Tel est l'enjeu du débat d'aujourd'hui. Nous jouons pleinement notre rôle de parlementaires en cherchant à éclairer nos concitoyens sur l'usage que l'Union européenne fait des ressources qui lui sont apportées par la France.
Je voudrais en profiter pour évoquer maintenant les progrès apportés à la procédure budgétaire européenne par le projet de traité constitutionnel signé le 18 juin 2004.
D'une part, le projet de Constitution prévoit d'inscrire dans le traité le mécanisme des perspectives financières, rebaptisé « cadre financier pluriannuel ». Cela permettrait de pérenniser une pratique qui s'est développée en marge des traités, sous la forme d'accords interinstitutionnels, mais qui a fait la preuve de son efficacité pour assurer un financement régulier aux grandes politiques communautaires.
D'autre part, le projet de Constitution simplifie la procédure annuelle d'adoption du budget communautaire en la ramenant à une seule lecture au Conseil et au Parlement et en supprimant la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires.
L'an dernier, sur la foi du texte issu de la Convention, je m'étais inquiété d'un déséquilibre institutionnel au profit du Parlement européen, qui aurait eu le dernier mot sur toutes les dépenses. Heureusement, le texte issu des travaux de la conférence intergouvernementale est plus équilibré. Il donne le premier rôle, en cas de désaccord, à un comité de conciliation, qui réunit les représentants du Conseil et ceux du Parlement européen, sans qu'aucune des deux institutions ne puisse imposer sa volonté à l'autre.
On peut regretter, il est vrai, que le projet de Constitution maintienne le principe de l'unanimité pour l'adoption du cadre financier pluriannuel, alors que le texte issu de la Convention proposait une majorité qualifiée. On peut également regretter que l'occasion n'ait pas été saisie d'associer, d'une manière ou d'une autre, les parlements nationaux à la discussion budgétaire européenne.
Quoi qu'il en soit, le projet de Constitution apporte des progrès indéniables à la procédure budgétaire communautaire et c'est là, pour ceux qui en douteraient, un motif supplémentaire de le ratifier.
Je voudrais enfin évoquer la négociation des perspectives financières pour l'après 2006. Je me permets d'insister sur cette question, pour deux raisons essentielles : tout d'abord, parce que cette négociation comporte des enjeux importants pour la France, qu'il nous faut affronter avec la plus grande lucidité ; ensuite, parce que cette négociation nous contraindra à opérer des choix décisifs sur le contenu des politiques que l'Union souhaite conduire au cours des prochaines années ainsi que sur le niveau de solidarité financière qu'elle souhaite mettre en place.
Cette négociation représente un véritable défi en termes de calendrier. La discussion s'est engagée à partir de la présentation par la Commission de sa communication du 10 février 2004. L'objectif est de parvenir à un accord politique à la fin du premier semestre 2005, sous présidence luxembourgeoise, qui commence, comme on le sait, le 1er janvier prochain. On ne peut toutefois exclure une prolongation des débats au second semestre 2005, sous présidence britannique, voire au premier semestre 2006, sous présidence autrichienne.
Une telle prolongation compliquerait fortement les débuts des prochaines perspectives financières, compte tenu des délais nécessaires à un démarrage effectif de la nouvelle programmation des fonds structurels au 1er janvier 2007. Il serait malheureux de renouveler pour la période 2007-2013 l'erreur rencontrée lors de la période 2000-2006, pour laquelle les perspectives financières ont été adoptées trop tard. Cela a différé d'autant la mise en place des programmes et explique, en partie, certaines sous-consommations de crédits que nous observons aujourd'hui.
La question essentielle posée lors de cette négociation est de savoir à quel niveau doit être fixé le budget de l'Union. Les positions sont tranchées, pour l'instant.
D'un côté, un groupe de six pays contributeurs nets, dont la France, s'est prononcé pour le refus de toute augmentation du budget communautaire par rapport à son niveau actuel, soit 1 % du PIB communautaire. Ces pays considèrent que leur facture est suffisamment lourde et que la croissance économique permettra de financer de manière satisfaisante l'ensemble des priorités et, au premier rang, celle de l'élargissement.
De l'autre côté, la Commission s'est prononcée en faveur d'un accroissement significatif du budget de l'Union pour atteindre, en 2013, 1, 27 % du PIB communautaire en crédits d'engagement et 1, 15 % en crédits de paiement, soit des augmentations respectives en volume, par rapport à 2006, de 31 % et de 25 %. Cette proposition recueille le soutien des pays traditionnellement bénéficiaires de la politique de cohésion et, bien entendu, des nouveaux Etats membres.
Il est probable que le résultat final sera intermédiaire entre le niveau actuel de 1 % et le plafond de 1, 27 % du PIB communautaire. Des efforts d'économie seront néanmoins nécessaires par rapport aux propositions de la Commission. Or, je vous rappelle que 45 % du budget consacré à la PAC se trouve « sanctuarisé » jusqu'en 2013. Le risque est donc grand que la politique régionale, qui représente aujourd'hui 35 % du budget, serve de variable d'ajustement. La France, en particulier risque de se retrouver très isolée dans la défense d'un objectif 2 significatif.
Enfin, la discussion des perspectives financières pose la question du financement du budget communautaire. La Commission a présenté, le 14 juillet 2004, un rapport sur les ressources propres dans lequel elle propose de mettre fin progressivement au « chèque britannique », pour instaurer un mécanisme de correction généralisée bénéficiant à tous les pays dont le solde net excède un certain niveau.
On pourrait se féliciter d'une telle proposition tendant à mettre fin au régime dérogatoire britannique. En effet, ce dernier n'a plus aucune raison d'être, dans la mesure où le Royaume-Uni ne souffre plus du tout d'une « moindre prospérité relative », comme c'était le cas en 1984. Toutefois, il paraît difficile de surmonter l'opposition du Royaume-Uni à toute remise en cause, car il dispose en l'occurrence, ne l'oublions pas, d'un droit de veto.
Le danger est donc grand que la discussion aboutisse à une solution où le « chèque britannique », maintenu, viendrait s'ajouter à un mécanisme de correction généralisée au profit des autres gros contributeurs. Ce serait le cas de figure le plus défavorable à la France, contributeur modeste, mais qui finance déjà 30 % du « chèque britannique ».
Nous devons donc refuser d'entrer dans un tel débat sur les soldes nets, qui demeure très éloigné des principes de solidarité financière fondant le financement des politiques communes.
Voilà les quelques observations que je souhaitais formuler à propos de ce budget.