Mardi matin, devant l’Assemblée nationale, des militants associatifs, indignés de ce qu’on ait trouvé tant de milliards pour sauver les banques quand on compte si chichement les millions qu’on accorde au logement, ont déployé sur le sol des affiches de quelques mètres carrés, de surfaces comparables à celles que doivent se partager des familles de trois, quatre, cinq personnes ou plus...
Leur indignation, madame, je veux croire que vous la comprenez, et même que vous la partagez.
Tous ceux-là, les mal logés, les militants qui les soutiennent, les élus locaux confrontés chaque jour à des familles en demande de logement, attendent vos réponses.
Tous ceux-là auraient souhaité que votre budget soit à la hauteur.
Ils ne demandent pas tout, tout de suite. Ils savent la difficulté de faire, la longueur des procédures, les délais nécessaires à la construction. Ils savent que, de toute façon, cela prendra du temps. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, ce que je ne comprends pas non plus– je l’avoue –, c’est pourquoi nous acceptons de perdre encore plus de temps. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que nous ne soyons pas capables d’augmenter les moyens que l’État consacre au logement, pire, que nous puissions admettre de les réduire !
Il est temps de faire les comptes, madame la ministre.
Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République il y a plus de dix-huit mois. Il avait promis de restaurer le volontarisme en politique, de réaffirmer que, lorsque la politique veut, elle peut.
Il avait pris auprès des Français l’engagement que tout deviendrait possible. Cet engagement, madame la ministre, vous oblige.
Votre majorité gouverne le pays depuis plus de six ans. Vous disposez d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et d’une majorité qui reste confortable au Sénat.
Vous ne pouvez pas continuer à répéter encore et encore que tout est de la faute de ceux qui vous ont précédée. Vous ne pouvez pas continuer à faire comme si vous n’en finissiez plus, chaque heure, chaque jour, chaque semaine, de rattraper les conséquences de l’impéritie supposée des gouvernements de gauche.
Il est temps d’assumer vos propres responsabilités, d’entendre, madame la ministre, ceux qui vous disent, sur les bancs de cette assemblée, qu’il y a quelque chose de scandaleux dans les choix budgétaires du Gouvernement. Dans l’idée, martelée encore et encore, d’une France de propriétaires quand tant de familles peinent à devenir même locataires.
Il y a quelque chose de franchement scandaleux à faire mine de s’indigner le lundi de ce que plus d’un habitant sur deux craigne de devenir sans-abri un jour pour, le mardi et tous les autres jours de la semaine, détricoter méthodiquement tous les filets de sécurité et de solidarité sociales qui, s’ils étaient au contraire renforcés, permettraient peut-être que chacun se sente, même en cas de chute, même en cas de coup dur, un peu moins exposé à basculer dans le dénuement total.
Enfin, à quoi rime – contre-feu ou ballon d’essai – cette invraisemblable idée d’hébergement obligatoire des sans-abri ?
Lorsque j’ai entendu cette idée, madame la ministre, je me suis demandé si, au moins, elle avait été soumise aux associations et aux organisations humanitaires qui, sur le terrain, auraient eu à assumer les conséquences d’une telle décision.