Intervention de Michel Mercier

Réunion du 1er décembre 2004 à 10h00
Loi de finances pour 2005 — Article 43

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

J'aurais souhaité m'exprimer aussi bien que M. Denis Badré sur le budget de l'Europe et ses perspectives; mais je le ferai avec mes propres mots.

Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement nous a refusé un débat sur l'Europe et son extension. Nous n'avons déjà pas beaucoup de pouvoir, accordez-nous au moins celui de la parole ! Nous en priver encore une fois, c'est vouloir confiner le thème de l'Europe à des discussions de spécialistes, qui écartent nos concitoyens de cette question pourtant essentielle.

Comme M. Badinter l'a excellemment indiqué dans l'avant-propos de l'essai de Mme Sylvie Goulard, intitulé Le Grand Turc et la République de Venise, la démocratie contemporaine est, d'abord, une démocratie d'opinion, c'est-à-dire un espace organisé pour la discussion publique.

Nous ne devons pas avoir peur de parler de l'Europe. Il appartient à chacun, en fonction des dispositions de la Constitution, de prendre ses responsabilités. Loin de moi l'idée de vouloir bouleverser l'ordonnancement constitutionnel ! Toutefois, il me semble normal que nous parlions enfin, au moins une fois, de l'Europe et que nous ne l'évoquions pas seulement à l'occasion des questions budgétaires !

Grâce à l'amendement déposé par M. Bruno Retailleau, nous pourrons discuter de l'élargissement de l'Europe à la Turquie.

Alors que se joue peut-être, dans notre pays, le sort du Traité constitutionnel, je souhaite, aujourd'hui, dire de quelle Europe j'ai envie en tant que Français qui veut vivre son destin de citoyen dans une Europe organisée.

On nous propose plusieurs voies.

Une Europe de la prospérité ? Pour ce faire, il est question d'une Europe sans frontière, où le libéralisme économique est la seule règle et le seul fondement. Peut-être arriverons-nous ainsi à obtenir une Europe prospère... Mais laquelle ? Où s'arrêtera-t-elle ? Cette Europe sans rivage sera-t-elle celle dont avaient rêvée ses pères fondateurs, démocrates chrétiens, une Europe pour l'homme, où l'humanisme plénier trouverait son foyer ?

Une Europe de la paix ? L'un des apports de l'Europe, comme l'a très justement indiqué Denis Badré, c'est d'avoir apporté la paix. L'Europe est devenue en quelque sorte un conservatoire des droits de l'homme. C'est très bien ! On ne peut pas y être défavorable. Lorsque l'on a créé l'Europe, la préservation des droits de l'homme, l'un des moteurs de sa construction, était un objectif essentiel et il doit le rester !

Depuis l'effondrement de l'empire soviétique, des pays frappent à la porte de l'Europe parce qu'on y trouve la paix, la liberté et les droits de l'homme.

Mais aujourd'hui, est-ce suffisant ? L'Europe est-elle la seule nation à respecter les droits de l'homme ? N'y a-t-il pas d'autres continents où la philosophie des droits de l'homme conduit à l'organisation de la nation ? Si, bien évidemment !

On ne peut limiter l'Europe à être la patrie des droits de l'homme. Sinon, comme le déclarait le père Madelin voilà quelques jours, elle apparaîtrait comme un sous-ensemble de l'ONU, une grande Suisse, havre de paix dans un monde dévoré par les ambitions belliqueuses. Elle n'aurait pas la maîtrise de son destin au milieu des antagonismes renaissants faute de s'en donner les moyens.

Or, au moment où l'on s'apprête à voter le montant de la participation de la France au budget des Communautés européennes - tout budget, je le rappelle, sous-tend une politique - et alors que se décide, d'une certaine façon, l'avenir du Traité constitutionnel européen, je tiens à réaffirmer notre volonté de vivre dans une Europe organisée, marquée par des bornes limitant son territoire, dans une Europe puissante, entreprenante et généreuse.

Pour créer cette Europe, mieux vaut s'attacher à effacer les frontières intérieures plutôt que de vouloir sans cesse aller plus loin, sans savoir où l'on va.

Je souhaite que les mesures budgétaires que nous allons voter tout à l'heure nous permettent de construire enfin une Europe organisée et puissante dont nous pourrons être fiers, et qui, demain, sera notre patrie !

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