Intervention de Claudie Haigneré

Réunion du 1er décembre 2004 à 10h00
Loi de finances pour 2005 — Article 43

Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette séance, très complète, nous donne l'occasion de débattre non seulement du projet de budget communautaire pour 2005 et de l'évolution de la contribution française, mais aussi de tous les grands dossiers de l'actualité européenne.

Je connais l'implication de chacun d'entre vous sur ces sujets. Je tiens, à ce titre, à saluer tout particulièrement M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, M. Philippe Marini, rapporteur général du budget et M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.

Depuis le débat qui a eu lieu ici même il y a un an lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, l'Union européenne a franchi en effet deux étapes historiques. Elle a mis un terme définitif à la division de l'Europe en accueillant en son sein, le 1er mai 2004, dix nouveaux Etats membres ; comme l'a rappelé M. Aymeri de Montesquiou, il nous faut maintenant réussir cet élargissement. Elle a préparé l'avenir en proposant aux citoyens européens de refonder, sur un nouveau projet de traité, le contrat qui les unit.

Le projet de budget pour 2005 a été adopté par le Conseil de l'Union européenne en première lecture le 16 juillet dernier - je reprends les procédures actuelles qui sont complexes, mais M. Haenel a souligné tout à l'heure que le nouveau traité constitutionnel comportait des mesures de simplification -, par le Parlement européen en première lecture le 28 octobre ; le 25 novembre, le Conseil, en seconde lecture, a définitivement adopté ce projet, qui est marqué par deux caractéristiques principales.

D'abord, il s'agit du premier budget qui concernera, sur l'ensemble de l'année, l'Union élargie à vingt-cinq membres. Ensuite, il vise, vous l'avez reconnu, à trouver un juste équilibre entre nos ambitions pour les politiques communes et notre souci de rigueur budgétaire.

Le budget final sera adopté le 14 décembre en deuxième lecture par le Parlement européen, qui déterminera le niveau définitif des crédits d'engagement.

Au cours de la réunion de concertation du 25 novembre, un accord est intervenu sur un montant de 106, 3 milliards d'euros. Ce compromis entre les Etats membres et le Parlement européen représente une hausse de 6, 5 % des crédits de paiement par rapport à 2004.

Cette progression s'explique par la mise en oeuvre des décisions des Conseils européens de 2002 sur l'élargissement - Monsieur Badré, le coût de cet élargissement est limité et comme l'a rappelé M. Haenel, il a été bien contrôlé et il n'y a pas de dérapage -, et plus spécifiquement par la montée en puissance des aides agricoles et des fonds structurels en faveur des nouveaux adhérents.

Ce budget, qui équivaut à 1 % du revenu national brut de l'Union, reste en dessous du plafond des ressources propres qui s'élève à 1, 24 %. Il s'inscrit donc dans le cadre des perspectives financières qui avaient été adoptées par le Conseil européen de Berlin en 1999. Cela constitue un motif de satisfaction à l'heure où s'engagent des discussions pour élaborer les perspectives financières à venir dans le cadre financier 2007-2013.

L'agriculture représente encore le premier poste du budget communautaire, avec 43 % du montant total des dépenses. C'est un niveau qui reste stable par rapport à 2004. Vous savez que le Conseil européen de Bruxelles prévoit jusqu'en 2013 un budget agricole stable pour l'Europe à vingt-cinq, et donc un maintien des enveloppes consacrées à l'agriculture. Ce cadre budgétaire, avec la réforme de la politique agricole commune adoptée en juin 2003, assure ainsi aux quatorze millions d'agriculteurs européens des perspectives claires pour les années à venir. Le Gouvernement veillera à ce que ce cadre soit strictement respecté.

J'en viens aux autres rubriques car elles ont été évoquées au cours de ce débat.

La rubrique 2, celle qui concerne la politique de cohésion, connaît une hausse 3, 3 %, soit une augmentation beaucoup plus modérée que l'année précédente, à cause des transferts liés à l'adhésion des nouveaux Etats membres. C'est le deuxième poste du budget, avec 36, 5 % des dépenses.

La politique de cohésion, évoquée par MM. Badré, Bret et de Montesquiou, ne peut ignorer le défi des délocalisations. Face à l'inquiétude qui croît aujourd'hui pour l'avenir de nos emplois, le Gouvernement privilégiera deux objectifs. Il s'agit, d'une part, de renforcer la vigilance exercée par les institutions de l'Union sur la capacité des Etats membres à financer le complément national des aides communautaires. Cela permet une plus grande transparence par rapport à des accusations ou des préoccupations qui auraient pu se faire jour. M. Aymeri de Montesquiou a évoqué des coopérations renforcées. Il s'agit, d'autre part, d'harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés et, si possible, ses taux minimaux.

Les autres politiques, la rubrique 3 du budget communautaire, représentent 7, 7 % du budget total.

Pour 2005, vous l'aurez remarqué, les dépenses relatives à la recherche confirment leur prédominance, avec une dotation d'environ 3, 7 milliards, devant le domaine de l'énergie et des transports ; MM. Jean Arthuis et Robert Bret ont insisté sur ce point. Cette dotation tient compte, de façon lucide, de l'importance qu'il y a à renforcer notre action à cet égard. Le projet de budget adopté par le Conseil prévoit des dotations significatives pour des domaines jugés prioritaires par le Gouvernement, en particulier en matière d'éducation et, bien sûr, de sécurité intérieure au sein de cette Union européenne élargie.

La rubrique 4, relative aux actions extérieures de l'Union européenne, ne comporte pas, dans ce budget, de réductions par rapport au budget 2004, monsieur Bret. Le financement de ces actions s'établit à 5, 1 milliards d'euros en crédits d'engagement. Cette rubrique se caractérise par une poursuite de l'effort en direction de nos partenaires dans les différents continents. Je le redis devant vous : l'Europe confirme, en faveur de l'Irak, son effort particulier, en augmentant de 25 % sa contribution, qui passe à 190 millions d'euros. Cela montre la préoccupation que l'Europe a d'être présente s'agissant des grands enjeux de politique extérieure.

Il convient de relever que la progression de la rubrique 5, relative aux dépenses administratives, est très maîtrisée.

La rubrique 7 concerne les aides de pré-adhésion. Elle avait connu une très forte diminution en 2004, à l'occasion du transfert, dans les autres rubriques du budget communautaire, des dépenses en faveur des dix nouveaux membres. Ce poste de dépenses augmentera d'environ 7 %, et s'élèvera à 1, 8 milliard d'euros en crédits d'engagement. Il concernera en 2005 quatre pays.

Les deux premiers, la Roumanie et la Bulgarie, sont candidats à l'entrée dans l'Union et devraient, s'ils sont prêts, adhérer dès janvier 2007. Leur adhésion sera l'un des éléments de discussion du Conseil européen du mois de décembre.

Le troisième pays est la Croatie, à laquelle le Conseil européen des 17 et 18 juin dernier a accordé le statut de candidat. Je veux rassurer M. Aymeri de Montesquiou sur notre vigilance concernant la coopération de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le TPIY. Les négociations d'adhésion avec la Croatie devraient être ouvertes au début de l'année 2005.

Enfin, le quatrième pays est la Turquie. Permettez-moi de souligner, en réponse à l'intervention de M. Retailleau, que l'octroi d'aides de pré-adhésion n'est que la conséquence de la reconnaissance du statut de pays candidat à la Turquie, reconnaissance décidée lors du Conseil européen d'Helsinki en 1999 et réaffirmée lors du Conseil européen de Copenhague de 2002. Cela ne préjuge pas une éventuelle adhésion.

La recommandation formulée par la Commission le 6 octobre dernier, que vous avez tous en tête, constitue, bien sûr, un élément essentiel d'analyse, mais c'est au Conseil européen du 17 décembre prochain, et à lui seul, qu'il appartiendra de décider de l'ouverture éventuelle de négociations d'adhésion avec la Turquie.

Si des négociations sont ouvertes, nous devons garder à l'esprit qu'il s'agira - cela a été redit encore tout récemment - d'un processus ouvert, dont les résultats ne peuvent être garantis à l'avance. Ce processus ne préjuge en rien l'issue de ces négociations, comme le disait M. Robert Del Picchia.

J'ai noté également les remarques de M. Aymeri de Montesquiou sur la reconnaissance de Chypre par la Turquie et le devoir de mémoire que doit avoir ce pays à l'égard de son passé. Tout cela, bien sûr, devra être discuté. A tout moment, la France, comme les autres Etats membres, pourra faire entendre sa voix.

Si ce processus aboutit à long terme, il appartiendra alors aux Français de se prononcer par référendum sur la question de l'adhésion éventuelle de la Turquie à l'Union européenne, comme l'a souhaité le Président de la République. La possibilité sera donnée à ce pays de prouver aux Etats membres de l'Union et à leur population, les citoyens européens, par les efforts qu'il aura accomplis, que, un jour, il sera capable de partager le projet européen. Nous avons le temps d'en discuter, d'avancer sur ce chemin de l'adhésion.

Dans le respect de notre Constitution, le Parlement sera, bien sûr, régulièrement informé des évolutions sur cette question, et je réponds là au souci exprimé par M. Michel Mercier. Je remercie les orateurs qui sont intervenus d'avoir mis en lumière le fait que le nouveau traité constitutionnel donnera la possibilité aux parlements nationaux d'être de plus en plus impliqués dans les décisions, les échanges d'informations, les suggestions et propositions, avec des pouvoirs renforcés. Nous aurons de multiples occasions de débats dans les semaines et les mois à venir, qu'il s'agisse de la révision de la Constitution, au début de l'année 2005, ou de votre implication, de notre implication, dans les débats sur le référendum.

Permettez-moi de vous donner, très brièvement, quelques chiffres.

Comme cela a été rappelé, la France devrait demeurer, en 2005, le deuxième contributeur brut au budget communautaire, derrière l'Allemagne, et environ 5, 9 % de nos recettes fiscales seront allouées à l'Union. La France en restera aussi le deuxième bénéficiaire, derrière l'Espagne.

MM. Denis Badré et Bernard Frimat l'ont dit, l'arithmétique des soldes nets ne doit pas constituer le critère absolu de notre engagement européen. En effet, les soldes budgétaires ne rendent que très imparfaitement compte de l'étendue des bénéfices que nous avons tirés, et que nous tirons, de la construction européenne : un continent pacifié - un continent de paix et de démocratie, comme cela a été rappelé -, un marché intérieur, plus large, d'un demi milliard d'habitants, des réseaux transeuropéens et une politique agricole qui profitent à l'ensemble des consommateurs, enfin, une monnaie qui, même si nous devons nous poser des questions, s'impose comme l'une des toutes premières du monde.

Voilà pour la participation de la France au budget des Communautés européennes.

En cette période charnière de la construction européenne, nous devons également préparer l'avenir à plus long terme.

Je remercie MM. Robert Del Picchia et Aymeri de Montesquiou d'avoir rappelé que préparer l'avenir, c'est bien sûr réussir la ratification de la Constitution européenne. Ce texte est important pour l'Union européenne car il adapte son fonctionnement à l'élargissement. Il l'est aussi pour chacun de nos vingt-cinq pays, chacun de nos citoyens, dans les domaines de la sécurité et de la justice, de l'action extérieure ou de la gouvernance économique, comme vous l'avez rappelé, monsieur Arthuis.

Nous devons préparer cette échéance.

La première étape consiste à procéder à la révision préalable de la Constitution, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 19 novembre dernier. Votre assemblée sera saisie très rapidement, au début de l'année.

La seconde étape consiste à mener, auprès des Français, un véritable travail de présentation et d'explication sur le traité constitutionnel, comme l'a rappelé M. Robert Del Picchia.

Tel est l'enjeu important de la période qui s'ouvre. J'ai amené avec moi quelques documents §qui sont les premiers outils permettant à chacun d'effectuer un travail de réflexion.

Vous avez tous en main, ou en poche, celui-ci : Constitution pour l'Europe : mode d'emploi. Il a été largement diffusé aux parlementaires, aux élus locaux, aux associations, aux décideurs.

D'autres instruments sont d'ores et déjà disponibles. J'ai en main le texte du « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », édité par La documentation française. On a très envie de le lire et je peux vous dire que la partie I et la partie II sont tout à fait accessibles.

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