Intervention de Claude Biwer

Réunion du 4 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Politique des territoires

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai à la fois en mon nom et en celui de mon collègue Yves Détraigne, qui a été obligé de s’absenter.

Au cours des années soixante et soixante-dix, la politique volontariste de l'État dans le domaine de l'aménagement du territoire a fortement contribué à l'équipement de notre pays, à son développement économique et à l'égalité entre les citoyens français, et ce quels que soient les lieux d'habitation de ces derniers. Or, aujourd’hui, de nombreux Français ont plutôt le sentiment d'un recul des politiques territoriales de l'État.

En 2009, l’État consacrera 386 millions d'euros à l’aménagement du territoire. Il est légitime de se demander si cette somme permettra de poursuivre le double objectif de cohésion et de compétitivité des territoires. Vous me permettrez d'en douter. Malgré les efforts fournis, les inégalités sont fortes entre des régions privilégiées et d’autres qui manquent encore de l’essentiel.

Les réorganisations successives de la carte judiciaire, de la carte militaire, et celles à venir de la carte hospitalière et des services publics dans leur ensemble font craindre à un très grand nombre d'élus ruraux l’apparition de déserts territoriaux.

Il existe des pôles de compétitivité et des pôles d'excellence rurale. Les premiers, plutôt urbains, mobilisent sur la durée 1, 5 milliard d'euros, dont 831 millions de crédits d'État. Quant aux seconds, ils ne bénéficient que de 235 millions d'euros. Comment comprendre un traitement aussi déséquilibré entre les secteurs urbains et ruraux ? Et je ne parle pas des conditions de délais et de présentation imposées en milieu rural lors du dépôt des dossiers.

La politique territoriale est hélas ! souvent synonyme de recul plus que de progrès. Il suffit de penser à l'évolution de la présence postale territoriale, à la fermeture des services de l'État, telles les trésoreries, ou encore aux grands projets d'aménagement annoncés et toujours différés, comme le projet autoroutier du « Y ardennais » encore en attente ou l'électrification de la ligne reliant Paris à Bâle.

Par ailleurs – c’est une situation que je dénonçais déjà voilà un an à cette tribune, comment expliquer une différence aussi importante entre le montant des crédits affectés à la dotation de solidarité urbaine – plus d’un milliard d’euros en 2009 – et ceux de la dotation de solidarité rurale– environ 700 millions d’euros ?

La DSU bénéficie à quelques dizaines de villes alors que la DSR concerne près de 20 000 communes, certes plus petites. Peut-on dès lors parler encore de « solidarité rurale » alors que le fossé continue à se creuser ?

De la même manière, des zones franches urbaines et des zones de revitalisation rurale ont été créées. Les premières ont dans l’ensemble donné d’excellents résultats tandis que les secondes peinent à se développer, notamment parce qu'elles ne bénéficient pas des mêmes réductions de charges sociales et fiscales que les zones franches urbaines.

Monsieur le secrétaire d’État, je demande non pas un traitement privilégié en faveur des zones rurales, mais simplement des mesures égales à celles dont disposent les zones urbaines:

Plusieurs solutions sont envisageables. En premier lieu, les pôles d'excellence rurale pourraient bénéficier d'un montant de crédits identique à celui des pôles de compétitivité. De même, il serait logique que le montant de crédits attribué à la dotation de solidarité rurale soit équivalent à celui de la dotation de solidarité urbaine. En réalité, compte tenu du nombre de communes et de territoires concernés, ce montant devrait même être supérieur. Il faudrait aussi autoriser les zones de revitalisation rurale à créer des zones franches rurales à l'instar des zones franches urbaines. Pourquoi ce qui est possible ici ne le serait-il pas ailleurs ? J’avais déposé sur ce thème une proposition de loi qui n’est toujours pas venue en discussion, ce que je regrette.

L'aménagement du territoire concerne également les infrastructures de transport qui irriguent tous notre territoire, notamment les zones les plus mal desservies. Permettez-moi de vous faire part de mes craintes concernant les moyens financiers de l'AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Tout indique que cette dernière sera en quasi-cessation de paiement en 2009. Comment dès lors mettre en œuvre un ambitieux programme d'infrastructures de transport et contribuer au désenclavement des zones rurales les plus vulnérables ? Là encore, une proposition de loi est dans les tiroirs…

Enfin, le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication constitue également un enjeu majeur pour l'aménagement du territoire au cours des prochaines années.

De ce point de vue, je crains que la fracture numérique à laquelle nous assistons déjà ne s'aggrave terriblement avec le développement du très haut débit.

En effet, dans le département de la Meuse, la téléphonie mobile n'est pas encore correctement accessible dans certaines communes. S'agissant de l'internet à haut débit, nombreux sont mes compatriotes à devoir se contenter, comme c’est le cas dans mon propre village, d'un débit inférieur à 512 kilobits. Et j'ose à peine évoquer le très haut débit, qui coûtera quinze fois plus cher dans les territoires ruraux qu'en Île-de-France, sans que la même rentabilité soit assurée ! J'avais à ce sujet proposé la mise en place d'une taxe de péréquation uniquement à la charge des fournisseurs d'accès à internet.

Certaines technologies particulières, comme le WiMax, ont été développées. Mais leur coût est trop important pour nombre de communes rurales, ce qui donne le sentiment à certains maires d'être victimes d'une double injustice : non seulement leurs communes se situent dans des zones moins attractives, mais, de plus, elles doivent payer pour avoir accès à des technologies leur permettant d'améliorer leur situation, alors que d'autres les ont obtenues gracieusement et souvent même sans avoir à les demander !

Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’Etat : quelles initiatives pouvez-vous prendre afin que l'aménagement numérique du territoire ne laisse pas de côté des pans entiers de notre pays et les entreprises installées dans ces zones, qu'il s'agisse du haut et du très haut débit, voire de la TNT ?

Au-delà du phénomène de disparitions de services publics que je n’ai pas vraiment évoqué, telles sont les réflexions que m'inspire le budget de la mission « Politique des territoires ». Si nous voulons mettre en œuvre une véritable politique d'aménagement du territoire, il faudra à mon sens développer des moyens autrement plus importants. Sinon, nous risquons de faire de nos zones rurales un nouveau désert technologique.

La volonté du Gouvernement et les propositions que vous avez évoquées m’engagent néanmoins à la confiance en l’avenir dans ce domaine comme dans d’autres. C’est pourquoi mes amis de l’Union centriste et moi-même soutiendrons votre projet de budget..)

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