Or la décentralisation trouble le jeu de la gestion des postes, car l’actuelle répartition des compétences en matière d’éducation se solde par une gestion cloisonnée dont l’absurdité conduit à toujours plus de concentration. L’État tend à économiser ses postes en augmentant les taux d’encadrement et en accentuant les regroupements pédagogiques, alourdissant du même coup les obligations des départements finançant des circuits de transports scolaires invariablement plus longs.

Il vous est donc proposé, monsieur le secrétaire d'État, de prendre en considération les besoins réels des populations locales.

Premièrement, nous vous demandons d’appliquer à la préparation de la carte scolaire la règle valide en matière de politique des services publics, à savoir de notifier aux collectivités locales les fermetures envisagées avec deux années d’avance.

Deuxièmement, nous vous demandons l’application de seuils d’ouverture de classes adaptés aux réalités rurales et de montagne, notamment en prenant en considération les évolutions démographiques actuelles, qui traduisent un regain d’intérêt pour la ruralité.

Troisièmement, nous vous demandons de tenir compte dans les effectifs scolarisés des enfants d’âge maternel, scolarisés dans des classes uniques.

Le deuxième service public auquel les élus de la montagne sont très attachés est celui de La Poste.

Monsieur le secrétaire d'État, comme vous le savez pour vous déplacer toutes les semaines sur nos territoires, la présence de La Poste, au même titre que celle de l’école, constitue en montagne un facteur indispensable d’attractivité et d’ancrage de la population sur le territoire. C’est une constante avérée que l’évolution des métiers pratiqués par le réseau postal et l’ouverture à la concurrence ne viennent pas remettre en cause foncièrement.

Le service postal revêt en montagne deux réalités aussi concrètes que déterminantes.

Tout d’abord, l’accessibilité des guichets et des prestations est importante.

Les difficultés inhérentes au relief et au climat renforcent l’importance de la facilité d’accès aux 17 000 points de contact du réseau postal. Ce n’est pas un hasard si 9 200 d’entre eux sont situés dans des petites communes, classées notamment « zone de montagne ».

La levée et la distribution du courrier revêtent dans les zones de montagne une dimension sociale. En effet, dans ces zones, le facteur remplit encore d’autres fonctions que la simple distribution du courrier : portage de médicaments, de repas, d’achats divers, voire opérations bancaires à domicile.

Or, nous sommes obligés de noter que la gestion par La Poste de son réseau de points de contact se révèle par trop souvent en contradiction avec la dimension sociale et la dimension d’aménagement du territoire que je viens d’évoquer. Des modifications d’horaire ou d’ouverture sont décidées de façon abrupte, parfois sans prendre sérieusement en compte les réalités locales. De nombreux élus déplorent une absence de concertation réelle. Ils constatent qu’ils sont mis devant le fait accompli et qu’on leur impose de laisser à disposition un agent en mairie, en contrepartie d’un financement partiel à la pérennité bien incertaine.

J’insisterai sur un point particulier qui relève de la compétence de l’État, à savoir le caractère inique d’un règlement aux termes duquel la délivrance du service universelle de La Poste est assurée en tout point du territoire, excepté lorsque les infrastructures de transport ou les caractéristiques géographiques de certaines zones font obstacle à l’accomplissement régulier de ce service, c'est-à-dire très clairement en zone de montage !

Enfin, le dernier service auquel sont également très attachés les élus de la montagne, zone à handicap, est l’accès aux soins de proximité. M. le rapporteur pour avis y a d’ailleurs fait référence.

L’accès aux soins est un droit pour les populations permanentes et saisonnières, une garantie de vitalité économique et sociale pour tous les territoires, ainsi qu’une exigence de solidarité nationale.

Les élus de la montagne, à l’occasion de leur congrès qui s’est tenu le 24 octobre dernier, ont donc demandé que, sur le terrain des principes, les spécificités de la montagne soient pleinement prises en compte à la faveur de la discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, présenté en conseil des ministres le 22 octobre 2008.

Ils souhaitent que les zones sous-médicalisées soient déterminées dans les meilleurs délais par les autorités compétentes et que les critères présidant à leur définition ne soient pas uniformes sur l’ensemble du territoire national.

Enfin, ils demandent, s’agissant du financement des structures hospitalières, que la généralisation de la tarification à l’activité s’accompagne, pour les établissements situés en zone de montagne, de compensations financières liées aux sujétions particulières que ces derniers supportent.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne cite pas précisément les chiffres du projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, car les élus de la montagne considèrent que les missions du secrétaire d'État chargé de l’aménagement du territoire vont bien au-delà de cette seule mission « Politique des territoires ».

Vous vous déplacerez au début du mois de janvier prochain dans les Alpes, notamment pour étudier l’accompagnement des fermetures et des restructurations d’implantations militaires en zones de montagne.

Monsieur le secrétaire d'État, sur ce point également, vous devez faire preuve d’initiative pour faire admettre que les contreparties de l’État doivent être substantiellement différentes en zones de montagne. Les élus de ces dernières demandent non pas un traitement privilégié, mais un traitement adapté aux handicaps auxquels leurs territoires sont confrontés.

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