Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 1er décembre 2004 à 10h00
Loi de finances pour 2005 — Article 43

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

« Une année historique », l'expression est souvent galvaudée ! Elle prend néanmoins ici tout son sens, car l'Europe vient de franchir trois étapes majeures : l'élargissement le plus important qu'elle ait jamais connu et qui pose la question de sa nature et de son projet ; la signature du traité constitutionnel, le 29 octobre 2004, qui permet le lancement du processus de ratification ; enfin, l'affirmation du contrôle démocratique des institutions communautaires, le Parlement nouvellement élu ayant su peser sur la composition de la nouvelle Commission.

Deuxième contributeur net et deuxième bénéficiaire net du budget de l'Union, la France a une légitimité forte pour émettre des avis, qu'ils soient budgétaires ou relatifs aux politiques communes. Cette année, il me semble qu'elle retrouve sa légitimité, et ce pour deux raisons : d'une part, notre pays devrait présenter en 2005 un déficit en dessous de la barre des 3% du PIB, démontrant ainsi sa volonté de respecter les règles du jeu ; d'autre part, alors que la France était en dernière position en matière de transposition des directives, elle vient d'effectuer de réels progrès en transposant tout récemment une quarantaine de directives. Il faut en rendre acte à l'action efficace de son ministre des affaires européennes.

La France demeure circonspecte quant à l'utilisation des 16, 6 milliards d'euros de sa contribution, qui représentent environ 16, 5% du budget communautaire, et elle doit rester attentive à au moins deux sujets : l'élargissement et son impact budgétaire, surtout sur les fonds structurels et sur les aides de pré-adhésion, les perspectives financières et l'avenir du « chèque britannique ».

Le surcoût de l'élargissement en année pleine est évalué à 3, 9 milliards d'euros. L'élargissement de l'Union à dix nouveaux pays disposant d'un PIB inférieur à ceux des anciens Etats membres a par ailleurs entraîné une réorientation massive des fonds structurels et une baisse mécanique des montants disponibles pour les actuels Etats membres.

Les montants de la politique de cohésion ont, je le rappelle, augmenté de 3, 3% en raison de l'élargissement, alors même qu'ils représentent le deuxième poste de dépenses de l'Union, avec 36, 5% des dépenses totales !

Je souhaite que le Gouvernement fasse preuve de bon sens, d'une part, en ne surestimant pas la capacité d'absorption de ces crédits par les nouveaux Etats membres et, d'autre part, en mettant ces montants en perspective avec le niveau de l'impôt sur les sociétés dans ces pays. En effet, plusieurs nouveaux Etats membres pratiquant le dumping fiscal, avec des taux d'impôt sur les sociétés oscillant entre 0 et 20 %, on ne peut accepter qu'ils attirent fortement des capitaux privés grâce à cette pratique déloyale, au risque d'accroître encore les délocalisations vers l'Est alors qu'ils drainent par ailleurs d'importants fonds publics communautaires.

Madame la ministre, le Gouvernement semble prêt à défendre l'idée d'une coopération renforcée en matière fiscale auprès de la nouvelle Commission européenne, mais avec quels alliés et selon quel calendrier ?

En ce qui concerne les fonds de pré-adhésion disponibles au titre de la rubrique 7, je souhaite exprimer ma surprise sur les conditions d'octroi de ces aides à deux des quatre pays candidats, la Croatie et la Turquie.

Autant il me semble normal que ces aides accompagnent le statut des pays candidats, autant il me semble particulièrement curieux qu'il n'y ait aucune différence de conditionnalité dans leur octroi entre les pays actuellement en négociation - la Roumanie et la Bulgarie - et ceux qui n'en sont pas encore à ce stade. Serait-il incongru de demander à la Croatie de coopérer plus activement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, alors que l'Union européenne lui verse plus de 60 millions d'euros par an ? Serait-il anormal de demander à la Turquie de reconnaître enfin Chypre, aujourd'hui Etat membre de l'Union européenne, ainsi que le génocide arménien, alors qu'elle se voit octroyer près de 300 millions d'euros par an ?

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