Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 4 décembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Article 82

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Le présent article a pour objet de « recentrer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires » dans les ZFU par une profonde modification du dispositif qui avait été confirmé par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

Le paragraphe III, quant à lui, vise à supprimer le mécanisme de la « sortie en sifflet » en trois ans ou en neuf ans.

Ces modifications ont essentiellement pour objet de générer, selon vos estimations, une économie de 100 millions d’euros, qui se répartiraient de la manière suivante : 70 millions d’euros au titre du plafonnement des exonérations et 30 millions d’euros au titre de la suppression de la sortie progressive.

Le coût des exonérations de charges sociales en ZFU serait ainsi ramené à 239 millions d’euros en 2009.

Si l’on ne peut qu’être favorable à la recherche d’économies par la suppression de dispositifs jugés inefficaces et coûteux, le choix que fait le Gouvernement de concentrer les allègements de charge sur les bas salaires est contre-productif.

Nous sommes convaincus que ces allégements de charges ont un effet négatif sur les salaires. En effet, pourquoi mieux rémunérer le travail si l’entreprise, de ce fait, vient à perdre le bénéfice de l’allégement ?

Nous sommes consternés de constater que la défiscalisation dans les ZUS est parfois détournée de son objet : certaines entreprises n’y installent que des boîtes aux lettres et en profitent pour bénéficier des avantages ; d’autres s’y installent, mais ne recrutent que des salariés n’habitant pas sur place ; enfin, certaines ne consentent à y créer que des emplois peu qualifiés.

Cela n’est pas sans conséquences pour les habitants de ces territoires. Selon le tout récent rapport de l’ONZUS, entre 2004 et 2007, on constate une précarisation accrue des emplois occupés par les habitants des ZUS ainsi qu’une extension du temps partiel, souvent subi.

Ainsi, si l’on se penche sur le cas des salariés masculins, on note que, dans les ZUS, la part des bas salaires a progressé de trois points, alors qu’elle est restée stable pour les autres salariés masculins des mêmes villes.

Certes, les ZFU n’ont pas permis de répondre aux attentes des habitants et n’ont pas joué pleinement le rôle de levier espéré pour les territoires ciblés. Malheureusement, votre proposition n’est pas non plus à la hauteur des enjeux. Elle n’apporte rien et risque de détruire le peu qui fonctionne.

Dans ces zones, les besoins sont toujours aussi criants, l’exclusion se développe, le chômage augmente, et vous n’abordez ces questions qu’en termes comptables.

De telles économies, qui sont finalement dérisoires face aux graves ponctions réalisées sur les crédits de la mission « Ville et logement », risquent d’avoir des conséquences encore plus graves pour nos territoires, en mettant en péril certaines entreprises, notamment les plus petites.

Plutôt que de modifier brutalement et sans concertation le système, pénalisant ainsi tant les entreprises que les salariés, il vaudrait mieux admettre qu’un dispositif fiscal ne peut pas à lui seul régler le problème de l’emploi dans les zones urbaines sensibles, les ZUS.

Ce sont les fondements même du dispositif global des zones franches urbaines qu’il conviendrait de revoir, en s’appuyant sur les véritables ressources de ces territoires, c'est-à-dire sur leur richesse humaine. Il est temps de replacer la personne au cœur des mesures prises en direction des ZFU.

Une partie des élus des zones urbaines – je parle surtout des zones franciliennes, parce que c’est la région que je connais le mieux, mais c’est sans doute également le cas ailleurs – demandent depuis longtemps l’application d’un dispositif fondé sur l’origine géographique du salarié. L’entreprise qui engagerait un salarié issu d’une zone urbaine sensible bénéficierait ainsi d’aides dès le premier emploi. En vous inspirant de cette proposition, vous feriez d’une pierre deux coups. D’une part, vous pourriez susciter des embauches. D’autre part, vous pourriez créer ce petit avantage comparatif qui fait tant défaut aux jeunes de banlieues aujourd'hui.

Passer des aides aux territoires aux aides à la personne et doter de capital public ceux qui n’ont pas de capital privé seraient des solutions fécondes pour répondre aux difficultés des personnes concernées.

Vous ne pouvez pas l’ignorer, la situation dans nos banlieues s’aggrave. Rien ne doit être négligé pour permettre l’accès à l’emploi du plus grand nombre. Or l’article 82 ne prend pas cet impératif en compte.

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