Intervention de Christine Boutin

Réunion du 4 décembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Ville et logement suite

Christine Boutin, ministre du logement et de la ville :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2009 de la mission « Ville et logement » que je suis venue défendre devant vous aujourd’hui, avec Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, prévoyait une enveloppe globale de 7, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 7, 64 milliards d’euros en crédits de paiement.

Le plan de relance que nous a présenté le Président de la République ce matin même me permet de vous indiquer que ces montants seront majorés, comme vous le savez, sur deux ans, de 160 millions d’euros pour l’hébergement et les structures spécialisées et de 400 millions d’euros environ de crédits budgétaires pour le logement.

En comptant les dépenses fiscales et la surcharge foncière, le plan de relance nous permet donc de disposer de 1, 4 milliard d’aides supplémentaires sur les deux ans à venir.

Comme vous l’avez indiqué, à ces crédits s’ajouteront des ressources extrabudgétaires mobilisées par les opérateurs que sont l’ANRU et l’ANAH. Ces ressources s’élèveront à 1, 951 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1, 301 milliard d’euros en crédits de paiement.

Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de répondre à vos interrogations programme par programme, pour plus de clarté.

Le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » est, comme vous l’avez noté, désormais rattaché à la mission « Ville et logement ».

Comme vous, je me félicite que ce programme connaisse une remise à niveau de ses crédits et soit doté de 1, 117 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2009. Comme je vous l’indiquais, une part significative des 160 millions d’euros du plan de relance y seront consacrés. Ainsi, 80 millions d’euros, notamment, pour moitié dès 2009, seront consacrés à l’humanisation des centres d’hébergement, une mesure qui me tient particulièrement à cœur.

Les moyens dédiés à l’hébergement évoluent également de manière très significative : ils augmentent de plus de 15 % entre 2008 et 2009, conformément à la décision du Premier ministre, qui a déclaré l’hébergement et l’accès au logement « grand chantier prioritaire 2008-2012 ». Les engagements pris dans le cadre du PARSA, le plan d’action renforcé en faveur des sans-abri, seront donc honorés, et même majorés, grâce au plan de relance. Nous parviendrons notamment à la création de 12 000 à 15 000 places en maisons-relais d’ici à 2011. Par ailleurs, ce plan nous permettra de rendre disponibles, dès 2009, 5 000 logements en intermédiation locative.

Il ne s’agit pas, monsieur Vanlerenberghe, de chercher à créer encore plus de places d’hébergement d’urgence. En effet, le nombre de personnes sans abri est estimé, au maximum, à 100 000. Les capacités d’accueil – toutes catégories de structure confondues – dépassent déjà les 99 600 places. Par conséquent, plus de 13 000 places ont été créées depuis dix-huit mois.

Avec les 1 000 places supplémentaires annoncées par le Président de la République, madame Terrade, il y aura suffisamment de places pour satisfaire tous les besoins.

Il s’agit donc maintenant d’offrir une plus grande qualité, grâce à une meilleure coordination des différents acteurs, pour optimiser la gestion des places disponibles et améliorer les conditions d’accueil qui sont réservées aux sans-abri dans ces structures.

Je reviendrai ultérieurement sur la question de l’humanisation des structures d’hébergement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à votre interrogation sur les capacités réelles d’accueil, je répondrai qu’il arrive souvent au « 115 » de ne pas pouvoir réserver de suite favorable aux appels qui lui sont transmis alors que des places sont encore disponibles. Ainsi, à Paris, du 30 octobre au 6 novembre 2008, le nombre de demandes non satisfaites a varié de 38 à 53, alors que celui des places disponibles fluctuait de 25 à 60. Cela soulève la question de la coordination entre les différents prestataires et de l’optimisation de leurs interventions.

Aussi, j’ai installé le 13 novembre dernier un groupe de travail qui réunit, tous les quinze jours, le « 115 », la FNARS, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, et des associations gestionnaires de centres d’hébergement en Île-de-France : Emmaüs, l’Armée du Salut et le Centre d’action sociale protestant. J’ai chargé ce groupe de coordination d’élaborer des propositions visant, d’une part, à permettre une adéquation optimale de l’offre d’hébergement disponible aux demandes adressées au numéro d’appel « 115 », et d’autre part, à une meilleure connaissance des publics et à une amélioration globale du dispositif d’urgence et de veille sociale. Cette instance devra me rendre ses premières propositions d’ici à la fin de l’année.

Madame Le Texier, vous avez fait allusion à la conférence de consensus. J’ai le plaisir de vous dire qu’elle a été financée par le ministère du logement et de la ville et que nous avons mis à sa disposition un inspecteur général des affaires sociales. Le travail accompli a été remarquable. J’ai reçu le rapport de la conférence hier matin à dix heures et j’ai pu vérifier, en en lisant les conclusions, que les cinq propositions qui y étaient formulées étaient toutes prises en considération par la politique que je mène.

Le programme « Politique de la ville » est nouveau. Il est né de la fusion, vous l’avez indiqué, des anciens programmes « Rénovation urbaine » et « Équité sociale et territoriale et soutien », conformément aux préconisations du Comité interministériel d’audit des programmes.

Mme Amara vous apportera plus de précisions sur ce sujet, mais je vous précise d’ores et déjà que le montant prévu dans le projet de loi de finances pour 2009, qui s’établissait à 744 millions d’euros en autorisations de programme et à 769 millions d’euros en crédits de paiement, est majoré, dans le cadre du plan de relance, de 200 millions d’euros au profit de l’ANRU, pour conforter le financement du Programme national de rénovation urbaine, le PNRU.

Au sujet de ce programme, vous avez souligné que son financement sera désormais assuré à titre principal par le 1% logement.

Je tiens à préciser que l’accord passé entre l’État et l’UESL, l’Union d’économie sociale pour le logement, permet une réorientation des emplois du 1 % logement vers les priorités de la politique du logement définies d’un commun accord par le Gouvernement et les partenaires sociaux.

À ce titre, une contribution complémentaire du 1 % logement de 320 millions d’euros portera le montant total de la participation de l’UESL au financement du PNRU à 770 millions d’euros par an sur la période 2009-2011.

Au sujet des capacités d’engagement de l’ANRU, vous avez fait mention de l’annulation d’un stock d’autorisations d’engagement non affecté en fin d’année. Cette annulation n’est envisagée que pour des raisons de technique comptable. Elle ne signifie en aucune manière une remise en cause du PNRU.

Cependant, je comprends et je partage le souci de certains élus de sécuriser le financement du PNRU.

Lors de la discussion budgétaire qui s’est déroulée à l’Assemblée nationale, M. le ministre du budget, Éric Woerth, a confirmé l’engagement du Gouvernement d’assurer le financement total des 12 milliards d’euros prévus au titre du PNRU. Cet engagement figurera dans le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, qui est actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Je pense que vous avez été nombreux à vous intéresser au plan de relance qui a été présenté par le Président de la République aujourd’hui à Douai. Il s’est lui-même engagé très clairement pour ce qui concerne le financement du PNRU.

Vous nous avez fait part de vos inquiétudes, messieurs les rapporteurs spéciaux, quant aux capacités de l’ANRU à faire face à ses paiements en 2012, si l’on s’en tenait à l’accord conclu avec l’UESL que je viens de vous décrire.

Je vous l’affirme : l’ANRU aura les moyens de faire face à ses paiements. À ce titre, le président de la République a tenu – il vient de le confirmer à Douai – à ce que soit versé à l’ANRU le complément de dotation de 200 millions d’euros que j’évoquais précédemment et qui vient majorer les capacités de paiement de cet organisme.

Concernant les contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS, vous dénoncez, une fois encore, monsieur Dallier, leur nombre élevé, qui engendre, selon vous, le risque d’un saupoudrage des subventions et d’une dilution de l’efficacité des actions menées.

Certes, le nombre de CUCS signés, qui s’élève à 497, est plus important que celui des contrats de ville 2000-2006, qui étaient au nombre de 247.

En effet, ont été intégrés à la géographie prioritaire des quartiers, qui, certes, ne faisaient pas l’objet d’un contrat de ville, mais, pour autant, bénéficiaient déjà de financements au titre de la politique de la ville. En effet, le label CUCS a été donné, notamment, à d’anciens contrats locaux de sécurité et à des conventions de ville moyenne, afin d’harmoniser le traitement de ces différences par la politique de la ville.

En outre, certains élus n’ont pas souhaité proroger l’approche intercommunale qui avait été privilégiée jusqu’alors : ainsi, un contrat de ville a pu donner naissance à deux, voire à trois CUCS.

Par ailleurs, ont également été intégrés à la géographie prioritaire des quartiers dégradés qui ne sont pas des zones urbaines sensibles, mais dans lesquels l’ANRU intervient. Il n’était pas cohérent d’améliorer le cadre urbain de ces quartiers sans pouvoir intervenir dans le traitement des difficultés socioéconomiques que rencontrent leurs habitants.

Enfin, ont également été pris en compte certains centres anciens. Jusqu’à présent, ces quartiers ne l’étaient pas réellement, car ils ne correspondaient pas aux critères traditionnels de la politique de la ville.

Pour autant, certains de ces quartiers accueillent des populations fragiles vivant dans de l’habitat privé dégradé. Ils méritaient donc plus d’attention de la part des pouvoirs publics.

La géographie prioritaire a été étendue, mais les risques de dilution des crédits sont limités.

D’abord, parce que cette extension a largement consisté en une labellisation unique de sites dans lesquels la politique de la ville intervenait déjà.

Ensuite, parce que les quartiers prioritaires sont classés en trois catégories selon les difficultés socioéconomiques qu’ils rencontrent. Naturellement, la masse des crédits mobilisés est modulée en fonction de l’importance des problèmes à traiter.

Enfin, la politique de la ville s’appuie plus largement que par le passé sur les crédits de droit commun des ministères. C’est le principe fondateur de la dynamique Espoir Banlieues, et cela explique, messieurs André et Repentin, que les crédits figurant à ce titre dans le projet de loi de finances vous paraissent « modestes ». Ils vont servir à fédérer les initiatives des autres départements ministériels qui en assurent également le financement. C’est un choix délibéré du Gouvernement que mon ministère ne soit pas le seul financeur du plan Espoir Banlieues, mais que tous les ministères soient impliqués dans sa mise en œuvre et contribuent à sa réalisation. Mme Amara vous précisera dans quelles conditions.

Cependant, la géographie prioritaire de la politique de la ville n’est pas figée. Elle doit être révisée avant la fin du premier semestre 2009 et, comme l’a souhaité le Parlement, elle sera actualisée tous les cinq ans.

Par ailleurs, le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé que « les moyens de la politique de la ville feront l’objet d’une plus grande concentration géographique et temporelle dans les quartiers les plus en difficulté où la solidarité locale est insuffisante ». Les associations d’élus seront naturellement associées à la redéfinition de la géographie prioritaire de la politique de la ville.

C’est dans ce cadre que la nouvelle génération de CUCS sera négociée pour la période 2010-2013.

Comme le nombre de CUCS est appelé à diminuer, monsieur Vanlerenberghe, certaines dépenses de fonctionnement vont pouvoir être réduites comme, notamment, le financement des directions de projet – une par CUCS. La part des crédits bénéficiant directement aux habitants des quartiers, quant à elle, ne sera pas diminuée.

Je vous propose de revenir, ultérieurement dans nos discussions, sur la réforme des zones franches urbaines, lorsque les amendements déposés sur l’article 82 seront discutés.

Le programme « Aide à l’accès au logement » est, comme vous l’avez souligné, le principal poste de dépenses de la mission, représentant plus de 65 % des crédits. Il permet à plus de six millions de ménages de percevoir une aide personnelle au logement.

Vous considérez que ce programme est sous-doté. Conformément au calendrier budgétaire, mes besoins ont été calculés, vous le savez bien, avec les services de l’administration des finances, au mois de mars dernier, c’est-à-dire avant que ne se déclenche la crise économique que nous subissons aujourd’hui.

À cette date, il était encore raisonnable de pouvoir compter sur une baisse du nombre de bénéficiaires et sur une augmentation annuelle de 4 % de la masse salariale. Le scénario retenu était donc extrêmement prudent mais il pourrait ne pas se réaliser, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique.

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