Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 4 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Politique des territoires

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’aménagement du territoire est une grande et belle intention qui suppose une politique cohérente de long terme, des moyens importants et des outils d’intervention pluriannuels et adaptés.

Or nous parlons, aujourd’hui, d’une mission dont le périmètre se réduit chaque année. Il s’agit de l’une des plus faibles en termes de crédits. Cette mission est une addition de projets sans beaucoup de moyens, qui peine à trouver une traduction claire dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale, comme le programme des interventions territoriales de l’État, le PITE, ciblent des points particuliers, un peu comme les « lois particulières » sous l’Ancien Régime.

Le dispositif des pôles de compétitivité est l’illustration d’une politique qui attribue souvent des primes à la concentration de capital humain ou financier. Il est présenté comme un moyen de résoudre, à lui seul, les problèmes d’attractivité du territoire et de délocalisations.

Quant aux pôles d’excellence rurale, je m’interroge sur la capacité de territoires non organisés à concrétiser des projets pour lesquels les taux de subvention sont très imparfaits, ce qui oblige à trouver d’autres financements locaux.

Concernant la prime d’aménagement du territoire, la PAT, nous pouvons nous interroger sur le rôle que peut jouer ce dispositif doté de moins en moins de moyens pour les territoires fragilisés.

Les contrats de projet ont remplacé les contrats de plan État-région. La participation de l’État est inférieure à la contribution européenne et les routes sont exclues des contrats. Il est nécessaire que l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, soit dotée des moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre d’une vraie ambition dans le domaine des infrastructures.

En effet, l’aménagement du territoire passe par des infrastructures performantes et réparties harmonieusement, par le maintien des services publics en milieu rural et dans les zones urbaines sensibles, afin de respecter l’égalité d’accès aux droits fondamentaux de nos concitoyens : éducation, emploi, santé, logement, transports, culture, etc.

Les réponses apportées ponctuellement masquent mal le renoncement de l'État à équilibrer, à répartir et à aménager le territoire dans une vision de long terme. L'exécutif n'a en effet dévoilé aucun « grand dessein » mobilisateur depuis 2002.

Pourtant, le concept d'aménagement du territoire est essentiel et parfaitement actuel. Les questions relatives aux transports, à la téléphonie mobile, ou encore à l’accès à l'internet à haut débit sont au cœur des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens.

Aujourd'hui, force est de constater que tout service public essentiel considéré comme non directement rentable est simplement condamné ou menacé de disparition. Il en est ainsi de la desserte ferroviaire ou du réseau postal.

Signée en 2002 sous le parrainage du Sénat par les trois associations nationales d'élus – l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Assemblée des régions de France – la charte des services publics locaux n'a pas été mise en œuvre.

La charte sur l'organisation de l’offre des services publics et des services au public en milieu rural, signée en juin 2006 par le Premier ministre, n'est pas respectée. La tenue régulière d'une conférence de la ruralité était prévue. Or, cette dernière ne s'est jamais réunie depuis l'élection présidentielle de 2007.

La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a, quant à elle, été dénaturée et vidée de son contenu. Les exonérations dont bénéficient les territoires ruraux classés en zone de revitalisation rurale ont ainsi été remises en cause. Monsieur le secrétaire d’État je préside le seul département intégralement classé, me semble-t-il, en ZRR.

La finalité d’une politique des territoires est avant tout la répartition des services et la péréquation des moyens. Je ne conteste pas l'intérêt d'encourager l'excellence, mais, sans infrastructures de transport et de télécommunications dignes de ce nom, il est impossible de développer un territoire, d'autant plus s'il est fragilisé.

Or, sous l’appellation « cartes », les restructurations se multiplient.

En premier lieu, la réforme de la carte judiciaire a pour conséquence la disparition de centaines de juridictions de proximité, qu’il s’agisse des tribunaux d'instance ou des conseils de prud'hommes.

La RGPP agit par « paliers de compression ». Elle s'attaque désormais aux effectifs et aux implantations du ministère de la défense. En parallèle, les crédits du plan d'accompagnement des territoires touchés par les restructurations militaires paraissent bien insuffisants pour répondre à l’incidence de celles-ci.

Mais, au-delà de la « carte militaire », tous les ministères sont visés. La RGPP fonctionne comme une machine à détricoter le maillage des solidarités nationales et territoriales. Nos « services publics » sont voués à être de plus en plus lâches, voire abstraits dans le cas de l'éducation nationale. Et il nous faudra bientôt être extrêmement vigilants à l’occasion de la présentation de la réforme hospitalière, dont l’impact territorial sera fort.

L’ouverture du capital de La Poste au secteur privé annonce quant à lui la prochaine privatisation de cette dernière, au prétexte de règles européennes qui ne l'imposent pourtant nullement. C’est toujours la même litanie, accompagnée de la même logique mécanique et comptable, sans concertation avec les élus locaux, et ce alors qu’aucune grande politique nationale ne peut être conduite sans le concours des collectivités locales.

La politique actuelle bénéficie ainsi aux territoires favorisés et néglige ceux qui sont en situation de dévitalisation, voire de détresse.

« On peut aussi faire de la discrimination positive à la française pour les départements qui souffrent. Il faut aider la Creuse plutôt que les Hauts-de-Seine » affirmait Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle.

Force est de constater que cette déclaration d'intention n’était qu’une promesse électorale non suivie d’effet. Les écarts de richesses entre collectivités se creusent tandis que les différences de développement entre les territoires s’accentuent. Consacrée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la péréquation est pourtant en net recul depuis 2004.

Je prendrai pour exemple la dotation de fonctionnement minimale des départements. Initialement créée pour aider les vingt-quatre départements les plus défavorisés, son rythme d'évolution annuelle était jusqu'alors de 3% à 4 %.

Département le plus âgé de France, la Creuse est également caractérisée par le plus bas revenu par habitant. Son potentiel fiscal est par conséquent le plus faible de France. Pour autant, l’augmentation de la dotation de fonctionnement minimale des départements en Creuse n’était que de 0, 013 % en 2008 : du jamais vu !

L'autonomie financière des collectivités sera mise à mal en 2009. Mais il faut bien appliquer le dogme : « moins de services, moins de personnel, moins d'État sur les territoires ».

En ce qui concerne les dotations de l'État pour 2009, le manque à gagner pour l’ensemble des collectivités sera de l'ordre de 734 millions d'euros, dont plus de 250 millions pour les seuls départements. Ceux-ci ne sauraient pourtant être tenus pour seuls responsables de la dette publique de notre pays : la totalité de leur endettement s'élève à 23 milliards d'euros seulement, alors que la dette nationale atteint 1 250 milliards d’euros ! Par ailleurs, leur endettement est intégralement consacré à l’investissement, et jamais aux dépenses de fonctionnement. Lors du congrès d'Orléans organisé les 28 et 29 octobre dernier, l'Assemblée des départements de France a adopté à l'unanimité une résolution appelant solennellement à ce que toute réforme des compétences des collectivités territoriales s’accompagne d’une réforme fiscale, et ce afin d’établir une péréquation plus juste et plus forte.

À structure constante, les autorisations d'engagement de la mission « Politique des territoires » augmentent cette année de 9 %. Mais en parallèle, les crédits de paiement baissent d’autant. Il faut s'attendre à des lendemains plus difficiles, puisque la programmation des dépenses de l'État sur la période 2009-2011 laisse apparaître une baisse constante des autorisations d’engagement.

De fait, monsieur le secrétaire d’État, les engagements pris dans le cadre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire seront-ils tenus ? Ma question intéresse tant les engagements visant la politique des pôles que ceux qui concernent l'accès aux technologies de l'information et de la communication. Les carences de la couverture numérique territoriale ont de l'avenir, n'en déplaise aux effets d'affichage de M. Éric Besson. Il est donc urgent d'intégrer le haut débit dans le service universel.

Je crois important de rappeler qu'efficacité économique et solidarité sociale et territoriale vont de pair. L'aménagement du territoire doit être le moyen d'affirmer le rôle de l'État, afin de faire valoir les principes d'égalité et de solidarité.

La politique du gouvernement auquel vous appartenez semble aller à l'encontre de ces objectifs. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce projet de budget.

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