Intervention de Philippe Marini

Réunion du 1er décembre 2004 à 10h00
Loi de finances pour 2005 — Article 43

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais intervenir, d'une part, sur la question du chèque britannique, et, d'autre part, de façon plus générale, sur l'état des négociations sur la programmation budgétaire européenne.

Je rappellerai tout d'abord que la France est aujourd'hui, de loin, le premier contributeur à la correction britannique. Nous assumons 29 % du financement avec 1, 5 milliard d'euros au titre du budget pour 2004. Nos excellents amis britanniques participent à hauteur de 13 % au financement de l'Union à 25, alors que leur produit national brut en représente 18 %. Selon les règles préétablies, mes chers collègues, la ristourne augmenterait encore sur le long terme. Elle s'établirait par exemple à 7, 5 milliards d'euros en 2007.

Mais, à l'inverse, si le Royaume-Uni ne bénéficiait pas de ce règlement, il deviendrait le principal contributeur net de l'Union à l'horizon 2013. La question est donc tout à fait cruciale.

Madame la ministre, quasiment tous les Etats membres sont favorables à la suppression de ce règlement spécifique, qui était dû à la remarquable pugnacité de Mme Margaret Thatcher. Mais tous n'approuvent pas les propositions de la Commission européenne. Celle-ci a ainsi présenté, le 14 juillet dernier, un mécanisme complexe, dit « d'écrêtement des soldes nets » destiné à se substituer progressivement au chèque britannique. Le financement de ce dispositif serait assuré par l'ensemble des Etats membres et chacun d'entre eux bénéficierait d'un certain remboursement selon une formule complexe.

Le Gouvernement français a fait part de ses réserves sur l'approche proposée par la Commission, tout en étant opposé au maintien du système actuel.

Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez éclairer la Haute Assemblée. Quelle est la position réelle de notre pays en la matière ? Quels sont nos objectifs ? Le rabais britannique ne peut pas durer. Les propositions de la Commission ne sont sans doute qu'un premier stade d'examen du problème. Il faudrait que vous puissiez nous en dire plus pour que nous comprenions où nous allons.

Plus généralement, vous vous souvenez, mes chers collègues, que les six principaux contributeurs de l'Europe - la France, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède - ont adressé il y a un an une lettre solennelle de leurs chefs d'Etat et de gouvernement à la Commission, dans laquelle ils traçaient leurs propres perspectives financières pour l'Union.

Alors que la Commission prévoyait pour 2007-2013 une enveloppe de 1, 15 % de la richesse nationale globale en crédits de paiement et de 1, 17 % en crédits d'engagement, les six chefs d'Etat et de gouvernement que j'ai cités se situent, eux, sous un plafond de 1 %. Evidemment, à l'intérieur des décimales figurent des sommes importantes.

La négociation sera particulièrement difficile et se situera sur plusieurs plans. Sans doute devra-t-on aboutir à une synthèse des approches, dossier par dossier.

Madame la ministre, le pire serait que l'on n'exerce pas de contrainte budgétaire sur l'Europe et la Commission, car nos Etats connaissent des situations économiques et conjoncturelles difficiles. On ne peut pas se serrer la ceinture partout, sauf à la Commission. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un message fort que le Gouvernement français relaie ces derniers mois avec énergie.

Le pire serait que l'on accepte le dérapage budgétaire, que l'on soit conduit en même temps à accepter le maintien de l'exception britannique, et que l'on ne sache pas tirer toutes les conséquences positives du Sommet de Lisbonne.

Si l'on veut que l'Europe joue le rôle le plus utile et que nos concitoyens l'envisagent de façon encore plus positive, il convient que la stratégie de Lisbonne ait un prolongement concret en matière de croissance économique, de développement des entreprises, de libération des énergies.

Nous sommes confrontés à de nombreux enjeux et nous savons bien que l'extension de l'Europe à 25 Etats transforme la nature du problème de la cohésion et que le devenir des fonds structurels est aussi un sujet essentiel de l'agenda.

Dans le nouveau système institutionnel, la France va devoir se trouver des alliés, sujet par sujet. Le cheminement sera nécessairement complexe. En effet, sur certains sujets, il faudra compter sur le soutien ou l'approche amicale des Etats dits « de la cohésion », c'est-à-dire l'Espagne, le Portugal et la Grèce ; en revanche, sur d'autres dossiers, il faudra parler et faire un bout de chemin avec les nouveaux Etats membres.

Madame la ministre, tout cela représente un ensemble complexe de potentialités. Vous vous trouvez sur un chemin semé d'embûches, et la conjoncture est assurément intéressante pour les deux chambres du Parlement, en particulier pour le Sénat.

En matière de construction européenne, nous sommes très attachés à la cohérence et au respect de principes raisonnables de gestion budgétaire.

Madame la ministre, quelles concessions notre pays sera-t-il amené à faire ? Quel compromis raisonnable peut se dessiner entre les différentes approches et les différents sujets possibles ? En un mot, à l'occasion de ce débat européen, pouvez-vous dissiper une partie des ambiguïtés du sujet et lever le voile sur la stratégie à venir concernant la programmation financière européenne ?

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